Pour l’amour des pâtisseries

Alors qu’elle était enceinte d’Ethan, Viviane Nguyen sentait que son bébé aurait la dent sucrée, car elle avait une constante envie de gâteaux et de pâtisseries. Ce fut tout un choc quand le médecin a diagnostiqué à son fils, avant son premier anniversaire, une trentaine d’allergies alimentaires. C’en était fini des desserts pour son petit gourmand, et pour elle aussi, puisqu’elle allaitait, elle devait désormais adopter le même régime.
« Une vie sans pâtisseries, c’était la fin du monde pour moi, se souvient-elle. Alors, j’ai inventé des recettes pour lui. »
La jeune femme a ainsi décidé d’en faire profiter tout le monde en ouvrant Petit Lapin, première pâtisserie montréalaise à exclure les dix principaux allergènes alimentaires (arachides, blé, lait de vache, noix, oeufs, sésame, soya, sulfites, fruits de mer, moutarde), le lactose ainsi que le gluten de ses préparations. C’est l’un des rares endroits où les personnes souffrant de restrictions alimentaires, comme son fils, peuvent manger tout ce qu’elles désirent, où rien ne leur serait interdit. « J’aimais les desserts et en cuisiner, mais pas au point d’ouvrir une pâtisserie. C’est vraiment pour l’amour d’une mère devant la souffrance de son enfant et du fait qu’il ne peut pas jouir de toutes les merveilles du monde que je me suis lancée dans l’aventure. Et pour le partager avec les autres parents et tous ceux qui côtoient des gens souffrant d’allergies. » Au Québec, 7 % des familles québécoises comptent au moins une personne allergique dans leur entourage.
En matière de desserts, rien n’est impossible, mais la clé est que ça doit être bon, affirme Mme Nguyen, qui a développé des versions de flan au caramel, de gâteaux au fromage, de panna cotta pour ses clients, en plus des madeleines, les choux à la crème, les cupcakes, les beignes cuits au four et les macarons se retrouvant quotidiennement au menu de Petit Lapin. « Chaque fois que je vois un dessert, je me lance le défi et je le fais pour Ethan en version sans allergène », dit Viviane, notaire de profession, qui a appris la pâtisserie et a développé et adapté ses recettes en les combinant à l’expérience acquise avec sa nouvelle vie.
Les oeufs sont donc remplacés par des substituts, comme des purées de fruits, le lait de vache par une boisson de riz et la farine de blé par celle de pois chiches ou de riz.
Petit Lapin, qui a ouvert l’an dernier, a récemment sorti sa collection de desserts pour les mariages, baptêmes et événements spéciaux, vu l’importante demande dans ce créneau.
Un moment de répit
Tout comme Viviane Nguyen, Geneviève Proulx, la propriétaire du Garde-Manger, prouve qu’il est tout à fait possible de manger des pâtisseries quand on vit avec des restrictions alimentaires. Souffrant de multiples allergies et intolérances depuis l’adolescence, elle a ouvert à Shawinigan ce comptoir alimentaire spécialisé dans la confection de nourriture sans allergènes, qui prépare autant des mets pour emporter que des gâteaux et des desserts difficiles à trouver dans les pâtisseries traditionnelles ou dans les rayons spécialisés du supermarché, à cause de la contamination croisée.
« Les personnes allergiques doivent faire attention à tout ce qu’elles achètent. Pour nous, faire l’épicerie peut prendre plusieurs heures, dit Geneviève Proulx, qui a une formation en cuisine. Elles ne peuvent pas se dépanner et prendre un plat sur le pouce si elles n’ont pas envie de cuisiner un soir. Le Garde-Manger leur offre un petit break. Comme je dois me restreindre dans tout, mes clients sont assurés que tout ce que je prépare est sécuritaire. » C’est justement en pensant à tous ceux qui, en plus, ne cuisinent pas qu’elle a lancé son entreprise.
Quant au goût de ces versions des desserts sans allergènes, il diffère parfois de l’original, mais les deux femmes gardent dans l’optique d’en faire des aussi bonnes, sinon meilleures. « On a tous un palais différent et des goûts différents », souligne Mme Nguyen. Plusieurs personnes allergiques n’ont jamais mangé de macarons de leur vie, alors les saveurs sont toutes neuves pour elles. « Je dis toujours que c’est moins pénible d’avoir les allergies lorsqu’on est bébé. Ma première allergie était aux produits laitiers, alors je sais ce que ça goûte, du Dairy Queen ! Et ça me manque beaucoup en été ! », dit Geneviève Proulx en riant.
Près de la moitié de la clientèle de ces deux commerces est composée de gens n’ayant aucune allergie. Des végétaliens, des gens qui désirent suivre un régime de vie sans gluten. « Une personne qui entre dans une pâtisserie doit s’attendre à ce qu’il y ait du sucre, bien sûr, mais il y a une manière de faire des desserts plus sains », note Viviane Nguyen, de Petit Lapin, qui personnalise des produits plus faibles en sucre selon les demandes spéciales et utilise plutôt du sirop d’érable, d’agave ou de la stévia en remplacement des produits raffinés. « J’ai remarqué que plusieurs clients cherchent simplement des produits plus santé, pour se sentir mieux dans leur peau, sans sacrifier le plaisir. Et c’est tout à fait possible en pâtisserie ! »
Des allergies

40 000 enfants vivent avec une allergie alimentaire au Québec.
7 % des familles québécoises comptent au moins une personne allergique dans leur entourage. Source: Association québécoise des allergies alimentaires