Études postdoctorales - Diplômés, mais toujours aux études !
Il n'est pas rare de nos jours d'entendre parler de gens qui ont fait des études postdoctorales. Mais de quoi s'agit-il au juste? Et qu'est-ce qui peut bien pousser un étudiant ayant déjà un doctorat à poursuivre ses études? Visite guidée dans le monde fascinant de la recherche.
Nous sommes entrés de plain-pied dans la société du savoir. La demande pour du personnel ayant une formation de haut niveau est croissante, mais les exigences sont de plus en plus multiples et complexes, surtout dans un contexte de concurrence mondiale. Par conséquent, un grand nombre d'étudiants titulaires d'un doctorat estiment qu'un stage de formation postdoctoral est devenu nécessaire dans leur domaine. Et certains en font même deux ou trois!La quête du Graal
Les études postdoctorales sont en fait des stages de recherche d'une durée moyenne de deux ans, et elles ne comportent ni cours ni diplômes, bien que certaines facultés émettent parfois des attestations. D'après Marie Audette, vice-doyenne aux études supérieures de l'université Laval, «le stage postdoctoral permet au candidat de raffermir l'indépendance intellectuelle et scientifique acquise pendant son doctorat. Parmi les retombées importantes de ce stage dans la carrière du jeune chercheur, on retrouve la possibilité de publier davantage d'articles scientifiques, de s'initier aux collaborations internationales et de participer à des congrès».
Les conditions d'admission sont semblables dans toutes les universités québécoises: l'étudiant doit être titulaire depuis moins de cinq ans d'un doctorat (ou l'équivalent) et la fin de son stage postdoctoral ne peut normalement survenir au-delà de cinq ans après l'obtention de son diplôme. «Pour des raisons professionnelles et pour éviter qu'il ne s'enlise dans un statut d'éternel étudiant», précise Jacques Bélair, vice-doyen aux études supérieures de l'Université de Montréal (UdeM).
Au terme de son stage, le postdoctorant peut solliciter un poste de chercheur autonome ou de professeur-chercheur — le Graal! — dans une université, dans un institut ou encore dans l'industrie.
Recherchés : un mentor et une bourse
Le candidat choisit normalement une université autre que celle où il a complété son doctorat, et le facteur déterminant est la présence en ses murs d'un superviseur de stage dont la réputation et les travaux correspondent à ses objectifs de recherche. «C'est l'activité de recherche des professeurs et leur reconnaissance externe qui justifient les demandes de stage de la part des stagiaires postdoctoraux», précise Edwin Bourget, vice-recteur à la recherche à l'Université de Sherbrooke (UdeS).
En outre, les postdoctorants ont droit à une bourse provenant soit directement d'un organisme externe à l'université, soit d'un fonds de recherche d'un professeur-chercheur, car ce sont généralement les professeurs qui reçoivent les fonds destinés à la recherche, que ceux-ci proviennent des organismes subventionnaires gouvernementaux ou de contrats
de recherche privés.
Le montant de ces bourses, qui varie en fonction des domaines de recherche, peut aller de 25 000 $ à 40 000 $ par année, et leur financement doit être assuré pour au moins six mois.
Domaines de recherche privilégiés
En règle générale, les diverses universités québécoises peuvent accueillir des stagiaires postdoctoraux dans toutes les facultés où des professeurs font de la recherche, mais le problème majeur étant de payer ces stagiaires, certains secteurs sont mieux nantis que d'autres, essentiellement en médecine et en sciences naturelles.
La forte majorité des jeunes chercheurs se retrouve donc dans ces domaines.
Universités d'accueil et clientèles
L'université accueillant le plus grand nombre de stagiaires au Québec est McGill, avec près de 500 postdoctorants, dont plus de la moitié proviennent de l'étranger. (Il n'y a pas de frais de scolarité au postdoctorat, ce qui en attire plusieurs, selon James Nemes, doyen aux études supérieures.) L'UdeM suit de près avec quelque 450 stagiaires, puis Laval avec 340, l'UdeS et l'UQAM avec une centaine chacune, et Concordia avec une vingtaine.
Dans la plupart des cas, les stagiaires sont dans la jeune trentaine et les deux tiers d'entre eux sont des hommes. En effet, alors qu'elles sont majoritaires au premier cycle, les femmes sont de moins en moins présentes aux cycles supérieurs. Personne ne parle ouvertement de machisme, mais on constate par exemple que seulement 14 % des chaires de recherche du Canada sont attribuées à des femmes.
Perspectives d'emploi
Une écrasante majorité de postdoctorants vise un poste de professeur-chercheur dans une université ou un centre de recherche affilié, car les bourses des principaux bailleurs de fonds, soit les organismes subventionnaires gouvernementaux, sont destinées en priorité aux futurs professeurs-chercheurs.
Or, toutes les universités sont en voie de renouveler leurs effectifs à cause des départs à la retraite des «baby-boomers», affirme Michel Jébrak, vice-recteur à
la recherche et à la création à l'UQAM. À titre d'exemples, de 60 à 80 postes par an seront à pourvoir à l'UQAM, alors que McGill embauche déjà une centaine de candidats par année. «Il y aura un déficit de 10 000 professeurs d'université à l'échelle du Canada dans les cinq à dix ans à venir», avance-t-il.
Statistique Canada publiait ainsi la semaine dernière une étude établissant qu'il y a eu une augmentation de 37 % du personnel en recherche-développement (31 % au Québec, soit 62 040 nouveaux emplois) de 1995 à 2004.
Des cerveaux à bon marché ?
Mais le tableau n'est pas si rose, d'après les postdoctorants. Une enquête menée en 2003 par le Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST) et citée par Carole Brabant, directrice des études supérieures et de la recherche-innovation à l'université Concordia, concluait que ceux-ci s'estiment insuffisamment payés et déplorent l'ambiguïté de leur statut (étudiants ou employés) ainsi que l'absence d'avantages sociaux (couverture médicale complète, assurance chômage, etc.) qui en découle.
Aux États-Unis, les postdoctorants, confrontés aux mêmes problèmes, se sont regroupés en association nationale et ont recommandé aux universités de créer à leur intention une catégorie «personnel scientifique». Une section leur est désormais réservée dans le site Internet du magazine Science.
À l'heure actuelle au Québec, seule l'université McGill possède une association de postdoctorants. Mais pour qui s'intéresse à la recherche, le Bottin de la recherche publié en ligne par l'Association francophone pour le savoir (Acfas) constitue une véritable mine d'or.