Tourisme - L'été s'annonce beau et... payant

Selon toute vraisemblance, l'industrie touristique québécoise se dirige vers des résultats supérieurs à ceux de 2004, année où ses recettes avaient atteint les neuf milliards de dollars. Il y a une belle probabilité que le cap des dix milliards soit franchi cette année, un objectif qui paraît à portée de main si le beau temps actuel se maintient.
La ministre du Tourisme, Françoise Gauthier, le pense, mais c'est également l'opinion de plusieurs intervenants dans l'industrie, aussi bien à Montréal qu'à Québec et ailleurs dans les régions. Pierre Bellerose, porte-parole de Tourisme Montréal, prévoit qu'il y aura encore cette année une croissance de 5 % du tourisme à Montréal pour juin, juillet et août. Il y a eu une croissance de 5 % au cours de la même période l'année dernière. À eux seuls, les Championnats mondiaux de sports aquatiques qui viennent de commencer ajoutent 50 000 nuitées, d'où la confiance de M. Bellerose.Les deux tiers des touristes qui vont à Montréal en été proviennent de l'extérieur du Québec; parmi eux, 25 % sont américains, 25 % sont canadiens, surtout des Ontariens, et environ 13 % sont européens ou proviennent d'ailleurs dans le monde. Un grand nombre sont attirés à Montréal par les festivals (jazz, Juste pour rire, FrancoFolies) et plusieurs autres activités à caractère international; les Européens viennent aussi au Québec pour les grands espaces, les parcs, les baleines, etc. On remarque d'ailleurs depuis quelques années que la tenue de tous ces événements festifs a aussi pour effet d'attirer la venue de congrès en été, dont les organisateurs choisissent Montréal en raison de l'animation urbaine. M. Bellerose prévoit un taux d'occupation de 80 % des équipements hôteliers de la métropole cet été.
La ville de Québec est également un pôle d'attraction majeur et, là aussi, l'été s'annonce très bon. Un coup d'envoi exceptionnel a été donné avec les Jeux mondiaux des policiers et pompiers qui, à eux seuls, ont ajouté 28 000 nuitées en juin, un mois généralement beaucoup plus calme pour l'industrie touristique de cette ville. Pour les cinq premiers mois de l'année, on a enregistré une augmentation de 4 % dans les hôtels de la région. L'été dernier, Québec avait attiré trois millions de visiteurs.
Pour l'ensemble du Québec, la grosse période des vacances commence aujourd'hui même, le signal du départ étant donné par les travailleurs de la construction et une foule d'autres catégories d'employés dans de nombreux secteurs d'activité. Puisque bien des gens attendent aux dernières semaines avant les vacances pour fixer leurs projets, il est impossible pour les gens de l'industrie de connaître d'avance et avec précision l'ampleur de la manne touristique.
En outre, la situation s'est complexifiée depuis quelques années, en ce sens que la concurrence pour attirer les vacanciers dans sa région est devenue de plus en plus vive. Pendant longtemps, la Gaspésie a été le principal point d'attraction des touristes, du moins dans les régions excentriques, à part bien sûr des lieux consacrés comme Charlevoix, les Laurentides et l'Estrie. Désormais, il faut tenir compte des invitations pressantes lancées par presque toutes les régions avec des campagnes publicitaires insistantes, comme en font l'Outaouais, la Mauricie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean ainsi que les provinces voisines de l'Atlantique. On entend aussi parler de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord, de Kamouraska, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des îles de la Madeleine, sans oublier la Baie-James et les 11 nations autochtones.
Enfin, les grands festivals qui se succèdent à Montréal et à Québec ont un pouvoir d'attraction sur la clientèle potentielle québécoise; du point de vue des régions, ils font partie des concurrents. Jacques Lévesque, directeur général de l'Association touristique de Charlevoix, voit là une saine rivalité qui incite tout le monde à mettre en valeur certains créneaux qui leur sont propres. Cet intérêt évident pour le tourisme découle, selon lui, du fait que les régions considèrent désormais le tourisme comme un instrument de développement économique.
Il est évident que pour Charlevoix comme d'autres régions, la concurrence est plus forte, reconnaît M. Lévesque, ajoutant toutefois que sa région a «la chance d'avoir 200 ans de traditions» en tourisme. Pendant longtemps, Charlevoix a accueilli une clientèle bourgeoise et souvent anglophone, canadienne et américaine. Puis, dans les années 80, est arrivée «la grosse vague», très québécoise et francophone, des touristes qui avaient été séduits par la télésérie Le Temps d'une paix. M. Lévesque avoue que la région «surfe encore sur cette vague» en espérant qu'elle va encore se répéter cette année, à partir de la mi-juillet, selon le scénario habituel. Les Québécois constituent encore le gros de la clientèle, mais la surprise cette année est un nombre étonnant d'Américains. Le casino, les parcs et les baleines pas très loin à l'est sont des atouts pour cette région. En 2004, les 2639 chambres répertoriées ont connu un taux d'occupation de 68 % en juillet et de 74 % en août.
Du point de vue d'une économiste comme Joëlle Noreau, des Études économiques chez Desjardins, il y a actuellement deux facteurs qui peuvent jouer dans les choix de vacances: le prix de l'essence pour les voyages et le taux de change pour ceux qui songent à aller aux États-Unis et pour les Américains qui ont envie d'une visite au Québec. À en juger par le sondage mené auprès des travailleurs de la construction, dont seulement 2 % envisagent d'aller aux États-Unis cette année, la tendance est déjà assez claire. Mme Noreau estime que 60 % des Québécois demeurent au Québec pendant leurs vacances, souvent en visite chez la parenté ou des amis, ou alors en restant chez eux, comme le feront 49 % des travailleurs. Selon les données compilées au ministère du Tourisme, dans plusieurs régions comme Lanaudière, le Saguenay, le Bas-Saint-Laurent, Chaudière-Appalaches et la Gaspésie, plus de 75 % des visiteurs sont des Québécois.
Le Club automobile du Québec, fort bien placé pour avoir une bonne idée des voyages que ses membres ont l'intention de faire puisqu'il prépare des itinéraires à leur demande et agit aussi comme agence de voyages, sait déjà qu'il y a une augmentation de 15 % du nombre de voyages aux États-Unis en juillet. Les itinéraires sont préparés au moins trois semaines à l'avance. Presque 100 % de ces voyages auront lieu sur la côte atlantique, aux endroits habituels depuis Old Orchard, dans le Maine, jusqu'en Virginie et aux Carolines.
Claire Roy, du CAA, souligne que le Québec apparaît comme la deuxième destination en importance, en légère régression par rapport à l'an passé. Mme Roy mentionne que la Gaspésie et les îles de la Madeleine arrivent au premier rang des itinéraires demandés au Québec. Elle ajoute cependant que cette deuxième place demeure tout de même un indicateur important puisque la plupart des Québécois n'ont pas besoin de faire préparer un itinéraire pour aller dans l'une ou l'autre des régions du Québec. Elle soutient par ailleurs que les destinations connaissent des mouvements cycliques. Bien sûr, des facteurs divers peuvent avoir un effet, par exemple le très grand écart des taux de change, qui a constitué un irritant de taille pendant quelques années. Néanmoins, après trois années de retenue, les voyageurs ont recommencé à prendre en plus grand nombre la direction des plages américaines. Il semble par ailleurs que les séquelles des attentats du 11 septembre 2001 et du SRAS soient complètement disparues et que les récents attentats terroristes à Londres n'aient eu aucun impact sur les projets de voyages ici.
Au Québec, le tourisme est considéré par le gouvernement comme un moteur de développement économique très important puisqu'il représente 2,8 % du PIB et figure au sixième rang des produits d'exportation. Il contribue à la création de 133 500 emplois directs à temps plein, partiels et saisonniers, créant en plus 48 000 emplois indirects.
Selon la politique de développement du tourisme établie par le gouvernement, le ministère doit travailler en priorité sur une liste de produits bien ciblés: l'agrotourisme, la chasse et la pêche, les congrès et réunions d'affaires, le cyclotourisme, l'écotourisme et le tourisme d'aventure, les festivals et autres événements, le golf, la motoneige, le ski et d'autres formes de tourisme (autochtone, culturel, de santé, motorisé et nautique).