Des fermetures sur la rue Wellington suscitent l’inquiétude
Certains commerçants de la rue Wellington ne sont plus en mesure de se payer un loyer sur la rue sacrée l’an dernier « la plus cool au monde » par le magazine Time Out. Dans les trois derniers mois, au moins quatre, appréciés des citoyens de Verdun, ont mis la clé sous la porte. Et d’autres fermetures sont à venir.
Il y a eu le restaurant Pigor en mai, puis Le Well en juin, suivi dans les derniers jours de la pâtisserie aux produits sans gluten Audacieuse Vanille et du café Lido. Pour plusieurs d’entre eux, une augmentation de loyer a joué un rôle dans la décision des propriétaires de mettre un terme à leur aventure, selon le directeur général de la Société de développement commercial (SDC) Wellington, Patrick Mainville.
D’autres entrepreneurs ont indiqué au Devoir qu’ils quitteraient prochainement leurs locaux à contrecoeur, dont Anne St-Hilaire, propriétaire du Centre La Tienda. Son agence de voyages, qui offre des services et de l’équipement axés sur les séjours de randonnée comme le chemin de Compostelle, était installée sur Wellington depuis une douzaine d’années. Face à une augmentation de loyer de 12,5 % en 2023 et une demande de hausse de près de 24 % pour 2024, elle a pris la décision de partir.
« Je me suis demandé si je continuais ou si je fermais. Je me sentais épuisée, toute seule. Ça donne un choc majeur », a raconté Mme St-Hilaire.
On fait partie du changement depuis 2011. Avec d’autres commerces, on a fait croître l’image de cette rue, et maintenant, on doit s’en aller.
Elle déménagera finalement en novembre ailleurs dans le quartier, sur la rue de Verdun. Elle déplore tout de même de devoir réinvestir dans un nouveau local, elle qui avait très récemment rénové celui de la rue Wellington. Et son ancien emplacement lui manquera.
« On fait partie du changement depuis 2011. Avec d’autres commerces, on a fait croître l’image de cette rue, et maintenant, on doit s’en aller. »
Si on se fie aux données recueillies par la SDC Wellington, la nouvelle somme qui était exigée à Mme St-Hilaire est dans la moyenne des loyers de l’artère. Maintenant piétonne durant l’été, cette dernière a été grandement revitalisée dans les dernières années, ce qui en fait une destination de plus en plus recherchée par les citoyens, les touristes et les entrepreneurs. Ainsi, les prix des locaux commerciaux sont moins accessibles qu’avant, constate Patrick Mainville. Le taux de vacance est bas, car ces lieux sont rapidement reloués.
Inquiétudes dans le quartier
Le directeur général de la SDC se dit attristé par le départ de belles boutiques comme le Centre La Tienda. Il dit surveiller l’évolution de la situation.
« On ne veut pas se rendre au point où on perdrait la vocation principale de la rue, qui est axée sur les achats de proximité », a indiqué M. Mainville, qui souhaite que des commerces indépendants puissent continuer de s’installer. Son organisation fait des efforts pour attirer une diversité de commerces, notamment avec le projet de boutique temporaire Pop-up VerdunLuv.
La députée provinciale de Verdun, la solidaire Alejandra Zaga Mendez, se dit également inquiète. Elle estime que ces fermetures ont des répercussions sur l’ensemble de la communauté.
« C’est extrêmement décevant, et c’est normal que la communauté se mobilise, car ces commerces sont au coeur de l’identité de Verdun et du dynamisme de la rue Wellington », a-t-elle déclaré. « Par exemple, la disparition d’une pâtisserie sans gluten nuit aux personnes coeliaques », a-t-elle ajouté.
Elle déplore qu’aucun cadre législatif ne protège les commerces face aux hausses de loyer. « Une fois le bail fini, on recommence la négociation à zéro. On peut changer toutes nos ententes », a expliqué Mme Zaga Mendez, soulignant que ce problème concerne également des organismes communautaires et des organismes à but non lucratif. Même son collègue Vincent Marissal, député de Rosemont, a dû déménager au printemps en raison d’une hausse de loyer de 30 %.
Des actions réclamées
La députée réclame de l’action du gouvernement provincial. « On devrait avoir un modèle standard de bail qui permettrait des normes de base », a-t-elle indiqué, mettant en avant l’idée d’un registre des baux commerciaux.
Sur les réseaux sociaux, les citoyens sont nombreux à avoir interpellé les élus et à avoir exprimé leur désarroi face à la fermeture de leurs commerces préférés. C’est en se rendant au café Lido le week-end dernier que Bianca Boyer a su qu’il vivait ses derniers jours. « Pourtant, il y avait toujours plein de monde », a-t-elle soulevé, en discussion téléphonique avec Le Devoir. Elle craint que sa rue se fasse « envahir par de grandes chaînes », citant l’arrivée d’une succursale de Poulet frit Kentucky.
Peter Simard, l’un des anciens copropriétaires du restaurant Well, estime pour sa part que Wellington, déjà, « sent le déclin ». « Ce n’est plus tellement la rue la plus cool. Ce qui fait la culture d’une rue, ce n’est pas la présence de chaînes comme PFK, Slice + Soda ou Notre-Boeuf-de-Grâce », a-t-il déploré.
M. Simard raconte qu’il était lui aussi aux prises dans les dernières années avec des hausses de loyer et des relations compliquées avec le propriétaire. Mais c’est surtout la « perte de charisme » de la rue qui a fait qu’il a préféré concentrer ses efforts sur un autre projet, le café Monk, dans Ville-Émard. Et ce, même si le boulevard Monk n’a pas encore récolté de reconnaissance internationale.