Appels à la décriminalisation de toutes les drogues
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Fierté Montréal
Alors que Fierté Montréal souhaite la décriminalisation de toutes les drogues au Canada, des organismes communautaires de la métropole estiment que cela pourrait sauver des vies.
Dans ses revendications mises à jour en mai dernier, Fierté Montréal demande à Ottawa de décriminaliser l’utilisation de ces substances. Elle réclame aussi un meilleur financement des organisations qui ont une approche de réduction des méfaits.
D’après le président du conseil d’administration de l’Association des intervenants en dépendance du Québec, Louis Letellier de Saint-Just, les problèmes de santé mentale, d’itinérance et de toxicomanie dans les rues de Montréal sont du « jamais vu ». « Il faut marcher régulièrement sur Sainte-Catherine, entre Saint-Laurent et Papineau, et traverser le Village. Autour du métro Berri et, plus loin, au square Cabot, au square Milton… c’est assez désolant », constate-t-il.
« Actuellement, on est dans un contexte de déjudiciarisation au Québec. Ça veut dire que l’infraction de possession simple reste entière au Code criminel. Dans un contexte de décriminalisation, ça disparaît », explique celui qui est aussi président du conseil d’administration de Cactus Montréal. Cet organisme au centre-ville de la métropole propose un site d’injection supervisée, une analyse des drogues et du matériel stérile à ses usagers.
En 2021, la Ville de Montréal avait adopté une motion et avait uni sa voix à celles de Toronto et de Vancouver pour demander à Ottawa de décriminaliser la possession simple de drogue pour utilisation personnelle.
En novembre dernier, David Lametti, alors ministre fédéral de la Justice, a annoncé l’adoption du projet de loi C-5. Et ce, dans le but d’abroger les peines minimales obligatoires (PMO) prévues auparavant dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et pour 14 infractions du Code criminel. « On s’attendait quand même à ce que le gouvernement aille de l’avant avec une véritable décriminalisation », souligne M. Letellier de Saint-Just.
Entre 2010 et 2020, les infractions liées aux drogues comptaient pour 54 % de toutes celles assorties d’une PMO pour lesquelles les contrevenants se retrouvaient derrière les barreaux, d’après le Service correctionnel du Canada.
À l’heure actuelle, seule la Colombie-Britannique dispose d’une décriminalisation pour la possession de petites quantités de certaines drogues, dans le cadre d’un projet pilote sur trois ans régi par Santé Canada.
Pour Émilie Roberge, coordonnatrice des équipes de proximité à Spectre de rue, la décriminalisation de toutes les substances permettrait de réduire la stigmatisation et l’impact de la crise de surdoses. « Ne serait-ce que pour la santé physique et psychologique des gens qui consomment, c’est sûr qu’on appuie ça », dit-elle.
« On sait que les gens vont en prendre ; que peut-on faire pour qu’ils le fassent de façon sécuritaire sans risquer leur vie chaque fois ? » plaide-t-elle. Au Québec, entre avril 2022 et mars 2023, ce sont 535 décès qui sont reliés à une intoxication suspectée aux opioïdes ou à d’autres drogues, d’après l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Une aide bienvenue
Le 21 juillet dernier, le ministre québécois responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé que 1,2 million de dollars seraient destinés à des organismes d’injection supervisée à Montréal, dans un soutien récurrent.
Chez Cactus Montréal et Spectre de rue, cet argent sera destiné à allonger les heures d’ouverture, même si on juge la mesure insuffisante pour couvrir les nécessités des personnes aux prises avec des problèmes de consommation de drogues. « Ça ne nous permet quand même pas d’avoir des services 24 heures sur 24. Ce serait un besoin. Mais c’est un bon début », explique Mme Roberge.
M. Letellier de Saint-Just espère de son côté une meilleure volonté de changer les choses à Québec, entre autres de la part des ministères de la Justice et de la Sécurité publique. Il estime notamment que le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, devrait en faire plus. En 2022, ce dernier avait évalué qu’il n’était « pas dans les plans » du gouvernement de décriminaliser les drogues. Il avait publié un avis en avril dernier dans lequel il concluait en déclarant que « la possession simple et la consommation de drogues représentent un fléau auquel il peut être nécessaire de remédier par des poursuites criminelles ».
« Ce n’est pas l’esprit de la loi fédérale. On a encore beaucoup de travail à faire auprès du ministère de la Justice et du ministère de la Sécurité publique », estime M. Letellier de Saint-Just.
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