À la FQPPU - «Nous ne voulons pas être guidés par des critères de productivité et de standardisation»

Invités à se prononcer sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Québec, les professeurs des universités en appellent à une réflexion. Deux semaines avant le Sommet sur l’enseignement supérieur, le point sur les attentes et les positions de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU).
La FQPPU attend depuis longtemps l’occasion de se pencher en profondeur sur l’avenir et la place de l’université québécoise et réclame depuis 2008 « un vaste débat démocratique sous la forme d’États généraux sur l’université québécoise. […] Ce Sommet auquel nous convie le gouvernement en est une forme réduite mais importante », peut-on lire dans le premier avis présenté par la FQPPU lors des rencontres thématiques en prévision du Sommet.
Après avoir formulé deux avis présentés lors de ces rencontres thématiques - le premier au sujet de la qualité de l’enseignement supérieur, le deuxième sur le financement et la gouvernance universitaires -, la FQPPU réduit la liste de ses exigences à trois axes essentiels pour redresser la barre. Et selon Max Roy, président de la FQPPU, le Sommet sera l’occasion rêvée de mettre en avant ces trois impératifs.
Embauche
Le premier impératif soulevé par la fédération concerne l’embauche de nouveaux professeurs. En effet, le ratio actuel professeur/étudiants - dont le pic historique a été enregistré en 2011-2012 - plombe la qualité de l’enseignement et la disponibilité des professeurs.
« La situation actuelle est intenable : les étudiants et les professeurs s’en plaignent, rapporte Max Roy. Nous voulons nous assurer qu’il y a suffisamment de ressources professorales pour maintenir et même améliorer la qualité de l’enseignement et de la recherche dans les universités québécoises. » La FQPPU déplore un déficit de ressources qui s’accumule depuis plusieurs années, au point d’avancer le chiffre de 1800 professeurs manquant à l’appel pour arriver à un ratio professeur/étudiants équilibré. « Il faudrait au minimum 800 ou 1000 embauches immédiates pour éviter le pire », estime Max Roy. À cet égard, le Sommet se doit d’être un élément déclencheur, sans quoi on risque de foncer dans le mur. « Si nous attendons des années avant d’embaucher, ce ne seront plus 1000 professeurs dont nous aurons besoin, mais 1500. Nous courons à notre perte et il y a une décision à prendre immédiatement. »
Gestion
Les professeurs gagneraient également, avance la FQPPU, à participer davantage aux instances dirigeantes des universités. « Les membres de la communauté universitaire sont minoritaires dans les conseils d’administration, où se prennent des décisions qui ont des conséquences d’ordre budgétaire, universitaire et scientifique », poursuit Max Roy. Au chapitre du financement, plusieurs pratiques ont également des incidences néfastes sur le travail des professeurs, tant en ce qui touche leurs activités de recherche que leur mission d’enseignement. « Aujourd’hui, le mode de financement se fait en fonction de nombre d’étudiants, ce qui crée des distorsions. Il s’agit d’un mode de financement à court terme qui oblige les universités à faire des choix à court terme. Comment développer des secteurs d’activité et de recherche avec l’assurance qu’ils ne seront pas abolis l’année suivante ? interroge le président de la fédération. Il faudrait, au contraire des enveloppes budgétaires sur plusieurs années. »
Max Roy insiste aussi sur la nécessité de mieux baliser les transferts de fonds, afin d’éviter que les universités puisent dans leurs fonds de fonctionnement pour combler leurs besoins matériels et immobiliers. Encore une fois, la prise de décisions est inévitable et urgente, surtout lorsqu’on considère « les conséquences sur la qualité des activités, des services et des prestations. C’est un choix politique ».
Une autre vision
Mais derrière tout cela, c’est bien une vision de l’université qu’il s’agit de défendre : une université « au service de la collectivité, dont la mission est avant tout citoyenne, culturelle, intellectuelle et scientifique ». La création d’un Conseil des universités, un organisme indépendant chargé de veiller à la qualité de l’enseignement, agirait à ce titre comme force de concertation, de réflexion et d’influence, « pour assurer une coordination de l’ensemble des initiatives de recherche, s’assurer une vision d’ensemble des projets et aviser l’État de nos recommandations. Tout cela doit avoir une référence commune : une Charte des universités, dans laquelle seraient inscrits les valeurs et les principes auxquels nous adhérons, pour que les universités aient toujours cette référence ».
Et selon Max Roy, la réussite du Sommet en dépend. « La création d’un Conseil des universités devrait avoir lieu le plus tôt possible, puisqu’elle détermine beaucoup de choses. Le Sommet ne pourra pas, en une seule rencontre, régler tous les problèmes du système d’enseignement supérieur québécois. » L’idée semble faire l’unanimité, mais les détails restent à régler.
« Son mandat reste à définir par l’ensemble de la communauté universitaire », précise Max Roy. Et alors que la CREPUQ a avancé l’idée d’un conseil composé d’experts externes, la FQPPU préfère celle d’un conseil composé de membres du milieu universitaire. « Nous nous méfions des firmes d’experts externes, sur le modèle des agences d’assurance-qualité. Nos objectifs sont intellectuels, culturels, sociaux et scientifiques : nous ne voulons pas être guidés par des critères de productivité et de standardisation. »
Certaines dérives actuelles de la recherche heurtent d’ailleurs de plein fouet les valeurs intellectuelles et sociales défendues par la FQPPU. « La liberté des chercheurs est mise en péril, car le financement de la recherche est externe : il provient d’organismes gouvernementaux, provinciaux et fédéraux, de commanditaires, d’entreprises ou d’industries. Il faut que les chercheurs demeurent les maîtres d’oeuvre de leur recherche et ne soient pas limités dans leur travail par les orientations politiques, économiques, idéologiques des bailleurs de fonds et des organisations. Un chercheur doit pouvoir s’exprimer librement sans être censuré ni muselé si sa recherche ne donne pas les résultats escomptés ou si les résultats de sa recherche vont à l’encontre des intérêts de la compagnie. Il est au service de la collectivité et non des entreprises. Or partout à travers le monde, des chercheurs dénoncent la transformation des universités en occasions d’affaires pour les industries et les entreprises. »
Tout en saluant l’initiative du Sommet, Max Roy souligne les circonstances difficiles dans lesquelles les décisions devront être prises. Les compressions budgétaires de 124 millions cette année, et encore plus l’année prochaine, n’annoncent rien de facile, même avec « les meilleures intentions et les projets les plus profitables », déplore-t-il.
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