Alcool, chômage et inflation font grimper la criminalité
L'alcool, le chômage et l'inflation forment un cocktail explosif à la source d'une grande partie des problèmes de criminalité au Canada.
La recette du crime vient d'être percée avec une nouvelle étude de Statistique Canada, qui va au-delà du vieillissement de la population pour expliquer les variations, sur une période de 40 ans, de quatre types d'infraction (homicides, vols qualifiés, introductions par effraction et vols de voiture).En croisant l'évolution de ces crimes avec le taux de chômage, l'inflation et la consommation d'alcool, les chercheurs sont arrivés à d'intéressantes découvertes. Plus il y a de chômage et de consommation d'alcool, plus il y a de meurtres au Canada. Lorsque le chômage grimpe de 1 %, le taux d'homicides fluctue à la hausse d'environ 0,39 %. Une augmentation de 1 % de la consommation d'alcool s'accompagne quant à elle d'une hausse de 1,38 % du taux d'homicides.
Dans les périodes de forte inflation, comme à la fin des années 1980, les crimes imputables à des motifs financiers (vols et introductions par effraction) connaissent un soubresaut. Le taux de chômage joue pour peu dans l'évolution des infractions motivées par l'appât du gain. Lorsque l'inflation est élevée, l'augmentation du prix des biens et des taux d'intérêt vient miner le revenu réel disponible. L'écart entre le prix des biens et les salaires peut faire basculer dans le clan des criminels des personnes déjà enclines à violer les lois. L'inflation récompense les auteurs de crimes à motivation financière en raison de l'expansion d'un marché noir caractérisé par une forte demande et de gros profits.
«À partir des résultats, il est possible de conclure que les années où certains problèmes sociaux sont fréquents tendent aussi à être des années où les taux de criminalité sont élevés», concluent les chercheurs du Centre canadien de la statistique juridique, dans leur étude intitulée L'exploration des tendances de la criminalité au Canada. «Cette étude a révélé que les années où les taux d'inflation sont élevés tendent à être des années où les taux de crimes imputables à des motifs financiers sont supérieurs, tandis que les années où les taux de consommation d'alcool par habitant et de chômage sont élevés sont généralement des années où les taux d'homicides sont supérieurs.»
Plus qu'une question d'âge
La criminologie a largement imputé au vieillissement de la population la baisse marquée du crime observée depuis le début des années 1990. Dans toutes les nations occidentales, le crime est surtout l'affaire des jeunes hommes. Plus la cohorte des hommes de 15 à 24 ans est importante au sein d'une population, plus la délinquance y est enracinée.
À titre indicatif, les 15 à 24 ans représentaient 14 % de tous les Canadiens en 2003, mais ils étaient responsables de près de la moitié des crimes contre les biens et du tiers des crimes de violence. Lorsque le poids de cette cohorte s'effrite dans la pyramide démographique, comme c'est le cas au Canada et aux États-Unis, les taux de comportements délictuels tendent à s'estomper.
Si l'équation reste valide, elle n'explique pas tout. Statistique Canada a remarqué que les taux de crimes avec violence ont progressé jusqu'à 1993 avant d'entamer leur phase de déclin. La proportion des 15 à 24 ans régressait pourtant depuis le début des années 1980, et celle des 25 à 34 ans depuis la mi-80. En fait, le déclin des 15 à 24 ans dans la pyramide des âges s'est fait ressentir seulement au chapitre des introductions par effraction.
L'étude confirme qu'il faut creuser plus à fond pour déterrer les racines profondes de la criminalité. En règle générale, les indicateurs économiques ne font pas partie de la boîte à outils des criminologues. Les auteurs suggèrent donc que le chômage et l'inflation soient désormais inclus dans l'analyse macroéconomique de la criminalité.