Des dizaines de détenus font la grève de la faim au centre de détention pour immigrants de Laval

Des dizaines de détenus du Centre de surveillance de l’immigration de Laval (CSIL) ont entamé une grève de la faim jeudi matin.
CSI de Laval Des dizaines de détenus du Centre de surveillance de l’immigration de Laval (CSIL) ont entamé une grève de la faim jeudi matin.

Se disant injustement enfermés, des dizaines de détenus du Centre de surveillance de l’immigration de Laval (CSIL) ont entamé une grève de la faim jeudi matin. Dans une pétition adressée à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), ils demandent d’être libérés sur-le-champ.

« On doit nous offrir des solutions de rechange à la détention », a déclaré au Devoir Franck, un détenu qui souhaite garder l’anonymat par crainte de représailles. Il déplore que plusieurs personnes soient détenues depuis déjà quatre ou cinq mois « sans aucune raison valable » et sans date prévue de renvoi. « Il y en a qui n’ont pas l’habitude de vivre confinés comme ça. On vit beaucoup d’anxiété et de stress. » Selon ce qu’il avance, plus de la moitié des 65 détenus du CSIL auraient signé la pétition.

Le Devoir a pu récolter les témoignages à visage découvert de six autres détenus, tous des signataires de la pétition qui confirment avoir eu leur dernier repas mercredi soir. Certains disent être détenus depuis des mois sans avoir eu de date de renvoi. D’autres, qui ont un dossier criminel, déplorent qu’on les accuse de présenter un danger pour la société alors qu’ils ont purgé leur peine depuis belle lurette.

Ancien employé d’Ubisoft, Ugo Guezelli est en attente de savoir s’il sera expulsé du Canada. Il est détenu depuis la fin juin en raison d’un crime en lien avec de la marijuana commis il y a 18 ans au Brésil. « Tout ça est derrière moi depuis longtemps. Je ne représente pas un danger pour la société », dit celui qui a fait une demande de résidence permanente au Canada. « J’aimerais qu’on m’offre une autre solution que la détention. » Il assure qu’il a l’intention de collaborer avec les autorités en cas de renvoi. « J’ai une fille d’un an ici, elle est citoyenne canadienne, je ne veux pas compromettre mes chances de pouvoir la revoir. »

Après avoir vécu neuf ans au Canada, Anthony Yesufu avait épuisé tous ses recours — hormis une demande de parrainage toujours pendante — lorsqu’il a été arrêté et envoyé en détention le mois dernier. Ce Nigérian, qui assure ne pas avoir de dossier criminel, déplore ne pas pouvoir voir ses trois enfants d’ici à ce qu’il soit expulsé, le 15 septembre prochain. « On veut juste que les agents comprennent qu’on est des êtres humains et qu’on veut être traités comme des êtres humains », dit-il.

Liberté conditionnelle demandée

 

Les personnes détenues dans un centre de surveillance d’immigration ne sont pas accusées d’un crime. Selon l’ASFC, la détention peut parfois s’imposer, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, lorsque l’individu présente un danger pour le public, un risque de fuite, ou lorsque son identité n’a pas été établie.

Les signataires de la pétition estiment que la détention n’est pas nécessaire et que, dans certains cas, des « solutions de rechange à la détention », comme avoir recours à des outils de surveillance électronique ou se rapporter en personne à un agent, peuvent amplement suffire. Ils demandent à l’ASFC d’exercer son pouvoir discrétionnaire « afin de remettre certains détenus en liberté conditionnelle pour raisons humanitaires et ainsi éviter la séparation d’avec leur famille résidant au Canada ».

Venu du Mexique comme touriste, Gerardo Zuñiga Arteaga ne peut pas être auprès de son amoureuse, qui doit donner naissance à leur fille d’un jour à l’autre. « Elle est en train d’accoucher, mais les agents disent que ce n’est pas une raison suffisante pour me laisser sortir, dit-il, découragé. C’est mon premier enfant et je ne serai pas là. » Détenu depuis un mois, M. Zuñiga Arteaga a été arrêté pour avoir travaillé, ce que son visa de visiteur ne lui permettait pas. Son expulsion serait prévue la semaine prochaine.

Surveillance étroite de l’ASFC

L’Agence des services frontaliers se dit au courant de la situation et reconnaît que des détenus revendiquent leur libération « de manière pacifique ». Chaque personne qui boycotte des repas est « étroitement surveillée » et son état et son bien-être « sont évalués régulièrement » par des professionnels de la santé, a indiqué le porte-parole, Guillaume Bérubé.

Au Canada, en date du 25 août, 12 600 personnes arrêtées et soumises à des contrôles d’immigration ont été libérées dans le cadre de « solutions de rechange à la détention » et vivent dans le pays sous certaines conditions. Quelque 230 personnes sont toutefois détenues dans des centres de surveillance et même, dans une moindre mesure, dans des prisons provinciales.

« L’ASFC a réduit de plus de la moitié le recours à la détention au cours des six dernières années et continue d’élargir les solutions de rechange à la détention », a déclaré M. Bérubé.

Ce n’est pas la première fois que des détenus du Centre de surveillance de l’immigration de Laval font une grève de la faim. En 2020, des immigrants qui y étaient enfermés avaient cessé de manger pour protester contre leurs conditions de détention en lien avec la pandémie de COVID-19.



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