Point chaud - La semaine de relâche, c’est grâce à lui!

Lorsqu’il se rend en France pour un stage d’observation en 1968, Fernand Paradis, alors directeur des services éducatifs au niveau primaire à Québec, découvre un congé qui n’existe pas ici : les « vacances printanières ». Devenu directeur de la commission scolaire de la ville, il décide, en 1977, d’importer le concept. À son grand étonnement, il ne faudra que quelques années pour qu’il balaie le Québec, une région après l’autre.
Car ce matin, 36 ans plus tard, pas moins de 825 000 élèves issus de 55 commissions scolaires entament leur semaine de relâche. Un congé très attendu qui représente, faut-il le rappeler, une véritable manne pour l’industrie touristique. À condition que le beau temps soit au rendez-vous…
« Ça m’a étonné ! », dit sans détour M. Paradis lorsqu’on lui demande s’il s’attendait à ce que la semaine de relâche prenne aussi peu de temps pour conquérir le Québec. « Mais ça montre que c’est une initiative valable. D’ailleurs, les sondages indiquent généralement un taux de satisfaction d’environ 80 %. »
Enseignant de formation, il fait dans les années 50 un « constat imprécis que les absences durant l’année étaient distribuées de façon un peu bizarre ». Au cours de ses études universitaires, pour l’obtention de la licence (l’équivalent d’une maîtrise), il profite de ses travaux en statistique pour analyser, sur cinq ans, les absences chez les enfants de la première à la sixième année.
« Je voulais voir s’il y avait des courbes d’absences, dit-il. J’ai vu qu’il y avait une pointe très forte à la fin du mois de février, et une pointe atténuée au début du mois de novembre. » Il examine ensuite les absences chez les enseignants… et constate le même phénomène. Pour tout le monde, il s’agit d’une simple question de fatigue hivernale, dit-il rétrospectivement.
Découverte en France
En 1968, la commission scolaire de Québec lui paie un stage d’observation en France, de février à avril. « J’ai visité plus d’une centaine de classes. À la fin février, alors que ma semaine n’était pas remplie, je visitais des administrations et je voulais savoir pourquoi je ne pouvais pas visiter des écoles. On m’a dit que c’était les vacances printanières ! dit-il en riant. Ça correspondait exactement aux résultats de la recherche que j’avais menée ! D’autant plus qu’il y a aussi une semaine de vacances à la Toussaint [fin octobre, début novembre]. »
En février 1977, alors qu’il dirige la commission scolaire, M. Paradis, après discussion avec le syndicat, instaure donc un nouveau congé à la fin du mois de février. Pour ce faire, il faut toutefois rentrer en classe une semaine plus tôt, en août.
Or, un problème se profile immédiatement : à l’époque, la Loi sur l’instruction publique stipule que l’école commence après la fête du Travail et que l’année se termine fin juin. Il fallait conserver 180 jours d’école pour les élèves et 200 jours de travail pour les enseignants. « J’avais de bons amis sous-ministres qui m’avaient dit de ne pas m’inquiéter et que, si je m’entendais avec le syndicat, je n’aurais pas d’ennuis de la part du gouvernement », dit-il.
Après le retrait de l’appui syndical en 1978, tout rentre dans l’ordre en 1979 et la semaine de relâche telle qu’on la connaît devient permanente à Québec.
Impact économique
Un congé collectif de cette ampleur a évidemment un impact économique, quoique les données compilées, étonnamment, demeurent parcellaires, pour ne pas dire minces.
D’abord, les 61 commissions scolaires de langue française ne se concertent pas pour choisir la semaine. Selon la Fédération québécoise des commissions scolaires, 55 d’entre elles sont en relâche cette semaine, ce qui n’est pas toujours le cas. Ensuite, le temps qu’il fait peut jouer un rôle important dans les déplacements des familles et les réservations dans les hôtels et les centres de villégiature.
Une des rares études portant sur l’impact touristique, effectuée en 1999 pour le Regroupement québécois pour la modification du calendrier scolaire, a estimé que le taux d’occupation lors de la semaine de relâche de février 1998 avait atteint 89 %. Les conditions météo étaient superbes.
« Pour plusieurs entreprises misant sur les activités d’hiver familiales, la semaine de relâche peut représenter jusqu’à 25 % de leur chiffre d’affaires annuel », ont écrit les auteurs Michel Archambault, Pierre Lefebvre et Claude J. Péloquin, tous trois liés à l’Université du Québec à Montréal.
Caprices de la météo
En mars 1999, toutefois, les conditions météorologiques pendant la semaine de relâche sont mauvaises. Toujours selon l’étude, l’industrie touristique québécoise perd environ 8 millions de dollars. « Pour l’industrie du ski, on parle d’une perte avoisinant les 4 millions, ou une baisse de 25 % du chiffre d’affaires. »
Uniquement dans la région de Québec, on compte cinq ou six grands centres de ski, souligne M. Paradis. « Le Mont-Sainte-Anne, Stoneham, le Massif, etc., ils ont un achalandage extrêmement important », dit-il. Sans compter les centres de plein air. « Un de mes amis dirige le Village Vacances Valcartier, et il m’a déjà fait part du défi que représente l’accueil de la clientèle cette semaine-là. »
Parmi les autres points d’achalandage figurent le cinéma, les musées et, n’oublions pas ce qui fait rêver le plus : le Sud. Mais une part considérable de l’élan économique vient du fait que l’activité ne se limite pas aux enfants et à leurs parents. « Il y a les enseignants, les grands-parents qui s’impliquent. Ça crée un mouvement, un commerce extrêmement important », dit M. Paradis.
C’est aussi une semaine qui peut poser problème, reconnaît-il. « Il y a des couples, des parents qui ont beaucoup de difficulté avec la semaine de relâche. Et ce pour toutes sortes de raisons : familles reconstituées, manque d’argent, c’est un facteur qui joue beaucoup dans l’organisation d’initiatives familiales ou dans les dépenses de voyages.»