Enseigner une histoire «orientée»?

La ministre de l’Éducation n’a pas d’annonce à faire pour le moment, mais reconnaît que le dossier est « sensible » et dit prendre la chose « au sérieux ».
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir La ministre de l’Éducation n’a pas d’annonce à faire pour le moment, mais reconnaît que le dossier est « sensible » et dit prendre la chose « au sérieux ».

La guerre idéologique autour de la création d’un comité ministériel pour revoir les programmes d’histoire au secondaire s’envenime. Plusieurs enseignants, historiens et autres spécialistes de la matière jugent « dangereuse » la complicité entre le Parti québécois et la Coalition pour l’histoire, tenant d’une approche nationaliste de l’enseignement de l’histoire du Québec. Craignant les conséquences néfastes que cela pourrait avoir sur l’enseignement de l’histoire, ils réclament des explications à la ministre de l’Éducation, Marie Malavoy.

Mercredi, Le Devoir révélait qu’un comité-conseil composé d’historiens et de spécialistes de toutes les allégeances créé par le ministère pour revoir le programme d’histoire au secondaire était critiqué par des membres de la Coalition pour l’histoire. Celle-ci a dit ne pas vouloir participer au comité dans sa composition actuelle, alléguant qu’une telle démarche serait vaine, et a préféré rencontrer en catimini la ministre de l’Éducation, Marie Malavoy.


Piqués au vif, certains historiens membres de ce comité ministériel ont dénoncé les manières de la Coalition. « Je suis estomaquée », a dit l’historienne Micheline Dumont, également didacticienne et spécialiste de l’histoire des femmes. Elle dit avoir, comme d’autres, écrit au ministère pour avoir des explications.


La présidente de l’Association québécoise pour l’enseignement en univers social (AQEUS), qui cosigne une lettre publiée dans notre page Idées, trouve « dangereux » le maillage du gouvernement au pouvoir avec les historiens de la Coalition. « Ils sont maillés avec le PQ et on trouve aberrant qu’ils tassent tout le monde qui n’est pas de cette orientation », a soutenu Lise Proulx. Elle dit être « apeurée » par les intentions du Parti québécois. « On craint qu’ils réécrivent les programmes selon une idéologie », a-t-elle ajouté en prônant une approche critique, dépolitisée. Sur la même note, la porte-parole libérale en matière d’éducation, Francine Charbonneau, craint pour sa part que la ministre ne fasse « un détournement politique » des écoles.


Pas orienté


Pierre Graveline, coordonnateur de la Coalition, se défend de vouloir imposer une version « orientée » de l’histoire du Québec. « Enseigner l’histoire en disant que la Conquête est tout simplement un changement de régime, ce n’est pas orienté, ça ? », a-t-il déploré en faisant allusion au programme actuel, qui ne fait pas assez la promotion des grands épisodes comme les référendums de 1980 et de 1995. « Je trouve regrettable que Jocelyn Létourneau [professeur d’histoire à l’Université Laval et membre du comité-conseil] et ses amis essaient de nous diaboliser en criant au complot », a-t-il ajouté, en réitérant son refus de faire partie du comité, un « exercice purement cosmétique », selon lui.


La ministre de l’Éducation n’a pas d’annonce à faire pour le moment, mais reconnaît que le dossier est « sensible » et dit prendre la chose « au sérieux ». Mais rien n’est « figé » pour le moment, a dit Mme Malavoy, en parlant du comité ministériel. « Rien n’est laissé à des fonctionnaires. Je suis ministre de l’Éducation et ce qui va ressortir de ça, ça sera passé par moi », a-t-elle assuré. Sans dire si les changements qu’elle proposera seront importants, la ministre a indiqué qu’ils devront être « visibles ». « Ce que je peux vous rappeler c’est que dans le discours inaugural, on parlait de renforcer l’enseignement de l’histoire. Je pars avec ça dans la feuille de route. »

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