

La relation entre les compagnies aériennes et leurs clients a déjà été plus harmonieuse. À qui la faute ? À la...
Les transporteurs à bas prix ne parviennent pas à s’installer ici, et ce n’est pas uniquement une conséquence de la position dominante d’Air Canada. Une culture de la voiture bien enracinée, mais surtout la configuration du marché, ne favorise pas leur implantation au Canada.
« En fait nous n’avons, ici, du “low cost” que le service à bord », ironise Mehran Ebrahimi, professeur et directeur du Groupe d’étude en management des entreprises de l’aéronautique de l’ESG de l’UQAM. L’expérience d’Air Canada Rouge et de WestJet dans le segment des bas prix « n’est pas un vrai “low cost”. Ils en ont l’apparence avec leur structure de coûts plus basse et leur flotte homogène, mais faites Montréal-Vancouver, et vous aurez la même fourchette de prix entre Air Canada et WestJet. »
Le spécialiste donne l’exemple d’un vol Paris-Barcelone à 600 euros sur Air France, à 90 euros sur Ryanair ou EasyJet. Ou du Paris-Toulouse à 35 euros sur EasyJet, de 5 à 10 fois plus cher avec Air France. « Pour réussir, un vrai transporteur à bas prix a besoin d’une population dense répartie sur un vaste territoire, et de la présence d’une classe moyenne dotée d’une culture de l’avion. » Au Canada, le gros de la population est concentré sur une bande étroite, et la culture de la voiture demeure bien enracinée.
Son collègue Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat et directeur du Réseau de veille en tourisme, ajoute que le modèle d’affaires du transporteur à bas prix favorise l’homogénéité de la flotte comprenant un seul type d’appareil et le pairage des villes desservies proposant une forte densité de population, selon une approche origine-destination. « Donc, pas de plaque tournante, pas de correspondance, pas d’alliance. Le “low cost” a compris que pour que son exploitation soit rentable, l’avion doit être dans les airs avec le maximum de personnes à bord. »
Nous n’avons pas cette densité ici, ajoute Paul Arseneault. Au Canada, les seules routes à grand potentiel composent les triangles Montréal-Toronto-New York et Vancouver-Edmonton-Calgary, les châteaux forts des transporteurs traditionnels Air Canada et WestJet. Ces marchés sont déjà bien desservis, et la fréquence offerte n’accorde pas ou peu de place à d’autres transporteurs, confinés qu’ils sont à devoir alors adopter une stratégie de niche.
Au demeurant, un transporteur dominant comme Air Canada va peser de tout son poids pour protéger ses marchés lucratifs. Il dispose des meilleurs créneaux, des meilleurs emplacements aéroportuaires et d’une force d’attraction du personnel navigant, un avantage concurrentiel plutôt majeur dans un contexte de pénurie de pilotes. Il se nourrit également de son réseau international et de sa présence au sein de grandes alliances.
Pour sa part, WestJet a réagi rapidement aux visées de Jetlines et d’Enerjet dans l’Ouest en annonçant en avril son intention de lancer à la fin de l’année un nouveau transporteur aérien à très bas prix, avec une flotte initiale de 10 Boeing 737-800 configurés à haute densité offrant un service à bord minimal.
« Sans oublier que l’avion subit la concurrence des autres modes de transport »,et les aéroports canadiens celle des aéroports américains frontaliers, ajoute Mehran Ebrahimi. Le spécialiste estime, ainsi, qu’Ottawa fait fausse route en voulant ouvrir le ciel canadien à des transporteurs étrangers, notamment par la hausse, de 25 à 49 %, du plafond de propriété étrangère au sein d’un transporteur canadien. « On ouvre une brèche. Si un transporteur canadien devient un sous-traitant pour les gros joueurs étrangers, ces derniers vont écrémer le marché. Les profits seront exportés et l’expertise canadienne en aéronautique va s’affaiblir. Sans compter le risque pour la desserte des liaisons régionales. » Il insiste sur ce dernier point. « On ne peut vouloir favoriser l’avènement des “low” sans un regard systémique et intégré impliquant une vision régionale. »
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