Alcool et anxiété, un «cercle vicieux»

Depuis plusieurs années, des études indiquent que la sensibilité à l’anxiété augmente le risque de consommation abusive d’alcool. Mais boire pour vaincre cette angoisse « renforce » les attentes à l’égard de la substance, ce qui entraîne les jeunes adultes dans un « cercle vicieux ».
« Si vous pensez que l’alcool vous aidera à vous sentir moins anxieux, vous boirez, vous vous sentirez temporairement mieux, et cela vous incitera à boire davantage », résume la doctorante en psychologie Charlotte Corran, qui a coécrit l’étude.
Les jeunes « ayant une forte sensibilité à l’anxiété boivent pour des raisons très diverses, et cela les met encore plus en danger ». Pour mieux comprendre ces « raisons » et les « problèmes [de consommation] à long terme », Mme Corran a suivi pendant un an près de 200 élèves en dernière année de cégep.
Les étudiants ont rempli trois questionnaires, à six mois d’intervalle, pour mesurer leur sensibilité à l’anxiété (« la peur d’éprouver des symptômes anxieux et la croyance qu’ils auront des conséquences négatives »), leurs motifs de consommation (pour « se détendre », ou parce que c’est « amusant »), leurs attentes à l’égard de l’alcool (être « détendu », « sociable », ou « plus courageux ») ainsi que la fréquence de leur consommation.
Non seulement les motifs de consommation se renforcent mutuellement, mais ils sont en règle générale, « associés à des problèmes d’alcool ».
Les leviers de consommation peuvent toutefois varier selon les occasions, nuance la chercheuse, qui précise que le lien entre la sensibilité à l’anxiété et la consommation d’alcool a déjà fait l’objet de nombreuses recherches. L’originalité de cette nouvelle étude tient notamment dans l’analyse à long terme.
« Notre recherche appuie ce que nous savons déjà sur les risques liés à la consommation d’alcool, mais elle ajoute des preuves supplémentaires au fait que les gens boivent pour des raisons particulières », indique la chercheuse, pour qui le fait de consommer de l’alcool pour faire face à certaines situations constitue une « approche risquée ».
Nous savons que la consommation d’alcool […] atteint son apogée au début de l’âge adulte.
Un constat qui semble s’être concrétisé pendant la pandémie. Les personnes qui ont réduit leur consommation d’alcool seraient principalement « celles qui buvaient pour renforcer des émotions positives ou de manière sociale », explique la chercheuse du Laboratoire sur les jeunes adultes et l’alcool de l’Université Concordia. « Alors que ceux qui sont très anxieux boivent en réalité plus. »
Mieux cibler la thérapie
Si aucun suivi individuel n’a été mené auprès des participants, les résultats de l’étude « aident à informer », et permettront de mieux « cibler » les thérapies, estime la scientifique, qui a été supervisée par la professeure de psychologie Roisin O’Connor. C’est « une bonne tranche d’âge pour intervenir et prévenir le développement de problèmes à long terme ».
« Nous savons que la consommation d’alcool […] atteint son apogée au début de l’âge adulte », explique Mme Corran. Et à cette période, une « consommation excessive […] peut causer une série de problèmes et augmenter le risque d’abus d’alcool à long terme », est-il écrit dans l’étude.
Pour mieux comprendre comment « ces risques se manifestent à plus long terme », le Laboratoire de recherche sur les jeunes adultes et l’alcool prépare une nouvelle étude, qui suivra des étudiants au long de leur parcours scolaire.
Ce contenu est réalisé en collaboration avec l’Université Concordia.