Enquête sur des allégations de favoritisme entre Rivière-du-Loup et un promoteur immobilier

Le chantier de Medway, baptisé Complexe Santé Rivière-du-Loup, prévoit 136 « condos locatifs » et un espace commercial de plus de 7400 mètres carrés.
Site Internet de Medway Le chantier de Medway, baptisé Complexe Santé Rivière-du-Loup, prévoit 136 « condos locatifs » et un espace commercial de plus de 7400 mètres carrés.

La Commission municipale du Québec (CMQ) enquête sur la proximité présumée de l’administration de Rivière-du-Loup avec l’entreprise immobilière Medway, instigatrice d’un ambitieux chantier de neuf étages au centre-ville qui crée des remous dans la localité du Bas-Saint-Laurent.

« Nous cherchons à savoir s’il y a eu un manquement déontologique ou un acte répréhensible commis ou sur le point de l’être », explique Isabelle Rivoal, porte-parole de la CMQ.

En avril, un reportage du média coopératif Pivot soulignait, demandes d’accès à l’information à l’appui, la connivence de certains responsables municipaux avec l’entreprise dans l’élaboration d’un plan particulier d’urbanisme (PPU) pour le centre-ville, à l’endroit même où l’immeuble promu par Medway est en voie de voir le jour.

L’ancien schéma d’aménagement limitait l’usage à des habitations d’au maximum 12 logements dans ce secteur. Le chantier de Medway, baptisé Complexe Santé Rivière-du-Loup et chiffré à 65 millions de dollars, prévoit aujourd’hui 136 « condos locatifs » et un espace commercial totalisant plus de 7400 mètres carrés.

« Ce PPU a presque été concocté par la Ville et Medway pour satisfaire aux exigences de ce dernier, déplore Pierre Landry, président de l’organisme Rivière-du-Loup en éveil, fortement mobilisé contre la réalisation de l’immeuble. Il y a eu des échanges constants entre l’administration et l’entreprise : la Ville informait le promoteur de tout ce qui se déroulait dans la ville, allant même jusqu’à partager l’identité des opposants au projet et l’endroit où ils tenaient leur assemblée. »

L’article de Pivot allègue que le directeur des communications de la Ville aurait aussi participé à la mise en valeur du développement immobilier dans les médias locaux pour préparer « l’opinion publique favorablement. »

Un chantier contesté

L’édifice s’attire les louanges d’une partie de la population de Rivière-du-Loup qui défend l’importance économique de l’ambitieux chantier. Le développement immobilier soulève aussi la grogne de son voisinage, qui déplore que sa construction ait nécessité la démolition de deux immeubles et le déménagement d’une maison patrimoniale bâtie en 1940.

« Ça n’a aucun sens », regrette Pierre Landry. Surtout que la Ville rêvait autrefois d’ériger à ce même endroit un écoquartier « qui aurait été beaucoup plus logique » à ses yeux.

« Nous avons défiguré complètement un petit quartier résidentiel à la faveur d’un édifice de neuf étages et de 400 espaces de stationnement, juste à proximité de la nouvelle maison des aînés qui comporte elle aussi 150 stationnements, regrette le Louperivois. Ce sont donc 550 stationnements qui s’ajoutent sur une petite rue, grande comme la rue Mentana à Montréal. »

Pierre Landry reproche à la Ville d’avoir mené des consultations « bidon » en amont du chantier. « C’était excessivement frustrant de voir que la Ville, donc nos employés supposément à notre service, ne s’intéressait pas du tout à nos propositions. »

La Ville collabore à l’enquête

Rivière-du-Loup en éveil se réjouit de voir « une enquête indépendante » se pencher sur le dossier.

« Notre investigation porte grosso modo sur l’existence ou non de favoritisme de la part d’employés ou d’élus à l’endroit de l’entreprise en question », précise Isabelle Rivoal de la CMQ. L’enquête devrait se conclure d’ici « quelques semaines » et si elle trouve d’éventuels coupables, ceux-ci s’exposent à différentes peines, allant de la simple réprimande jusqu’à la suspension.

La Ville de Rivière-du-Loup avait elle-même déclenché une enquête dans la foulée du reportage mettant en cause certains de ses responsables. Par voie de communiqué, mardi, elle a indiqué mettre un terme à cette démarche « afin de laisser le champ entièrement libre aux enquêteurs » de la CMQ, à qui la Ville promet sa « pleine collaboration. »

« Je réitère ma pleine confiance envers l’équipe municipale ; nous pouvons compter sur des gens dévoués et compétents, a insisté le maire de Rivière-du-Loup, Mario Bastille. On veut démontrer que toutes les personnes qui ont gravité de près ou de loin autour de ce dossier ont toujours été de bonne foi. »

Dans un communiqué transmis jeudi au Devoir, Medway dit voir « d’un bon oeil l’enquête de la Commission municipale du Québec » et assure qu’elle « offrira sa pleine et entière collaboration à l’enquête, si elle est interpellée à cet effet. »

Medway, une entreprise de Lévis surtout active dans la région de Québec, se présente comme « un gestionnaire de cliniques médicales et un promoteur immobilier spécialisé dans le domaine de la santé ». Elle revendique plus de 16 complexes de santé bâtis ou en voie de l’être, quelque 170 médecins de famille et spécialistes et 137 employés.

À voir en vidéo