Conférence - Trois leaders étudiants, trois visions de la culture universitaire

Des centaines d’étudiants de l’Université de Montréal ont assisté à un bref retour du printemps hier après-midi, alors que les trois leaders vedettes du mouvement étudiant ont été réunis dans le cadre d’une conférence organisée par le professeur du département de sociologie, Jacques Hamel.
Sur le thème « La culture universitaire, quelle culture ? », Gabriel Nadeau-Dubois, ex-porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire (FEUQ), et Léo Bureau-Blouin, ex-président de la Fédération étudiante collégiale (FECQ) et maintenant député péquiste, ont tour à tour exposé leurs visions, celles de trois personnalités bien campées, soit l’idéaliste, la pragmatique et le politicien. En fait, ils ont été invités à répondre à une chronique de Pierre Foglia de juin dernier, dans laquelle il y va d’un coup de gueule envers un père qui demande à la prof de français de son cégépien de fils pourquoi elle lui fait lire du Molière s’il est pour devenir ingénieur.
« Foglia défend la thèse qu’on ne parle de l’université qu’en termes économiques […] et je suis d’accord », a déclaré d’entrée de jeu M. Nadeau-Dubois. « Mais là où Foglia se trompe, c’est quand il dit que l’aspect financier est dissocié de l’académique. La thèse que je défends est qu’au contraire, il y a un lien très fort entre ces deux questions-là. L’idée de tarifer l’éducation, ça change le lien qui existe entre l’individu et l’institution. »
L’ex-porte-parole de la CLASSE, qui ces derniers mois multiplie les tribunes pour parler d’éducation supérieure, croit que l’on assiste à un effritement de la mission universitaire, qui dessert de plus en plus des intérêts économiques. Pour lui, il faudrait même réhabiliter un certain élitisme à l’université. « Il faut réhabiliter un certain élitisme, non pas de classe ou financier, mais accepter que l’université va être un lieu où on va avoir des réflexions de haut niveau », a poursuivi M. Nadeau-Dubois.
Pragmatisme et politique
En revanche, Martine Desjardins plaide pour une culture universitaire indépendante, mais où sera mieux communiqué le savoir. « On a beaucoup de difficulté à livrer et à partager le résultat de nos recherches. À la maîtrise et au doctorat, on va favoriser un langage plus élevé […], mais une université doit être capable de partager et d’expliquer ce qu’elle fait », a-t-elle noté, avançant qu’il revient à la communauté universitaire de faire des ponts avec le reste de la société, qui ne comprend pas toujours son rôle et sa valeur.
Quant à Léo Bureau-Blouin qui, rentrée parlementaire oblige, participait en duplex depuis Québec, il a insisté sur le rôle de moteur de développement régional de l’université. « Mais les intérêts de commercialisation ne doivent pas dicter où doit aller la connaissance », a-t-il prévenu. Il en a aussi profité pour promouvoir les réalisations de son gouvernement, qui planche actuellement sur un sommet de l’éducation supérieure. La rumeur veut que M. Bureau-Blouin en soit le coprésident, mais le cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur n’a pas été en mesure de confirmer cette information.
Le débat, mené en toute collégialité, s’est bien déroulé, à la satisfaction du professeur Hamel. Celui-ci déplore néanmoins les difficultés qu’il a eues pour trouver un local et le peu de publicité de son établissement entourant son événement.