Éducation - Le problème de la réforme est dans sa mise en oeuvre

La réforme de l'éducation continue de faire causer: Paul Inchauspé prêche pour un retour aux objectifs de cette réforme, les enseignants souhaitent en faire un enjeu électoral et le ministère de l'Éducation s'apprête à écrire des lettres pour mieux en communiquer les enjeux. Alouette!

Il faudra une génération avant que la réforme de l'éducation ne livre ses véritables fruits, croit celui qu'on a surnommé le père de la réforme, Paul Inchauspé.

Clôturant un colloque de l'Association francophone internationale des directeurs d'établissements scolaires (AFIDES), hier à Montréal, M. Inchauspé a déploré le fait que cette réforme ne soit plus déclinée désormais que sur un mode pédagogique, laissant place au «grand jeu des universitaires et aux débats des théoriciens», et occultant au passage ses véritables objectifs: transmettre aux enfants les outils nécessaires pour se développer dans le monde moderne, rehausser les exigences et «libérer l'espace professionnel des enseignants pour qu'ils ne soient plus de simples applicateurs de programme».

Dépoussiérant un des tomes du Rapport Parent, édité en 1960, M. Inchauspé y a lu un extrait, qui évoquait l'importance qu'il y a à modifier les pratiques de l'école pour aider l'enfant «à apprendre à apprendre», ce qui constitue selon certains la base de la réforme. «Il faut laisser du temps au temps, ça va prendre une génération avant qu'on en voie les vrais effets», a indiqué l'ex-directeur du Collège Ahuntsic, ancien membre de la Commission des états généraux sur l'éducation et président du comité qui a produit un rapport inspirant la réforme du programme (le renouveau pédagogique). «Le message n'était pas d'abord la pédagogie, mais le programme, et aujourd'hui on n'entend parler que de pédagogie», a-t-il indiqué, jugeant que l'élaboration de la réforme avait été une réussite, mais qu'on avait fait «l'erreur de la mise en oeuvre».

«C'est Einstein qui disait: on ne comprend bien une chose que lorsqu'on est capable de l'expliquer à sa grand-mère. Je voudrais vous mettre au défi d'expliquer la réforme à votre grand-mère...», a-t-il lancé, faisant rire l'auditoire.

Les enseignants

Par ailleurs, la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) souhaite que la réforme soit inscrite à l'agenda d'une éventuelle campagne électorale provinciale. Comme l'a indiqué hier sa présidente Johanne Fortier, le syndicat d'enseignants présentera à l'ensemble des députés un document portant sur les effets de la réforme. Cet outil résumera les conclusions d'un rapport préliminaire dévoilé par le ministère de l'Éducation en septembre, qui révélait une chute importante des résultats des élèves, notamment en français.

«Nous souhaitons aussi rencontrer les parents et faire une campagne avec ces résultats-là», explique Mme Fortier. La FSE, qui demande toujours de surseoir au développement de la réforme, amorcera aussi une consultation de ses membres pour vérifier leur vision quant aux conditions de mise en oeuvre de la réforme et «l'échec de la réforme pour améliorer les apprentissages des élèves».

Alors que la Table de pilotage sur le renouveau pédagogique a livré en septembre une douzaine de recommandations faisant suite au bilan préliminaire désastreux sur les effets de la réforme, on attend toujours le plan d'action promis par le ministère de l'Éducation pour la mise en oeuvre de ces suggestions. On y recommandait entre autres la mise en place d'un comité d'experts voué à la seule question du français.

Le ministre

Les directeurs de commission scolaire, les directions d'école et les enseignants recevront par ailleurs la semaine prochaine une lettre signée du ministre de l'Éducation Jean-Marc Fournier et portant sur le renouveau pédagogique. «On s'est rendu compte que beaucoup de gens dans le réseau ne savent pas ce qui se passe avec la réforme et sont alimentés seulement par les journaux», a indiqué hier l'attachée de presse du ministre, Marie-Claude Lavigne. «L'information ne se rend pas jusqu'à eux.» Dans sa lettre, le ministre réitérera son appui à la réforme mais précisera les ajustements auxquels il entend procéder pour la bonifier. Les recommandations de la table de pilotage y seront évoquées.

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