Université Laval - Les étudiants ne veulent pas de Sobeys sur leur campus

Les regroupements d'étudiants de l'Université Laval n'en démordent pas: la construction d'un supermarché-école, en partenariat avec Sobeys, sur lequel planche actuellement la faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation (FSAA), ne mérite pas de voir le jour. Et dès lundi, ils ont l'intention d'interpeller les administrateurs de l'université pour les inciter à mettre ce projet au rancart.

«On considère que ce projet est nuisible pour l'image de l'Université Laval, a expliqué Nicolas Fontaine, président de la Confédération des associations d'étudiants et étudiantes de l'Université Laval (CADEUL). Dans l'état actuel des choses, nous croyons que l'indépendance des chercheurs n'est pas garantie, et le manque de transparence autour de ce projet ne permet pas de croire le contraire.»

En partenariat avec le distributeur alimentaire Sobeys, la FSAA envisage en effet la création d'un centre de formation et de recherche en alimentation associé à un supermarché-école de 5000 m2 construit sur le campus. Sous l'enseigne IGA, ce commerce devrait permettre aux étudiants d'analyser in situ le comportement des consommateurs, mais aussi d'explorer les techniques de mise en marché des produits alimentaires. Une première au Canada.

En contrepartie, Sobeys s'engage à verser deux millions de dollars pour la création d'une chaire d'étude en commerce de détail. Cette chaire sera également financée par un «pourcentage des profits du magasin-école après impact fiscal», peut-on lire dans un document de présentation de ce partenariat.

«Il y a un potentiel fou, a dit plus tôt cette semaine en entrevue au Devoir Michel Pigeon, recteur de l'Université Laval. La nutrition, c'est l'élément de base de la santé humaine. Le fait qu'on étudie comment les consommateurs viennent s'approprier la nourriture dans un magasin, c'est très universitaire!»

Un concept contesté

Ce partenariat entre l'Université Laval et Sobeys ne fait toutefois pas l'unanimité. Plusieurs étudiants et professeurs se sont en effet élevés au cours des dernières semaines contre cette «autre» intrusion du privé dans la sphère universitaire. Intrusion induite par le sous-financement de la recherche et qui «menace la liberté des chercheurs», estime Simon Leclerc, de l'Association des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIES).

Pour faire taire les critiques, la direction de l'établissement a décidé hier de jouer la carte de la transparence en présentant aux médias les détails de ce «concept novateur», selon elle. «Il faut mettre les choses au clair, a expliqué au Devoir Jean-Paul Laforest, doyen de la FSAA, pour ne pas répéter les erreurs du passé.» Cette association Sobyes-Université Laval a été rendue publique grâce à une fuite, un document confidentiel ayant été envoyé dans plusieurs salles de rédaction de journaux. «Avec ce projet, nous sommes en présence de quelque chose qui n'existe pas en matière de collaboration avec le privé, poursuit-il. Pour plusieurs, cela peut être perçu comme un irritant. Et il convient de bien informer les gens, mais aussi d'avancer prudemment pour répondre aux questions qu'ils se posent.»

M. Laforest rappelle d'ailleurs qu'à l'instar des autres chaires de recherche déjà financées par le secteur privé, celle de Sobeys devrait respecter les mêmes règles de gestion afin de garantir la liberté universitaire des chercheurs qui en feront partie. Quant au supermarché-école, il sera «construit aux frais du partenaire, qui va payer un bail, dit-il. On ne cède pas de terrain au privé. Il faut le rappeler».

Mercredi prochain, le conseil d'administration de l'Université Laval doit se prononcer sur la création de ce centre de formation jumelé à un supermarché-école. Une fois le feu vert donné, la FSAA espère conclure l'entente avec Sobeys afin d'accueillir les premiers clients-cobayes dans son supermarché dès l'automne 2007.

Avec la collaboration de Marie-Andrée Chouinard

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