Éduquer dans la clandestinité

Le Centre d’éducation alternative Interact, à Notre-Dame-de-Grâce, et l’École préparatoire Childtime, à Sainte-Adèle, enseignent sans avoir de permis du ministère de l’Éducation. (La photo ci-dessus ne représente aucune des deux écoles.)
Photo: Agence France-Presse (photo) Mychele Daniau Le Centre d’éducation alternative Interact, à Notre-Dame-de-Grâce, et l’École préparatoire Childtime, à Sainte-Adèle, enseignent sans avoir de permis du ministère de l’Éducation. (La photo ci-dessus ne représente aucune des deux écoles.)

Si certaines écoles ne font pas leurs devoirs, d'autres opèrent carrément sans permis. Le Devoir a découvert l'existence de deux écoles clandestines, une à Montréal et l'autre à Sainte-Adèle, soit le Centre d'éducation alternative Interact et l'École préparatoire Childtime.

La première est une école privée anglophone qui donne des cours à huit enfants de la 1re année du primaire à la 2e secondaire, dans un local situé au-dessus d'un garage à Notre-Dame-de-Grâce. Dans son dernier rapport annuel, la Commission consultative de l'enseignement privé avait recommandé à la ministre la révocation du permis de cet établissement, car elle avait été informée que le règlement de zonage ne permettait pas qu'une école privée s'installe à cet emplacement, rue Girouard, à Notre-Dame-de-Grâce.

Fondé en 2001, le Centre est une corporation opérant une école sans but lucratif pour enfants démontrant un problème de comportement. Cette dernière a d'abord offert des activités de socialisation le samedi et des cours de rattrapage avant d'obtenir un permis en 2005, l'autorisant à donner des cours au primaire et au premier cycle du secondaire. Le permis a été renouvelé en 2008, et à l'automne, l'établissement a déménagé dans la rue Girouard, sans en aviser la Direction de l'enseignement privé. Une fois la situation connue, il a été invité à modifier son permis et à fournir tous les documents pour que le ministère autorise ce nouvel emplacement, ce qu'il n'a vraisemblablement pas pu faire. Le ministère le confirme: cet établissement n'est plus autorisé à offrir des services éducatifs depuis l'automne 2009. En novembre dernier, un inspecteur aurait pris acte de la fermeture de l'école.

Pourtant, ce n'est pas ce qu'a constaté la journaliste du Devoir qui s'est présentée incognito dans cette école installée au-dessus d'un garage, tout près de l'autoroute Décarie. L'entrée n'est pas facile à repérer, car de l'extérieur du bâtiment, rien n'indique qu'une école puisse s'y trouver. Au 2e étage, une feuille de papier portant l'inscription bilingue «Centre d'éducation alternative Interact» nous indique qu'on est au bon endroit.

Au-dessus d'un garage

À l'intérieur, l'endroit, plutôt sombre, ressemble à un grand local de concierge. Quelques jouets sont disposés pêle-mêle sur des étagères à côté d'accessoires d'entretien ménager. Un petit coin avec un tapis et des coussins est aménagé pour le repos des enfants. «C'est ici qu'ils viennent réfléchir quand ils ont une montée d'agressivité», explique en anglais Margaret Blair, la directrice de l'endroit. L'unique enseignante des lieux est la fille de Mme Blair. Elle y fait la supervision des travaux des enfants, qui sont à différents niveaux scolaires. Dans l'entrée, une jeune fille faisait tranquillement la lecture, tandis que dans une autre pièce adjacente séparée par une arche, deux enfants portant la kippa juive écrivaient dans un cahier.

Lors de cette visite, Mme Blair semblait très évasive sur certains sujets. Elle a, par contre, affirmé détenir un permis du ministère et respecter le régime pédagogique. Le cours ECR? Oui. Les cours d'éducation physique? «Les enfants vont jouer au parc, a-t-elle assuré. Sauf quand il ne fait pas beau.» Comme ce jour-là.

Et les examens du ministère? «Les enfants ne passent pas d'examen au primaire et, pour le secondaire, on s'arrange», a-t-elle répondu. Car l'école ne donnant pas de cours au 2e cycle du secondaire, les enfants devront bien aller ailleurs. Où? «Ils finissent toujours par s'arranger», a simplement conclu Mme Blair.

Le primaire sans permis

À Sainte-Adèle, l'école primaire Childtime accueille 27 enfants de 3 à 8 ans et offre l'enseignement au préscolaire et au primaire sans détenir de permis. Le ministère a confirmé qu'il avait bel et bien reçu une demande en 2008-09, mais qu'il n'a pas octroyé de permis à cette école parce qu'elle ne respectait pas les exigences de la Loi sur l'enseignement privé. Cette école avait été signalée par le ministère de la Famille comme opérant de façon illégale.

Or, Le Devoir a appris qu'elle accueille des élèves au primaire dans une classe combinant la 1re, la 2e et la 3e année. La gestionnaire de l'établissement est l'unique administratrice de cette compagnie à but lucratif, constituée en 2008. Elle n'est pas titulaire d'une autorisation légale pour enseigner, mais a suivi une formation en éducation à l'Université Colombus et a aussi enseigné à l'étranger et dans une commission scolaire du Québec. Pour l'accompagner dans son projet, une enseignante d'expérience devait travailler à temps partiel dans cette école. L'établissement offre un service de garde qui n'est pas répertorié dans la liste des établissements avec permis sur le site du ministère de la Famille et des Aînés.

Le ministère de l'Éducation se défend bien d'être laxiste. «Ça dépend des circonstances de chacune des écoles; il y a des situations qui ne sont pas tolérées, comme celles de certaines écoles dont le permis a été révoqué et qui opèrent encore, a indiqué Tamara Davis, l'attachée de presse de la ministre Michelle Courchesne. Vous pouvez être assurés qu'on va tout faire pour corriger la situation.»

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