Une étude gouvernementale met en doute le sous-financement des universités

Une étude gouvernementale passée inaperçue en 2011 et qui met en doute le sous-financement des universités du Québec refait surface, alors que le milieu de l’éducation s’entredéchire sur la question. Réalisé par des fonctionnaires et des économistes du ministère de l’Éducation, le Bulletin statistique (no 40), évoqué par le professeur de l’UQAM Yves Gingras, dans nos pages de jeudi, démontre que la « dépense par étudiant dans les universités est, au Québec, plus élevée de 3 % par rapport à la moyenne du reste du Canada ». En tenant compte notamment du coût de la vie, le revenu par étudiant québécois serait « sensiblement le même » que dans la moyenne des universités canadiennes.
Le Parti libéral, au pouvoir jusqu’à tout récemment, reconnaît avoir commandé cette étude au moment où la CRÉPUQ en produisait une autre avec les mêmes chiffres qui concluait à un sous-financement de 620 millions. « Mais je ne vois pas de conclusions qui nous permettent de dire que [les universités québécoises] reçoivent plus d’argent. On parle de proportion et pas de sous-financement », a dit Charles Robert, attaché de presse du Parti libéral. Il défend son gouvernement d’avoir voulu camoufler quelque information que ce soit.
Pour l’ancien recteur de l’Université de Montréal, Robert Lacroix, l’étude ne tient pas la route, parce qu’elle tient compte des subventions de recherche dans les revenus des universités. « Quand on doit payer les profs ou le personnel, une université ne pige pas dans les fonds de recherche de ses chercheurs. Il n’y a pas un recteur ou un administrateur qui ne sait pas ça », a-t-il souligné.
Il accuse un fonctionnaire du ministère, en poste depuis plusieurs années, de refuser la thèse du sous-financement. « Celui qui a sorti [l’étude] pousse cette approche, mais le gouvernement a dû bien voir qu’on ne pouvait pas tenir compte des subventions de recherche, a indiqué M. Lacroix. Cette même personne nous dit qu’on doit tenir compte du coût de la vie des provinces, mais les universités ne sont pas au Québec ou en Ontario, elles sont à Montréal, Toronto. On n’a pas les indices de coûts de la vie. »
Interrogé sur les chiffres sur lesquels s’appuiera le sommet sur l’éducation, le ministre de l’Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, répond que les données viendront surtout de l’Association canadienne du personnel administratif universitaire (ACPAU) et qu’il reviendra à chacun de prouver ce qu’il avance. L’étude faite sous les libéraux n’est pas rejetée. « Pour nous, cette étude est vraiment intéressante pour nos débats. On a confiance en nos fonctionnaires qui font un bon travail », a dit l’attaché de presse du ministre, Joël Bouchard.
Pas de consensus
L’ancien recteur se désole de voir que le consensus a disparu en l’espace d’un printemps. « La FEUQ était d’accord avec le sous-financement en 2010, tout le monde le reconnaissait », a-t-il noté. Encore jeudi, aucun consensus sur la question (malfinancement ou sous-financement ?) n’a semblé émaner de l’important Sommet sur l’université publique organisé par la Fédération québécoise des professeurs d’université qui a rassemblé des politiciens, professeurs, recteurs, étudiants et scientifiques comme Michel Umbriaco, Luc Godbout, Françoise David et Martine Desjardins. Sauf sur le fait que l’université est en manque de professeurs.