Incertitude quant à l’avenir d’une coop d’habitation au monastère du Bon-Pasteur

Amélie Escobar et Alba Escobar, deux locataires de la coopérative d’habitation Sourire à la vie, qui a été la proie des flammes la semaine dernière
Jacques Nadeau Le Devoir Amélie Escobar et Alba Escobar, deux locataires de la coopérative d’habitation Sourire à la vie, qui a été la proie des flammes la semaine dernière

L’incertitude règne quant à l’avenir d’une coopérative d’habitation créée au milieu des années 1980 pour offrir un toit abordable à des dizaines de locataires. Ces derniers ignorent s’ils pourront un jour réintégrer leur logement abîmé par l’incendie qui a endommagé le monastère du Bon-Pasteur jeudi dernier.

« Les deux, trois premiers jours [après l’incendie], c’était le coup. Je ne pouvais pas fonctionner et je me suis dit : j’étais dans le ciel et je suis tombée en enfer », confie Alba Escobar, l’une des membres fondatrices de la coop d’habitation Sourire à la vie, créée en 1986.

La coopérative de 27 logements se trouvait dans un bâtiment adjacent à la chapelle du Bon-Pasteur, devant laquelle Le Devoir a rencontré jeudi Mme Escobar, qui n’a pu réprimer des larmes en regardant le toit calciné du monastère. « À l’intérieur, c’était merveilleux », raconte celle qui espère pouvoir un jour réintégrer le bâtiment patrimonial, où elle a forgé de nombreuses amitiés au fil des années.

Depuis l’incendie du 25 mai, les locataires de la coopérative, qui proposait des loyers abordables et plusieurs logements de grande taille, sont dans l’impasse.

Certains d’entre eux sont logés temporairement à l’hôtel, tandis que les autres ont trouvé refuge chez des proches ou des amis. Mais aucun d’entre eux n’a encore déniché un logement permanent où demeurer le temps que la reconstruction du bâtiment de l’arrondissement de Ville-Marie soit terminée. Or, celle-ci pourrait prendre plusieurs années, appréhendent plusieurs locataires.

« On priorise nos membres qui sont les plus vulnérables pour les reloger, mais pour l’instant, il n’y a pas encore de conclusion positive », soupire Amélie Escobar, qui se présente comme la porte-parole de cette coopérative, où elle demeurait depuis huit ans avant que cet incendie bouleverse son quotidien.

Les locataires de cette coopérative payaient des loyers abordables par rapport à la moyenne du marché. Pascale Huberty, par exemple, déboursait 831 $ par mois pour un appartement de deux chambres à coucher qu’elle occupait depuis sept ans avec sa fille et son mari. La famille demeure actuellement dans l’appartement d’un proche en attendant de dénicher un logement à la hauteur de ses moyens financiers.

« Une chance que j’ai une amie qui m’a offert une chambre », indique Alba Escobar, qui demeure entre-temps chez son fils. L’octogénaire compte parmi les locataires âgés de la coopérative qui appréhendent la recherche d’un appartement dans ce secteur dorénavant dispendieux du coeur de la métropole, où elle s’est bâti une nouvelle vie il y a près de 40 ans après avoir quitté son pays d’origine, l’Argentine. « C’était ma maison », soupire-t-elle.

La Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ) indique pour sa part avoir déniché depuis vendredi 25 logements disponibles dans ses efforts pour aider la coop Sourire à la vie. Ils ne répondent toutefois pas tous aux besoins des locataires de l’organisme, précise le directeur général de la FHCQ, Patrick Préville. « Mais ce sont quand même des coops de qualité », ajoute le gestionnaire, qui indique que « la majorité » de celles-ci sont situées dans la grande région de Montréal.

En plus de la coopérative Sourire à la vie, la résidence pour aînés Aurélie-Cadotte, qui compte 38 logements, a aussi été touchée par cet incendie. Tous ses locataires ont dû être évacués. « Il y en a beaucoup qui sont en panique parce qu’ils sont devant une incertitude totale. Ils ne savent pas où aller », relève la gestionnaire des lieux, Matilde Fraga, qui multiplie les appels pour tenter de trouver des logements à ses anciens locataires.

Un avenir incertain

 

Amélie Escobar s’inquiète d’ailleurs de la perspective que la coop d’habitation Sourire à la vie ne puisse pas réintégrer le monastère du Bon-Pasteur au terme de sa reconstruction.

Depuis sa création, l’organisme dispose d’un bail emphytéotique avec la Ville qui lui permet d’occuper les lieux à un prix avantageux, et ainsi d’être en mesure d’offrir des logements abordables à ses résidents. Or, « est-ce que la vocation initiale du site sera conservée après la reconstruction ou pas ? On ne le sait pas », soulève la locataire.

« On veut une coop, qu’il n’y ait pas des entrepreneurs qui construisent des condos à 3000 $ par mois », lance Pascale Huberty, qui entend « se battre » pour éviter qu’une telle situation se produise.

En entrevue au Devoir jeudi, le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, a réitéré l’importance de reconstruire le monastère du Bon-Pasteur, qui a une riche valeur patrimoniale. Le gouvernement Legault ne s’engage toutefois pas à aider les organismes qui logeaient dans ce bâtiment à réintégrer les lieux au terme de ce chantier. « On est en train d’évaluer l’ampleur des dégâts. Il faut aussi évaluer les coûts de reconstruction, parce qu’on parle quand même d’argent public. Et ensuite, ce sera des questions [le maintien d’une coopérative et d’une résidence de personnes âgées] sur lesquelles on pourra se pencher. »

« Mais c’est certain qu’avec la Ville de Montréal, on a cette volonté conjointe de pouvoir reconstruire. Est-ce que ce sera nécessairement identique à l’ancien ? Par définition, je pense que c’est impossible. Mais sur le fond, il y a cet engagement que ça reste un bâtiment d’utilité publique et qu’on puisse sauver ce qu’il y a à sauver », a déclaré M. Lacombe.

Avec Étienne Paré



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