Financement des universités: le logiciel libre pour sortir de la crise
Sortir des ornières pour sortir de la crise. En marge du Sommet sur l’enseignement supérieur qui a débuté lundi à Montréal, l’Association pour l’appropriation collective de l’informatique libre (FACIL) invite les universités du Québec à remettre en question leur dépendance coûteuse envers les géants de l’informatique privative, comme Microsoft, pour mettre leur parc informatique au diapason avec le logiciel dit libre. Ce changement de paradigme serait salutaire, dit l’organisme, en raison des millions de dollars d’économie qu’il pourrait engendrer, et ce, dans le contexte de tension budgétaire qui afflige actuellement les maisons d’enseignement.
Dans une analyse interne, Daniel Pascot, président de l’organisme, déplore le « gaspillage du peu de ressources » des universités « dans de mauvaises décisions informatiques ». L’homme, professeur d’informatique à l’Université Laval, en veut pour preuve les sommes importantes investies chaque année dans des logiciels et systèmes reposant sur des logiciels dits privatifs, et donc liés à d’importants frais d’utilisation versés à des multinationales américaines.
Selon lui, ces factures pourraient considérablement être diminuées, en préconisant dans les universités le logiciel libre, dont le code informatique ouvert n’est pas assujetti à ce même genre de licences. Avec à la clef, ajoute M. Pascot, des économies profitables au financement de la fonction première des universités : l’enseignement.
Des économies de 650 millions
Sur la base du coût du seul système de gestion des études de l’Université Laval, l’universitaire et militant pour le logiciel libre estime d’ailleurs à 650 millions de dollars sur dix ans l’argent versé par les cinq grandes universités du Québec aux géants du logiciel sous licence. Or, une grande partie de cet argent pourrait être investie ailleurs, à condition de répondre à l’appel du logiciel libre. Par ailleurs, il souligne que 500 000 $, une somme généralement versée parfois pour un seul logiciel privatif ou système jugé indispensable par les institutions d’enseignement, équivaut à « 60 cours (au prix d’un chargé de cours) ».
Pour FACIL, ce ne sont pas des contraintes techniques qui empêchent les universités d’appréhender ce type de logiciels, mais simplement une « fermeture d’esprit » et une conception traditionnelle de l’informatique qui nuisent désormais à leur capacité à profiter pleinement des clefs du présent numérique. « Nos universités [et le ministère de l’Éducation] vivent dans un obscurantisme technologique face à la montée de la révolution numérique », écrit M. Pascot qui s’étonne, à l’heure où le gouvernement commence timidement à s’ouvrir au logiciel libre de voir les universités si loin d’un projet dont « elles auraient pourtant dû être, en fonction de leur mission, le moteur ». Et il ajoute : « Pour qui est sensible au bien commun qu’est la connaissance et aux rôles qu’y jouent les logiciels libres, c’est scandaleux. »
Au printemps dernier, en plein coeur de la crise sociale et universitaire liée à la hausse des droits de scolarité, un consortium d’acteurs du logiciel libre au Québec avait déjà interpellé Québec pour faire part des économies potentielles liées à un plus grand usage des logiciels non privatifs par l’administration publique. Selon eux, l’argent épargné aurait pu alors réduire de 50 % le montant de la hausse envisagée par Québec à l’époque.