Une première au Canada - Un certificat en gastronomie inspiré du Slow Food entre à l'UQAM

Après avoir investi les cuisines et les restaurants, la gastronomie et les produits du terroir s'apprêtent à faire leur entrée à... l'université.

L'automne prochain, l'Université du Québec à Montréal (UQAM) placera en effet ces deux concepts au coeur d'un tout nouveau «certificat en gestion et pratiques socioculturelles de la gastronomie». C'est une première au Québec et même au Canada, dit le créateur de ce programme, qui avoue s'être inspiré de l'université du mouvement Slow Food, en Italie, pour donner ici des lettres de noblesse universitaires à la bonne chère.

«Ce programme colle à la sensibilité croissante de la société en matière d'alimentation», souligne le sociologue Jean-Pierre Lemasson, qui dirigera ce certificat. «Pour le moment, la nourriture se retrouve principalement, dans le monde de l'enseignement, au coeur de programmes techniques. C'est tout. Avec ce certificat, notre but n'est pas de développer des pratiques culinaires mais plutôt d'amener les étudiants à réfléchir sur les pratiques gastronomiques et les enjeux sociaux, économiques, historiques ou touristiques qui viennent avec elles.»

Loin des cours très pratiques de cuisine, de sommellerie ou de pâtisserie qu'offre l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ), d'où sortent la plupart des cuisiniers du Québec, ce nouveau programme universitaire va plutôt se pencher sur «l'environnement agroalimentaire», le «marketing des produits agroalimentaires», «la transformation» de ces produits, les «circuits de distribution», le «tourisme gourmand» ainsi que les rapports qui existent entre «la nourriture et le mangeur», le «terroir et la gastronomie» ou encore la «ville et la gastronomie». Le goût des aliments et la nutrition humaine figureront aussi au menu.

Formation multidisciplinaire destinée aux personnes «qui souhaitent occuper des fonctions au sein d'entreprises ou d'organisations liées à la gastronomie», comme l'affirme le document de présentation, ce certificat vise à correspondre à l'esprit du cursus développé depuis 2004 par l'Université des sciences de la gastronomie, cette institution internationale pilotée par le mouvement Slow Food à Pollenzo, dans le nord de l'Italie. En ces lieux, les cours de cuisine sont inexistants, contrairement à l'éthique et à l'écologie de l'alimentation, qui occupent une grande place dans des programmes théoriques portant sur la nourriture et pour lesquels les étudiants doivent débourser près de 30 000 $ par année.

«Ce n'est pas à la portée de tout le monde», reconnaît M. Lemasson, qui est en contact avec les dirigeants de l'institution italienne. «Notre idée était donc de créer ici un programme beaucoup plus accessible et qui réponde aux besoins du milieu, que nous avons d'ailleurs consulté» au cours des trois années qui ont précédé le lancement de ce programme.

Un vide comblé

«C'est une très bonne nouvelle», a indiqué au Devoir la chef Anne Desjardins, ex-présidente du Groupe de travail sur les produits du terroir du Québec. «Nous sommes en train de prendre conscience ici de l'importance de la gastronomie comme moteur économique. Il faut donc voir d'un bon oeil l'arrivée prochaine sur le marché du travail de personnes qui vont mieux connaître ce secteur dans ses dimensions sociales, culturelles ou historiques.»

«Ça comble certainement un vide, croit le restaurateur Normand Laprise (Toqué!). Le Québec vit une grande révolution gastronomique depuis quelques années. Un tel programme va contribuer à mieux comprendre d'où on vient dans ce domaine pour savoir où on s'en va.»

À l'heure où l'UQAM, en pleine crise budgétaire, a décidé d'évaluer près de 70 de ses programmes afin d'en fusionner ou peut-être d'en abolir certains, comme Le Devoir l'indiquait la semaine dernière, la création de ce nouveau certificat en gestion et en pratiques socioculturelles de la gastronomie peut toutefois surprendre. «Mais nous avons balisé son apparition», affirme toutefois Claude Felteau, vice-doyen aux études à l'École des sciences de la gestion. «Ce certificat est lancé pendant trois ans sur une base expérimentale. Au terme de cette période, nous allons évaluer sa viabilité. Ce sont des mesures de précaution que nous avons décidé de prendre compte tenu de la conjoncture actuelle.»

Attendus en septembre prochain, les premiers étudiants de ce certificat ne devraient toutefois pas manquer au portillon, pense M. Lemasson. «Quand je vois le nombre d'inscriptions à mon cours "Gastronomie et société" [donné au département d'études urbaines et touristiques], j'ai l'impression que la pertinence de ce programme va très vite être justifiée.»

À voir en vidéo