Un nouveau souffle pour les cégeps en région

Partout au Québec, l’essaimage des étudiants étrangers prend de l’ampleur dans les cégeps.
Photo: - Le Devoir Partout au Québec, l’essaimage des étudiants étrangers prend de l’ampleur dans les cégeps.

Étudiant à Jonquière, Arnaud Hié est à des kilomètres de son Burkina Faso natal, mais il ne se sent pas dépaysé pour autant. Au cégep où il étudie, il y a une communauté d'une centaine d'étudiants étrangers provenant de vingt pays. «Je me sens chez moi. Il y a les étudiants d'ici, ceux qui viennent de l'étranger et huit Burkinabés. Ça nous fait une belle communauté», dit ce jeune homme de 19 ans, qui suit une formation technique en télécommunications.

Partout au Québec, l'essaimage des étudiants étrangers prend de l'ampleur. À Sept-Îles, on ne se surprend plus de voir que certaines classes de technique en métallurgie et minéralogie comptent autant d'étudiants étrangers que de Québécois. À Saint-Félicien, on a même baptisé un terrain de soccer «Cagou», du nom du bel échassier emblème de la Nouvelle-Calédonie, en l'honneur des étudiants de l'archipel qui sont de plus en plus nombreux à venir y faire leurs études.

«Les étudiants étrangers sont en forte progression dans les cégeps de toutes les régions du Québec», confirme Nathalie Dubois, responsable du recrutement international à Cégep international. Incorporée en 1993, cette organisation remplit plusieurs mandats, dont celui de recruter des étudiants étrangers pour les 48 cégeps qu'elle représente.

Si le nombre d'étudiants étrangers a crû de 10 % annuellement ces dernières années, cela demeure néanmoins marginal en comparaison des universités. En 2010, ils étaient à peine plus de 3000. Alors que les collèges ailleurs au Canada, eux, débordaient d'étudiants internationaux. «Et je ne vous dis pas tous les efforts qu'on met pour en attirer ici», indique Évelyne Foy, directrice de Cégep international. Des ententes et des partenariats ont été négociés, par exemple, avec l'île de la Réunion, dans le but de faire immigrer les étudiants ici après leurs études. D'autres ententes permettent que des étudiants néo-calédoniens reçoivent dans nos cégeps une formation entièrement payée par des multinationales du secteur minier, avec l'objectif qu'ils retournent ensuite au bercail pour travailler.

Le salut des cégeps en région

«Combien peut-on accueillir d'étudiants étrangers? Je n'ai pas le chiffre exact, mais je dirais pas mal. Demandez au Cégep de Gaspé. Ils vous diront qu'ils en ont de la place!», lance Mme Foy. Pas de doute, les étudiants étrangers sont très recherchés, particulièrement dans les régions. Pour certains cégeps, c'est ce qui permet de garder en vie certains programmes. «Le programme de génie industriel était suspendu depuis deux ans. Il a redémarré l'an dernier grâce aux inscriptions d'étudiants étrangers. Sur 14 jeunes qui le suivent, 7 étudiants viennent de Nouvelle-Calédonie et du Cameroun», explique Colette Fournier, coordonnatrice du Service de coopération et de développement international du Cégep de Jonquière.

Pour Évelyne Foy, ces étudiants mettent en contact les étudiants locaux avec une saine diversité. Et aident même à rehausser le niveau scolaire. «C'est le directeur du Cégep de Jonquière qui le disait. Ces jeunes-là qui nous arrivent sont motivés et s'impliquent. Ils se sentent privilégiés d'être ici et veulent réussir. Ça crée une pression à la réussite», croit-elle.

Autre avantage qui n'est pas à négliger, ces étudiants, qui effectuent pour la plupart un diplôme d'études collégiales techniques de trois ans, s'intègrent plus facilement au marché du travail. «C'est de la main-d'oeuvre formée ici. Souvent, ils sont en alternance travail-études, ce qui fait qu'ils sont déjà en lien avec les entreprises», a dit Mme Dubois. Une manne pour le Québec qui aura besoin de pourvoir par la formation professionnelle et technique quelque 700 000 postes d'ici à 2014.

Un parcours du combattant

Les difficultés rencontrées lors du processus d'admission empêchent toutefois certains étudiants de venir. «C'est deux mois d'attente pour avoir le CAQ [Certificat d'acceptation du Québec] et encore deux mois pour le permis d'études. En plus des preuves de fonds exigées et des problèmes de communication. Certains n'ont pas accès à Internet haute vitesse, explique Colette Fournier. Ces jeunes-là ont du mérite.»

«C'est un pourcentage élevé d'étudiants, même les boursiers, qui ne viennent pas parce qu'ils n'ont pas obtenu leur permis d'études. Il y a un problème d'arrimage entre les objectifs [des ministères]», indique pour sa part Mme Foy. Elle insiste sur la nécessité d'un soutien gouvernemental pour améliorer le recrutement. «Les cégeps, c'est pas connu ailleurs. [...] Il faut expliquer tout ça. La notoriété, ça prend du temps, dit-elle. On vit une période creuse. Mais, pourtant, il faut aller à l'étranger pour recruter. Le site Internet ne suffit pas.»

Elle déplore que, alors que le gouvernement fédéral a annoncé dans son dernier budget une enveloppe de dix millions sur deux ans pour promouvoir le Canada comme destination d'études, le Québec n'ait pas encore fait connaître son plan de match pour les cégeps. «Pour l'instant, il n'y a rien qui transpire de l'annonce du fédéral, mais ça finira par se traduire en actions. Comment le Québec va-t-il se positionner là-dedans? On n'a pas encore de réponse.»

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Droits de scolarité en 2009

Sur 24 504 étudiants étrangers inscrits dans les universités québécoises:

9422, soit 38,5 %, payaient des droits supplémentaires (ou forfaitaires);
7646, soit 31,2 %, étaient exemptés des droits supplémentaires;
787, soit 3,2 %, ne payaient pas de droits de scolarité au Québec, par exemple les étudiants en cotutelle de thèse;
6649, soit 27,1 %, étudient hors Québec, font un séjour très limité au Québec ou ne prennent qu'un nombre limité d'unités.

Dans le monde

Les universités québécoises sont présentes ailleurs dans le monde. Par exemple, l'Université du Québec à Chicoutimi donne des cours au Liban, en Chine, au Maroc et au Sénégal à environ 3240 étudiants. L'Université Laval offre quant à elle des programmes de maîtrise, notamment au Gabon, au Cameroun, en Haïti (développement international), au Liban (sciences infirmières) et au Laos (santé communautaire).

Cégeps en vrac

Nombre d'étudiants étrangers (2010): 3217
De 2006 à 2010, le nombre d'étudiants étrangers a augmenté de près de 50 % au collégial.
Principaux pays de provenance: France (42 %), Algérie (11 %), Maroc (9,7 %), Chine (7,6 %)

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