Enseignement - Une pédagogie innovatrice
Délocalisation de ses activités d'enseignement, approche pédagogique novatrice, formation et encadrement des professeurs, engagement clair envers la communauté. Voilà les quatre principes directeurs qui orientent la formation en médecine à la faculté de médecine et de sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke.
Depuis l'automne 2006, la faculté de médecine et des sciences de la vie forme des étudiants en médecine à l'extérieur de son principal campus. En effet, on compte présentement 24 étudiants de première année à Saguenay (Chicoutimi) et 24 autres à Moncton, au Nouveau-Brunswick, qui sont inscrits à la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Et cela sans être obligés de quitter leur région.Pourquoi Moncton et le Saguenay-Lac-Saint-Jean? «Cela fait une vingtaine d'années que l'Université de Sherbrooke entretient des liens avec ces deux régions, explique le docteur Paul Grand'Maison, vice-doyen aux études prédoctorales. Par ailleurs, dans ce projet, l'Université de Moncton et l'Université du Québec à Chicoutimi sont nos deux partenaires universitaires.»
La décision de délocaliser la formation des médecins revient à la direction de la faculté de médecine et constitue une réponse à l'augmentation de la clientèle, à la suite de la volonté du gouvernement du Québec de former plus de médecins. En effet, si en 1998 on comptait 90 étudiants en première année, on en compte aujourd'hui 194, y compris les 48 étudiants hors campus.
«Nous aurions pu les recevoir à Sherbrooke, mais nous nous sommes demandés si l'on ne pouvait pas les accueillir autrement. Et on a choisi d'y répondre en utilisant au maximum notre réseau d'enseignement.» Sans compter que cela correspond aussi à l'une des valeurs fondamentales de l'Université de Sherbrooke qui est «de répondre aux besoins communautaires.»
Les étudiants inscrits à Saguenay et à Moncton reçoivent donc la totalité de leurs études précliniques dans leur région et les cours sont donnés par des professeurs qui proviennent aussi de ces régions. La formation clinique se donne principalement à l'hôpital Georges-Dumont à Moncton et au Centre de santé et de services sociaux de Chicoutimi (CSSSC), anciennement appelé l'hôpital de Chicoutimi. Fait à noter: les étudiants sont tenus de faire le tiers de leurs stages obligatoires au Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke (CHUS).
Approche pédagogique novatrice
Depuis la fin des années 1980, la faculté de médecine a choisi de s'éloigner de la formation classique en médecine et d'adopter une approche pédagogique plus novatrice et mieux adaptée à l'étudiant. «On est parti du principe que ce n'est pas parce que le professeur l'a dit que l'étudiant l'a compris et appris.»
L'approche pédagogique retenue est celle de l'apprentissage par problèmes. «On s'est basé sur des principes de psychologie cognitive qui démontrent que l'apprentissage actif, celui dans lequel l'étudiant est pleinement impliqué, a pour résultat un meilleur taux de rétention de la matière
enseignée.»
En formation préclinique, les cours magistraux sont toujours de mise pour certaines disciplines, comme la biologie, qui sont des apprentissages de base. Mais on y a rajouté aussi l'apprentissage par problèmes. «On travaille alors par petits groupes d'étudiants, environ huit, supervisés par un professeur qui agit comme tuteur. Le rôle du tuteur n'est pas de transmettre les connaissances, mais plutôt de faciliter l'apprentissage.»
Chaque semaine, donc, le groupe se réunit une première fois pour prendre connaissance du problème. «Cela doit être un problème type que l'on pourrait rencontrer dans la population.» Ensuite, les étudiants, par eux-mêmes et en utilisant les ressources à leur disposition — manuels, Internet, etc. — tentent d'y répondre. Une seconde réunion permet de discuter le tout.
Formation clinique
La même approche, bien que nuancée, existe aussi en formation clinique. Rappelons que la formation clinique se fait en milieu hospitalier, lors de stages où l'étudiant est encadré par un médecin résident et un médecin professeur. En formation clinique, l'approche se nomme «apprentissage au raisonnement clinique» (ARC). Ici aussi, même modus operandi: petits groupes et réunions deux fois la semaine.
«Le but des ARC est de développer chez l'étudiant le raisonnement clinique. Bien qu'il n'y ait pas de patient comme tel, le problème clinique qui est posé a été élaboré à partir de cas réels. Ce sont des cas que l'étudiant va certainement rencontrer dans sa pratique et qu'il pourrait même rencontrer chez un vrai patient lors d'un de ses stages.»
Une autre caractéristique de la formation médicale à Sherbrooke, c'est que les étudiants ne font pas tous leurs stages en externat uniquement au CHUS. Comme leurs confrères des régions, mais à l'inverse, les étudiants de la faculté de médecine doivent aussi faire le tiers de leurs stages dans la collectivité. «Un CHU est parfait pour former des spécialistes, mais en médecine générale, on doit éveiller l'étudiant à l'ensemble des pratiques médicales, qui varient selon la collectivité. Notre approche se veut complémentaire: d'un côté le CHU, de l'autre la collectivité.»
Formation des professeurs
Non seulement les étudiants sont-ils formés à la faculté de médecine, mais les professeurs le sont aussi. La formation est dispensée par le Centre de pédagogie en sciences de la santé et elle est obligatoire pour tous les professeurs qui enseignent à la faculté de médecine.
«Cette formation est conçue selon les différentes tâches d'enseignement. Si un professeur veut être tuteur, il recevra une formation à cet effet; s'il choisit d'être moniteur d'un groupe d'ARC, la formation sera en conséquence.» Ces formations durent en général un jour ou deux, mais une mise à niveau annuelle est obligatoire. «Nous sommes à l'avant-garde au Canada en ce qui a trait à la formation des professeurs.»
Depuis 2001, le Centre de pédagogie en sciences de la santé, une institution qui compte maintenant 20 ans d'existence, est devenu un centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le domaine des ressources humaines. «Il existe quatre centres similaires en ressources humaines en Amérique du Nord, les trois autres sont aux États-Unis.» Et cette collaboration demeure conforme aux valeurs mises de l'avant par la faculté de médecine. «Notre champ d'expertise est la formation et la pratique de professionnels de la santé afin de desservir et de mieux répondre aux besoins de santé des collectivités.»
Collaborateur du Devoir