Rhode Island - État de chic

L'État le moins étendu des États-Unis est devenu au fil des ans le bac de sable de beaucoup de New-Yorkais et de touristes qui veulent allier océan et sérénité. Comme points de mire sous haute surveillance financière, on trouve Newport et ses bateaux ainsi que Providence et ses gondoles. Entre les deux, des villages qui aiment leur passé, des vignes, des carrousels, des plages et des phares qui surveillent le chic ambiant.
C'est inscrit sur les plaques minéralogiques des locaux: «Rhode Island, Ocean State.» C'est vrai que la majorité de la population vit au bord de l'eau.Pourtant, dans les années 80, on a surnommé cet État la petite Californie de l'Atlantique. Non pas à cause de surfeurs endiablés ou de blondeurs siliconées égarées. Non, c'est plutôt à cause du nombre infernal de compagnies d'informatique qui ont peuplé les abords de Providence et de Woonsocket.
Le Rhode Island est un État qui ne fait jamais parler de lui, histoire de ne pas attirer les envies et les curieux. Au fil du temps, Irlandais, Écossais, Italiens et Québécois y sont pourtant venus pour flairer des histoires de diamants, de tissage, de bateaux et quelquefois de religieux.
On peut d'ailleurs rencontrer la présence québécoise des années 20 à 50 en apercevant un Lafontaine ou un Latendresse sur le fronton d'un garage ou d'un magasin général. Les propriétaires actuels ne parlent plus un mot de français mais se souviennent que leurs grand-parents venaient des Cantons-de-l'Est ou de la Beauce. La seule Québécoise qui se souvenait de l'être, je l'ai rencontrée du côté de Woonsocket en état de religieuse, continuant avec panache à l'aube de ses 80 ans à parler de Chaudière-Appalaches et à peindre des paysages d'hiver.
Les habitants du Rhode Island sont fiers de leurs richesses, au passé comme au présent.
Pour le passé, on trouve les signes des antiquités au fil des nombreux marchés d'East Bay, là où les tisons et les crémaillères ayant plus d'un siècle forment un décorum assez commun. On y retrouve également une kyrielle de bed and breakfast ou de guest houses qui font dans la vieille maison irlandaise ou la façade victorienne.
Pour s'imprégner de l'opulence des industriels des siècles passés, il y a aux abords de Newport des cottages d'été qui ont pour symbolique le marbre, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur. Les cuisines et les salles de bains sont également faites de marbre italien de diverses couleurs, histoire de ne pas s'altérer, et les robinetteries peuvent être en or massif, histoire de ne pas rouiller. La plus grande difficulté de l'État pour garder ces maisons surréalistes, ce n'est pas d'entretenir le marbre mais de le chauffer durant les mois d'hiver. Ce sont alors des banques privées qui financent The Breakers, Belcourt Castle ou Astor's Beechwood pour le bénéfice des touristes qui pourraient attraper un rhume.
On arpente également le passé dans les villages de Portsmouth, Jamestown, Tiverton ou Little Campton, là où les débuts de la colonie ont laissé un manoir, deux canaux et quelques bouts de forts. Marchands d'antiquités et places de villages donnent à l'ensemble un côté suranné, voire figé dans le temps.
Le grand chic d'aujourd'hui, on le retrouve sur les déliés d'Ocean Drive ou de Cliffwalk, à Newport, avec des marinas de bateaux qui dépassent l'entendement et le sens de notre portefeuille. Il y a d'ailleurs dans cette ville deux clientèles, la clientèle des voyeurs et celle des possédants navigateurs. On les retrouve quelquefois dans les mêmes restaurants. Les premiers aiment à reconnaître une face burinée par le soleil et les embruns qu'on a aperçue dans l'après-midi sur un trois-mâts de rêve. Les seconds se plaisent à raconter à leurs émules ou à leurs confrères des histoires de criques secrètes ou de dernières sauteries réussies du côté de New York. En effet, ici, on a droit à une importante masse de propriétaires de rafiots informatisés venant de Brooklyn et sortant tout droit ou de travers des productions cinématographiques ou télévisuelles. Le prêt-à-porter, la décoration intérieure, la peinture en tout genre et l'industrie pharmaceutique sont également bien représentés. Ce qui frappe le long des terrasses de la ville, c'est le nombre de coupes de champagne qui s'entrechoquent à l'heure du 5 à 7. Les féminités rencontrées sont de tout âge et sont dégrafées comme il se doit, accompagnant le plus fréquemment des loups de mer sans âge très bronzés qui ont le sens de la casquette de capitaine au long cours et de la veston bleu marine.
On dit ici que la plupart sont juifs ou assimilés et qu'ils fréquentent de temps en temps la synagogue Touro, la plus ancienne synagogue des États-Unis. Ce sont les Italiens et les Hongrois qui me l'ont dit...
Ce qui est sûr, c'est qu'on trouve aux abords des plages environnantes des places de stationnement réservées aux rabbins, juste à côté de celles réservées aux personnes à capacité physique restreinte.
Cette clientèle dorée, on la retrouvera au mois d'août dans les allées du festival de jazz ou pendant les festivités de l'America Cup, là où les vedettes invitées sont plus nombreuses au mètre carré qu'au Festival de Cannes.
Pour plus de sérénité mais toujours avec un certain chic: Providence, la capitale de l'État.
À la belle saison, on y pratique l'art pyrotechnique et le tour de gondole.
S'il y a une gondole vénitienne, il y a un quartier italien où rivalisent des restaurants de la péninsule de très grande tenue.
Un quartier historique pour se souvenir, un quartier financier pour ne pas perdre de vue le dollar et des musées pour de l'art moderne qui est ici un must apprécié.
Le mélange architectural est amusant. On flirte allégrement de l'époque coloniale à la fédérale en passant par la victorienne avec, en prime, la colonnade d'inspiration grecque ou la colonne de verre d'inspiration incertaine.
Pour la beauté de l'océan, on ira le long de la côte de Warwick.
Pour les golfs et les plages, ce sera du côté de South County, là où on retrouve un microcosme de la Nouvelle-Angleterre.
Un parcours du vin où on ne retiendra pas de grands crus mais où on peut passer des heures à se déplacer de village en village et à goûter des confitures.
Des phares où on peut dormir, des centaines de carrousels d'antan où on peut tourner, des bacs de sable où on ne peut pas fumer, et des boutiques, des boutiques, des boutiques...
Tout est bien tenu, propre, soigneusement agencé. Faut aimer.
Comme à Block Island, en face de l'État, là où l'Irlande se mélange aux Yankees.
Ça sent le chic, ça ressemble au chic, c'est cher comme le chic doit l'être.
C'est vraiment l'État du chic.
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- Pour des renseignements sur l'État du Rhode Island: www.visitrhodeisland.com.
- Pour l'histoire: www.rihs.org.
- Pour Providence: www.providenceri.com.
- Pour Newport: www.newport.com.