Plaidoyer contre les lois régissant le travail du sexe

Amélie Revert
Collaboration spéciale
Avec l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, Stella a lancé en 2021 une contestation constitutionnelle de certaines infractions criminelles propres au travail du sexe.
jonathan Hayward archives La presse canadienne Avec l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, Stella a lancé en 2021 une contestation constitutionnelle de certaines infractions criminelles propres au travail du sexe.

Ce texte fait partie du cahier spécial Fierté Montréal

« La décriminalisation est une affaire de droits de la personne, et c’est le premier pas pour la protection des droits des travailleuses et des travailleurs du sexe », indique Jenn Clamen, de l’organisme Stella Montréal. Selon elle, si ce n’est pas la réponse à tout, car ces personnes sont aussi parfois concernées par les lois sur la possession de drogue, la non-divulgation du VIH ou l’occupation de l’espace public, la décriminalisation du travail du sexe permettrait aux travailleurs d’exercer leurs droits.

« La décriminalisation totale, ça veut dire pour nous qu’il n’y a aucune loi criminelle sur le travail du sexe, donc on enlève les lois qui criminalisent les personnes qui vendent leurs services sexuels en public, mais aussi les clients qui achètent des services sexuels et les lois qui criminalisent les tierces personnes », précise-t-elle. Les tierces personnes sont ainsi toutes des membres de la communauté du travail du sexe. « Les familles, les boss, les gérants… Toutes les personnes qui aident au travail », ajoute Jenn Clamen. « Criminaliser n’importe quelle partie du travail du sexe a toujours des conséquences sur les travailleuses et travailleurs en premier lieu », croit-elle également.

De son côté, Erika Benoit-Tessier constate que les clients veulent de moins en moins porter le condom et qu’ils négocient les tarifs à la baisse. « À cause de la criminalisation du travail du sexe à tous les niveaux, les clients ont le pouvoir. Comme ils prennent des risques, ils veulent payer moins cher », raconte l’intervenante du programme Travail du sexe de RÉZO. « Par exemple, si le travail du sexe avait été décriminalisé pendant la pandémie, les travailleurs auraient pu avoir accès à la PCU [Prestation canadienne d’urgence] et ne pas prendre le risque d’attraper la COVID en allant voir des clients. »

La décriminalisation du travail du sexe est-elle envisageable ?

Avec l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, Stella a lancé en 2021 une contestation constitutionnelle de certaines infractions criminelles propres au travail du sexe.

« Nous nous sommes rendus en octobre 2022 jusqu’à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, et on espère aller en Cour d’appel et peut-être à la Cour suprême du Canada pour que les lois soient abrogées dans tout le pays », souligne Jenn Clamen. Pour ce faire, il faut cependant « quelqu’un qui croit en la redistribution des pouvoirs et de l’argent dans la société ».

Quelles seraient alorsles recommandations ?

En 2017, l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe a formulé plusieurs recommandations en plusieurs étapes. « Une fois la décriminalisation faite, il faudra davantage utiliser les lois qui existent déjà et qui nomment les violences genrées que subissent les femmes en général », affirme Jenn Clamen. Ensuite, il sera nécessaire de créer un cadre pour les conditions de travail. Pour Erika Benoit-Tessier, il n’est pas question d’avoir des syndicats du travail du sexe, mais il faut reconnaître les travailleurs du sexe comme n’importe quel autre travailleur. « En cas d’agression sexuelle, ils devraient avoir accès à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Quelqu’un en construction qui se plante un clou dans la main, c’est un accident de travail, mais une danseuse qui se tord la cheville à cause de ses talons hauts, elle fait quoi ? La décriminalisation pourrait aider sur ce plan », conclut-elle.

Stella Montréal et le programme Travail du sexe de RÉZO

Stella est un organisme montréalais géré par et pour les travailleuses du sexe cis et trans qui s’identifient comme femmes. « On a commencé en 1995 et on travaille pour leur offrir des services, dont une clinique avec une infirmière qui connaît bien leurs besoins, ou encore un club de lecture. Dans un contexte de criminalisation, de discrimination et de marginalisation des travailleuses du sexe, on a besoin de communauté », explique Jenn Clamen. Parce que criminalisation rime souvent avec rejet, Stella souhaite aussi changer les politiques et les lois en étant notamment membre de l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe.

Le programme Travail du sexe de RÉZO est complémentaire à Stella. Celui-ci s’adresse aux hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, le coeur de cible de RÉZO, mais aussi aux personnes trans, hommes ou femmes, et non binaires. « En fait, nous prenons en charge les populations que Stella ne couvre pas dans notre centre de soir, où il y a des repas chauds maison, en leur proposant les soins d’une infirmière pour les dépistages, en leur donnant des conseils, etc. », dit Erika Benoit-Tessier.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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