Inquiétudes pour les droits LGBTQ+ à grande échelle

Amélie Revert
Collaboration spéciale
Des militants pour les droits des personnes LGBTQ+ ont manifesté en novembre dernier contre le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, et ses politiques controversées.
Photo: Giorgio Viera archives Agence France-Presse Des militants pour les droits des personnes LGBTQ+ ont manifesté en novembre dernier contre le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, et ses politiques controversées.

Ce texte fait partie du cahier spécial Fierté Montréal

Des organismes sonnent l’alarme quant aux importantes régressions qui ont cours en ce moment même en Amérique du Nord.

« La désinformation américaine est arrivée à bon port au Canada », dit Frédérique Chabot, directrice exécutive et porte-parole francophone d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels, un organisme de bienfaisance progressiste et pro-choix qui promeut et défend la santé et les droits sexuels au pays et dans le monde. Elle fait en particulier référence à l’augmentation des discours extrémistes et haineux répandus sur les réseaux sociaux visant les communautés LGBTQ+, d’après un rapport d’Human Rights Campaign, et qui, selon elle, a servi cette année à justifier la révision de la politique 713, au Nouveau-Brunswick. Celle-ci avait initialement été mise en place en 2020 pour protéger les jeunes trans, qui avaient le droit d’utiliser le prénom et le pronom de leur choix à l’école, alors qu’aujourd’hui les élèves de moins de 16 ans doivent obtenir le consentement de leurs parents. « Ces comptes disent que la communauté LGBTQ+ et leurs proches ont l’ultime intention de convaincre tous les jeunes d’être trans et qu’à partir de ce moment-là, ils doivent être arrêtés », s’inquiète-t-elle.

Du côté de la Fondation Émergence, la révision de la politique 713 est un rappel que les droits de la personne ne sont jamais acquis. « Ça cause beaucoup d’anxiété pour les personnes trans de se dire que si ça trouve écho au prochain gouvernement, elles n’auront peut-être plus accès à leurs droits », indique Olivia Baker, chargée de programmes à la Fondation Émergence, un OBNL qui lutte contre l’homophobie et la transphobie. Et elle aussi est très préoccupée par la montée de la rhétorique anti-LGBTQ+ sur les réseaux sociaux et dans les médias. « On allait dans la bonne direction, mais dans les deux dernières années, je dirais qu’il y a eu un recul », ajoute-t-elle.

« Ce qui est frappant en 2023, c’est qu’on avait les yeux rivés sur les possibles conséquences de l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade aux États-Unis sur les politiques canadiennes. En fait, le plus grand impact a été la montée rapide et radicale de la désinformation et de la mise en cause des protections pour les personnes LGBTQ+, de l’éducation à la sexualité et des soins pour l’affirmation de genre », affirme Frédérique Chabot. Il aura ainsi fallu moins d’un an pour que ces arguments arrivent des États-Unis directement dans nos institutions politiques et législatives.

Si elle garde espoir que le Canada s’érige en protecteur des droits de la personne, Olivia Baker confie ressentir une peur grandissante vis-à-vis de la propagation des politiques de nos voisins du Sud. « Jusqu’ici, en 2023, il y a eu 563 propositions de loi pour restreindre les droits LGBTQ+, et particulièrement les droits trans, aux États-Unis. Environ 80 lois sont déjà passées, et l’année n’est pas finie… C’est déjà presque quatre fois plus qu’en 2022 », souffle-t-elle. Pour Frédérique Chabot, il faut donc rester vigilants. « En tant que société, nous devons reprendre le contrôle de concepts dont les groupes “anti” se sont emparés, comme la sécurité des enfants », conclut-elle.

Quelques faits et chiffres

En 1993, 105 pays criminalisaient l’homosexualité ; en 2003, ils étaient 85 ; en 2013, ils étaient 77 et en 2023, nous en sommes à 62.« Ça descend, mais ça ralentit », constate Olivia Baker, de la Fondation Émergence.

Le 14 juillet, la Russie a voté à l’unanimité une loi qui interdit les transitions de genre, qui bannit l’adoption d’enfants par les personnes trans et qui annule les mariages de personnes trans. « En tant qu’organisme de défense des droits, c’est quelque chose qui nous angoisse », ajoute Olivia Baker.

En mars, au Burundi, 24 personnes ont été arrêtées et inculpées de pratiques homosexuelles et d’incitation aux pratiques homosexuelles. « Cela s’est passé lors d’un événement organisé par MUCO Burundi, un organisme qui lutte contre le VIH », rapporte Olivia Baker.

En mai, l’Ouganda a promulgué une loi qui rend plus sévères les sentences pour homosexualité. « Il y avait déjà la peine de prison à vie pour homosexualité, mais là, elle est encore plus pénalisée. Le crime pour la promotion de l’homosexualité est passible de 20 ans de prison. Pour une tentative de relation sexuelle entre personnes de même sexe, c’est 10 ans derrière les barreaux, et ils ont inventé quelque chose qui s’appelle “homosexualité aggravée”, ce qui n’est pas vraiment clair, mais ça peut aller jusqu’à la peine de mort », indique Olivia Baker.

La récente dépénalisation de l’homosexualité en Inde, en 2018, qui compte plus de 1,4 milliard d’habitants, est une nouvelle qui continue de réjouir. « Cela concerne quelque 142 millions de personnes LGBTQ + », fait remarquer Olivia Baker.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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