Les Québécois, des consommateurs responsables?

Acheter local, trier ses déchets, éviter les dépenses inutiles : la consommation responsable s’immisce dans les habitudes des Québécois, ces dernières années. Si 85,9 % d’entre eux estiment essentiel de revoir leurs modes de vie et de consommation, du chemin reste à faire pour que ces pratiques s’intègrent au quotidien.
« Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais » : la volonté est là, mais les actions ne suivent pas. L’indice de consommation responsable (ICR) au Québec en témoigne : il a perdu 1,3 point entre 2016 et 2017. L’ICR a été calculé d’après un sondage mené auprès d’un panel Web de 1002 répondants, du 15 septembre au 3 octobre.
L’Observatoire de la consommation responsable (OCR) affilié à l’École des sciences de gestion de l’UQAM a profité mercredi de l’excitation ambiante à l’approche du « Vendredi fou » (« Black Friday ») — alors que les magasins placardaient leurs vitrines d’affiches de soldes alléchantes — pour dévoiler son huitième baromètre sur la manière dont consomment les Québécois.
Si les chiffres ont de quoi faire sourciller, le directeur de l’Observatoire, Fabien Durif, se veut rassurant, rappelant qu’il faut considérer l’IRC sur plusieurs années pour constater une tendance à la hausse ou à la baisse.
Ainsi, depuis 2010, il a plutôt augmenté de 0,8 point. « Il y a des variations, mais elles sont légères, alors ça fait davantage penser à une stagnation », analyse-t-il, reconnaissant par contre que ces pratiques écoresponsables peinent à passer à la vitesse supérieure.
Les chercheurs, qui ont scruté à la loupe plusieurs habitudes de consommation, estiment certaines encore « fragiles » dans la province, en phase d’essai auprès de la population, parfois même ignorées.
Deux d’entre elles sont toutefois bien ancrées dans la routine des Québécois : le recyclage, exercé par 90,1 % des participants, ainsi que la consommation locale (72 %), en hausse par rapport à 2016 de 2,1 et 0,7 points de pourcentage respectivement.
Le passage à l’action semble plus lent en matière de déconsommation (68,4 %), de protection de l’environnement (67,6 %) et des animaux (66 %), de compostage (48 %) ou encore d’utilisation des transports durables (43,2 %), tous en baisse comparativement à l’année précédente.
« Ça dépend des modes et tendances du moment, mais aussi du traitement de ces sujets par les médias, ou encore de la communication d’informations », soutient M. Durif pour expliquer le succès différent d’une façon de faire à l’autre.
Encadrement politique
« Certaines pratiques demandent plus d’efforts, parfois elles nécessitent des installations, comme le compostage, par exemple. Ce n’est pas tout le monde qui a son bac de compost offert par la Ville », fait-il valoir.
À cet égard, le discours et les actions politiques ont un rôle essentiel dans l’adoption de ces modes de consommation plus responsables.
« Il y a un encadrement fort du recyclage, donne-t-il pour exemple. Les villes ont adopté toute une organisation pour ça, et la sensibilisation se fait du côté des entreprises et des citoyens .»
Il en va de même pour l’achat local, qui est conseillé tant par les économistes et les politiciens que par les petits commerçants du coin, et louangé pour encourager l’économie locale.
S’il y a quelques années encore cette façon de consommer concernait essentiellement les produits alimentaires, elle gagne désormais tous les secteurs marchands, dont le manufacturier.
Selon l’Observatoire, le « fabriqué au Québec » et le « fabriqué au Canada » ont la côte dans les demeures, un répondant sur deux ayant indiqué que le lieu de fabrication constitue un critère très important lors de l’achat d’un meuble.
« Est-ce que ça va durer ? C’est difficile à prévoir, mais moi, j’ai l’impression que oui, que ce n’est pas qu’une tendance. »
Et plus les gouvernements, quel que soit le palier politique, encadreront et encourageront de telles pratiques, plus elles seront susceptibles de s’implanter dans les habitudes de vie de tous.
« L’important dans cette démarche, c’est de ne jamais culpabiliser les consommateurs, contrairement aux entreprises, avec lesquelles on peut être plus exigeant, estime M. Durif. C’est normal que les citoyens n’aient pas forcément le temps et l’envie d’être aussi responsables dans leurs comportements. Il faut surtout les informer et les encourager avec des incitatifs. »