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Étudiants en biochimie de l’Université de Sherbrooke
Photo: Étudiants en biochimie de l’Université de Sherbrooke

Même si la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke est la plus petite des quatre écoles qui forment nos médecins, elle se démarque par sa convivialité et par les expertises qu'elle a su développer, particulièrement en oncologie.

«Ce qui nous distingue des autres facultés de médecine — notre grande force admirée par nos collègues de l'Université de Montréal, de l'université Laval et de l'université McGill —, c'est la proximité de nos composantes», rapporte Nicole Gallo-Payet, vice-doyenne à la recherche de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. En effet, cette faculté ainsi que le centre hospitalier universitaire, l'institut de pharmacologie et le centre de recherche clinique sont réunis en un même édifice, qui a la forme d'une étoile. Une telle disposition favorise grandement les échanges entre tout le personnel. «Les gens de l'extérieur remarquent à quel point il se fait beaucoup de collaborations entre les chercheurs d'ici», souligne avec satisfaction Mme Gallo-Payet.

De surcroît, la faculté est l'une des rares institutions au Canada à posséder un positon, qui permet de fabriquer les substances utilisées dans les appareils d'imagerie par résonance magnétique (IRM) et pour la tomographie par émission de positons (TEP) servant à examiner les patients souffrant de cancer. «Je n'hésite pas à dire que nous sommes les meilleurs au Canada en radio-oncologie et en imagerie moléculaire, lance la vice-doyenne. Les substances que nos chimistes fabriquent à l'aide du positon sont utilisées dans les hôpitaux de tout le Québec alors que nous cherchons sans cesse à améliorer nos techniques.»

Roger Lecomte, professeur au département de médecine nucléaire et radiobiologie, conçoit donc actuellement un appareil qui combinera les techniques d'IRM et de TEP, ce qui marquera un net progrès tant pour les patients que pour les examinateurs. Pour l'instant, il effectue des tests sur des animaux à l'aide d'une machine de taille réduite.

Neuf créneaux de recherche

Les recherches qui sont menées à la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke s'articulent autour de neuf créneaux, certains étant établis depuis longtemps alors que d'autres sont plus récents, sinon même en émergence.

Parmi les créneaux de longue date, il y a celui des recherches sur le vieillissement menées à l'institut de gériatrie. C'est aussi le cas du créneau des interventions novatrices en santé, qui englobe des travaux sur les nouvelles approches dans les urgences, en toxicomanie et en santé publique réalisés au Centre de recherche de l'hôpital Charles-LeMoyne. Parmi les créneaux plus récents figurent celui de la pharmacologie moléculaire et structurale ainsi que celui sur le diabète, l'obésité et les maladies cardiovasculaires. Il y a aussi le créneau sur la physiologie du tube digestif, le seul du genre au Canada. «On n'a pas fait ces regroupements par hasard, souligne Nicole Gallo-Payet, mais parce que ce sont là les forces vives de notre faculté.»

Parmi les créneaux plus récents, il y a celui des neurosciences et celui de la croissance, développement et génétique. «Dans le cas des neurosciences, nous avons regroupé une dizaine de chercheurs qui travaillaient isolément tout en ayant en commun le cerveau, indique Mme Gallo-Payet. Ainsi, l'un d'eux étudie le cancer du cerveau alors qu'un autre s'intéresse au développement du cerveau. Depuis 18 mois, on les a rassemblés pour en faire un formidable levier. C'est un peu la même chose en ce qui concerne le créneau "croissance, développement et génétique", où les chercheurs se découvrent des projets communs qu'ils réalisent maintenant ensemble».

S'attaquer au cancer de façon originale

L'Université de Sherbrooke a en outre créé un important créneau — les recherches sur le cancer — en rassemblant au sein d'un même centre les spécialistes de la génomique, de l'imagerie médicale et ceux en radio-oncologie et radiothérapie. «Il se trouve que tous ces gens-là ont un même intérêt, le cancer, et le fait de les rassembler donne déjà de beaux résultats», commente Nicole Gallo-Payet. Par exemple, un groupe de chercheurs aborde la maladie d'une manière originale en tentant de comprendre le rôle que jouent les ARN messagers dans le dérèglement des cellules.

L'un d'eux est Benoît Chabot, directeur de la Chaire de recherche du Canada en génomique fonctionnelle de l'Université de Sherbrooke. «Je travaille sur un mécanisme qui est assez difficile à expliquer: l'épissage alternatif, dit-il doucement. On entend beaucoup parler des gènes et des protéines, mais moi, je m'intéresse à ce qu'il y a entre les deux, c'est-à-dire l'ARN qui sert de messager.»

Ce n'est que récemment qu'on a découvert le processus qui permet de fabriquer des protéines grâce à l'ARN (acide ribonucléique) messager. «Un gène peut produire deux, cinq, dix et jusqu'à un millier d'ARN messagers, dont chacun donne naissance à une protéine différente, indique M. Chabot. Or, ce processus peut aussi être une source de problèmes si le gène fait des erreurs ou s'il y a des mutations. Au cours des dernières années, on a justement pu rattacher ce mécanisme à des problèmes, particulièrement en matière de cancer. Nous cherchons donc à évaluer l'impact de l'épissage alternatif dans le développement du cancer, comme outil diagnostique ou comme façon de déterminer de nouvelles cibles pour le traitement du cancer.»

Les travaux réalisés par son équipe montrent que les profils d'épissage alternatif changent d'un individu à l'autre. «Je suis donc convaincu qu'une partie de la réponse à la question "pourquoi tous les patients ne répondent-ils pas de la même façon au même traitement?" vient de nos gènes... qui s'expriment de façon différente à travers l'épissage alternatif. Donc, si on veut développer des médicaments adaptés à chaque personne, il va falloir qu'on comprenne très bien ce processus.»

De surcroît, les chercheurs de l'Université de Sherbrooke espèrent éventuellement combiner des techniques d'épissage alternatif aux technologies de l'imagerie et du traitement en radiologie. «Nous cherchons à faire quelque chose de vraiment unique au monde!», lance plein d'espoir Benoît Chabot. Voilà, incidemment, le genre de dynamique que cherche justement à stimuler Mme Gallo-Payet en rassemblant ses équipes de chercheurs.

Collaborateur du Devoir

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