Programme de français du deuxième cycle du secondaire - Fournier est pour un langage encore plus clair
Le jargon de la réforme n'est pas mort. Interpellé hier à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, a reconnu que certains des passages du programme de français du deuxième cycle du secondaire gagneraient à être clarifiés.
Le ministre faisait référence à un extrait pour le moins obscur du nouveau programme des troisième et quatrième secondaires, dévoilé hier par Le Soleil. On y lit que l'élève devra mettre en perspective les savoirs «au cours de décontextualisation, c'est-à-dire de temps de structuration où les savoirs sont sollicités, sont traités sur le plan théorique et mis en réseau avec des connaissances déjà construites».«Comment se fait-il que le ministre ait approuvé un programme que les enseignants eux-mêmes ont du mal à décoder?», a demandé hier le député Camil Bouchard, critique de l'opposition en matière d'éducation. «Je souhaite — d'ailleurs, je l'ai déjà indiqué au ministère — que nous ayons un langage beaucoup plus clair, ce qui ne veut pas dire simpliste», a répliqué le ministre. Il a toutefois concédé qu'il «peut arriver à l'occasion, comme dans ce cas-là, qu'il y ait certains passages qui soient moins clairs mais qui sont compris par certains spécialistes».
Rien de moins sûr, a commenté hier Suzanne G. Chartrand, professeure au département d'études sur l'enseignement et l'apprentissage de l'Université Laval. «Le programme est illisible, non structuré et incompréhensible», a affirmé Mme Chartrand, qui fait partie d'un groupe de spécialistes de l'enseignement du français qui ont maintes fois décrié non seulement le langage inintelligible utilisé mais aussi la vision «chaotique» cachée derrière le jargon. «Des spécialistes qui ont des dizaines d'années d'expérience en enseignement du français ne comprennent pas un traître mot de ce programme! C'est une salade inacceptable!»
La présidente de l'Association québécoise des professeurs de français, Arlette Pilote, abonde. «C'est quand même dommage de faire un programme de cette envergure et qu'il ne soit pas compris. Il est lourd, compliqué, inaccessible, et les didacticiens se posent des questions quant à l'exactitude de ce qui y est énoncé.»
Le ministre de l'Éducation a répliqué hier que le programme allait sous peu être soutenu par un site Internet destiné à appuyer les enseignants dans leur compréhension du programme. «Ça ne peut être qu'un complément, ça ne pourra pas remplacer la formation», déplore Mme Pilote.
Les deux spécialistes demeurent perplexes devant la décision du ministère de réformer le dernier programme de français du secondaire, signé en 1995 sous Jean Garon et propulsé dans les classes en 1997. «Il n'était pas parfait, ce programme, mais les enseignants étaient assez unanimes pour dire que c'était le plus clair et le plus efficace que nous ayons eu depuis longtemps», a expliqué Mme Chartrand. «Or on n'aura eu qu'une seule cohorte, qui s'est éteinte en 2002.»
Le ministre Fournier a lancé une série de mesures pour mieux encadrer le renouveau pédagogique, dont la révision de certains éléments du programme de formation «afin d'en faciliter l'application, notamment en français». Il a aussi promis de constituer un comité d'experts indépendants en «apprentissage du français», composé d'universitaires. «On se demande qui a été sollicité pour y siéger. Certainement pas nous, nous n'en avons pas encore entendu parler!», déplore Mme Chartrand.