École polytechnique - Les inventions hallucinantes du Prof Wu

Ce texte fait partie du cahier spécial Universités - Recherche
Selon la publication la plus réputée dans le domaine des micro-ondes, une invention conçue à l'École polytechnique de Montréal figure parmi les technologies les plus prometteuses: le circuit intégré à substrat. «En novembre dernier, Microwave Journal a publié la liste des dix technologies du futur et la nôtre était la numéro 1», indique fièrement Ke Wu, directeur du Centre de recherche avancée en micro-ondes et en électronique spatiale (POLY-GRAMES).
Cette invention, celle d'un circuit intégré à substrat, a même créé un nouveau champ de recherche, puisque Ke Wu rapporte que, «dans toute conférence ou chaque journal technique, il y a toujours des articles au sujet des circuits intégrés à substrat. Et c'est moi qui ai inventé cela!»Et ce n'est pas tout puisque, dans son laboratoire, le professeur Wu cherche également à révolutionner aussi bien la conduite automobile que le fonctionnement de nos bidules électroniques.
«J'essaie toujours de penser aux problèmes fondamentaux qui nous gênent dans le domaine de l'électromagnétique appliquée, dit-il. Je travaille sur plein de choses, par exemple sur la transmission de l'énergie sans l'aide d'un fil. À l'heure actuelle, les technologies sans fil servent essentiellement à la transmission de données (voix, vidéo, etc.), mais elles pourraient aussi bien servir à transmettre de l'énergie.»
Le chercheur fait même état d'un phénomène étonnant: il y a beaucoup d'énergie dans notre environnement ambiant — «dans l'air», pourrait-on dire — sous forme d'ondes électromagnétiques. On pourrait donc récolter cette énergie pour diverses applications, notamment l'alimentation de nos téléphones cellulaires.
«Une application à laquelle je rêve réellement: concevoir un téléphone qui n'aurait plus besoin d'être rechargé, explique M. Wu. On pourrait utiliser l'énergie récoltée dans l'environnement pour le faire fonctionner. L'appareil serait constamment rechargé par l'énergie ambiante... Je pense qu'on devrait voir cette application d'ici cinq ans.»
De la Chine à Montréal
Cet étonnant savant est né en Chine, en 1962, et il a parcouru le monde avant de s'établir au Québec. «J'ai beaucoup voyagé, dit-il en riant doucement. J'ai vécu en Allemagne, au Japon, aux États-Unis, en Italie, en Suisse, en Angleterre... J'ai visité environ 80 pays», pour finalement se poser en Colombie-Britannique dans les années 1980.
«Mes recherches fondamentales sont toujours orientées vers des applications, dit-il. Or, lorsque j'étais en Colombie-Britannique, j'ai vu qu'il n'y avait guère d'entreprises dans mon domaine. Je devais donc déménager, aux États-Unis ou dans l'est du Canada. J'ai eu des offres des Américains, mais, à l'époque — à la suite des événements de la place Tiananmen — on m'a fait savoir que les Chinois n'étaient pas les bienvenus aux États-Unis. "Tant pis pour eux!", me suis-je dit. Je connaissais déjà bien Montréal et j'aimais la ville... Et c'est l'École polytechnique qui m'a fait la meilleure offre.»
Ke Wu s'est alors joint au Groupe de recherche avancée en micro-ondes et en électronique spatiale, pour en faire l'un des centres les plus réputés au monde. «On est le plus grand centre de recherche en micro-ondes au Canada et l'un des plus reconnus et des plus productifs de la planète», précise-t-il fièrement.
La science des térahertz
Ses travaux portent sur une bande de fréquences jamais utilisée: les térahertz. Cette bande se situe entre l'infrarouge (domaine de l'optique) et les micro-ondes (domaine de la radioélectricité). «Entre les deux, il y a le domaine très peu exploité des térahertz. Je m'oriente toujours vers les domaines qui posent les plus grands défis pour la recherche ainsi que pour la communauté des utilisateurs», précise-t-il.
Le professeur cherche ainsi à utiliser cette gamme de fréquences non seulement pour les communications, mais également à des fins d'imagerie (médicale ou autre) ou pour divers capteurs. «Nous travaillons beaucoup sur des applications sans fil, puisque, par exemple pour l'imagerie à courte distance, le térahertz a vraiment beaucoup d'applications.»
C'est dans la foulée de ces travaux que le chercheur a inventé la technologie des circuits intégrés au substrat, qui remplaceront avantageusement les circuits intégrés des ordinateurs. «Cette nouvelle famille regroupe des circuits intégrés qui sont beaucoup plus performants, en ce qui concerne la perte de transmission, et qui consomment nettement moins d'énergie, tout en augmentant la vitesse d'exécution», précise l'inventeur.
Ces circuits pourraient véritablement révolutionner l'informatique au même titre que les actuels circuits intégrés ont transformé les immenses ordinateurs des années 1950 qui fonctionnaient à lampes — donc terriblement énergivore — et qui occupaient de grandes salles. «Les circuits intégrés à substrat nous donneront des ordinateurs nettement plus puissants et beaucoup plus portables que ceux d'aujourd'hui, prédit M. Wu. C'est comme comparer les ordinateurs des années 1950 aux nôtres.» Et il ne s'agit pas du rêve d'un futur lointain puisque déjà ce genre d'applications commencent à poindre dans l'industrie.
Quand nos autos se jaseront
L'équipe de Ke Wu a par ailleurs inventé le premier radio-radar au monde. Il s'agit d'un récepteur-émetteur qui fonctionne à la fois comme une radio et comme un radar. «On a fusionné un récepteur radar et un émetteur radio dans un même appareil», dit-il tout simplement.
«Un tel système pourrait par exemple servir comme système de transport intelligent pour des applications de sécurité routière», indique l'inventeur. Imaginez par exemple deux voitures sur la route. L'une utilise son radar pour observer les vitesses relatives et la trajectoire de l'autre. En même temps, l'appareil radio-radar communique avec celui de l'autre voiture. Si l'une freine, l'information est immédiatement transmise à l'autre afin que celle-ci ajuste sa course en conséquence. Un jour, nos voitures pourraient donc se parler, ce qui ouvre des perspectives étonnantes en matière de sécurité routière, notamment par mauvais temps.
Qui sait, un jour, les voitures intelligentes pourraient pallier les défaillances des utilisateurs... de téléphone intelligent au volant!
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Collaborateur du Devoir
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