Les terres de Rabaska dans la mire de Québec

C’est le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui piloterait la transaction.
Jacques Boissinot La Presse canadienne C’est le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui piloterait la transaction.

Si le gouvernement du Québec envisage d’ériger un parc industriel sur les terres de Rabaska, il trouvera une mobilisation citoyenne sur son passage. Un collectif promet de mener la bataille pour empêcher l’industrie de s’enraciner sur cet ancien territoire agricole aujourd’hui convoité par plusieurs.

Le Journal de Québec rapportait, vendredi, que le gouvernement du Québec a conclu une entente avec la société Rabaska pour faire l’acquisition des 272 hectares détenus par cette dernière à l’extrémité est de Lévis. Prix de la transaction, selon les notes internes obtenues par Québecor : entre 29 et 34 millions de dollars.

C’est le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui piloterait la transaction. Son cabinet n’a pas voulu confirmer la nouvelle, se contentant d’indiquer que le gouvernement « travaille avec l’ensemble des partenaires de la région pour dénouer le dossier ».

Convoitées de toutes parts

 

Ces terres, exclues par décret du territoire agricole en 2007 pour faire place à un port méthanier qui n’a finalement jamais vu le jour, font l’objet de plusieurs convoitises. Le Port de Québec a manifesté son intérêt et dit toujours croire « au potentiel de ce terrain ».

La Ville de Lévis a entamé, à la fin du printemps, une procédure d’expropriation pour rapatrier la moitié du territoire en question dans son giron. Le maire Gilles Lehouillier ne cache pas son ambition d’en faire une zone vouée à l’industrie maritime capable d’alimenter le chantier Davie, promis à un essor important depuis son accession à la Stratégie nationale de construction navale.

En filigrane, l’Union des producteurs agricoles (UPA) exigeait également le retour de ces terres dans le domaine agricole. Une revendication partagée par le collectif Sauvetage du patrimoine agricole à Lévis et Beaumont, créé pour empêcher qu’une nouvelle activité industrielle pousse sur les cendres de Rabaska.

« Il faut penser à la crise climatique actuelle et à l’importance de protéger ce territoire-là, croit Valérie Cayouette-Guilloteau, une ancienne candidate solidaire aujourd’hui devenue porte-voix du collectif. Sur les 272 hectares de Rabaska, il y a 60 hectares de milieux humides, dont 18 de tourbières. Nous n’avons pas le luxe de détruire des tourbières ! »

Il faut penser à la crise climatique actuelle et à l’importance de protéger ce territoire-là.

« Il y a aussi 118 hectares de forêt et 75 hectares de ce qui compte parmi les meilleures terres agricoles au Québec, affirme-t-elle. Elles sont cultivées depuis 350 ans juste en face de l’île d’Orléans, c’est aussi un lieu patrimonial important. »

Si le gouvernement va de l’avant avec le développement d’une zone industrielle, il fait preuve d’« hypocrisie environnementale », selon elle, surtout en regard de récentes déclarations faites par le ministre de l’Environnement, Benoit Charette.

Mardi, ce dernier certifiait, lors d’une annonce faite à quelques kilomètres des terres de Rabaska, que la réduction des gaz à effet de serre, pour son gouvernement, représentait le « défi du siècle ».

« Ce n’est pas un caprice, lançait-il. C’est une obligation. » À ses côtés, son collègue de l’Agriculture, André Lamontagne, affirmait qu’une « partie importante » de son travail, c’était de protéger les terres agricoles.

« Je me lève chaque matin et c’est ça que j’ai dans ma tête et sur mes épaules », affirmait le ministre, tout en se disant incapable de rendre les terres de Rabaska au zonage agricole puisqu’elles n’appartenaient pas au gouvernement.

Vendredi, Le Devoir n’a eu aucun retour de son cabinet.

Conserver les zones vertes

 

Le collectif entend rappeler au gouvernement que s’il fait l’acquisition de ces terres, il aura la capacité de les protéger. « Toutes les actions de mobilisation vont être prises. Ça va être le même combat que pour GNL Saguenay », avertit Valérie Cayouette-Guilloteau.

L’UPA range la hache de guerre dans ce dossier et se réjouit de voir le territoire détenu par Rabaska échapper au Port et à une réglementation strictement fédérale. « Si le Port avait acheté [les terres], le Québec n’aurait pas eu un mot à dire, souligne James Allen, président de l’UPA dans Chaudière-Appalaches. Là, les lois du Québec vont s’appliquer. »

Son organisation se dit ouverte à voir une activité industrielle naître sur les terres convoitées, à condition que les territoires actuellement cultivés ne soient pas sacrifiés.

« Il y a un agriculteur de pommes de terre qui a de la relève et qui cultive sur environ 70 hectares, expose James Allen. Il faudrait au moins que ce qui est présentement cultivé reste en zone verte. Ça, ça pourrait être un compromis acceptable. »

La société Rabaska, dont l’actionnariat se compose de GNL Saint-Laurent, d’Enbridge Rabaska Holdings et d’Energir dans le registre des entreprises, a indiqué, par le biais d’une firme de relations publiques, qu’elle « travaille actuellement avec les autorités provinciales, municipales et portuaires afin de trouver une solution acceptable à tous pour l’avenir de ses terres situées à Lévis ».

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