La crise du logement s’invite à Venise

Le pavillon du Canada
AAHA montage Le Devoir Le pavillon du Canada

La crise du logement s’invite dans le pavillon canadien de la 18e exposition internationale d’architecture de la Biennale de Venise, à l’initiative d’un collectif engagé à proposer des solutions à ce problème qui n’a pas de frontières.

Le collectif Architects Against Housing Alienation est né en 2021 du désir de six architectes, d’artistes et de professeurs oeuvrant en Colombie-Britannique et en Ontario d’unir leurs forces pour rédiger une candidature commune à cette exposition d’envergure. Celle-ci compte chaque année plus de 100 participants étrangers et attire quelque 300 000 visiteurs.

« On voulait utiliser cette chance-là pour voir si on pouvait attirer plus d’attention sur la situation du logement au Canada », explique au Devoir la professeure à l’École d’architecture de l’Université de la Colombie-Britannique Sara Stevens, jointe à Venise mercredi.

Le groupe a ainsi créé la campagne Pas à vendre !, qui a été soumise au Conseil des arts du Canada (CAC), responsable d’orchestrer la participation du pays à la Biennale de Venise, qui se déroule cette année du 20 mai au 26 novembre. Après une série de démarches qui ont permis au projet de se retrouver sur la liste courte des initiatives candidates à cette prestigieuse exposition, le jury de l’organisme a tranché en faveur de celui-ci.

« Quelque chose qui nous intéressait, c’est que c’était un travail proposé par un collectif, pas un seul architecte ou une seule firme d’architectes, vraiment un collectif qui amène des perspectives autant autochtones que non autochtones », certains membres de ce groupe étant issus des Premières Nations, relève le directeur général du CAC, Simon Brault. Le jury a aussi été séduit par le thème choisi, au moment où la crise du logement est « une problématique qui est très importante au Canada, mais je dirais aussi à l’échelle internationale », relève-t-il.

Des solutions

Le pavillon du Canada était d’ailleurs fin prêt mercredi. À son entrée, de grandes photos montrent notamment des campements de fortune, devenus un synonyme de la crise du logement d’abord à Toronto puis, plus récemment, à Montréal. Un grand mural est d’ailleurs recouvert d’un cliché agrandi pris durant une manifestation pour le droit au logement tenue à la place Émilie-Gamelin, au centre-ville de la métropole québécoise.

À l’intérieur du pavillon se trouve le résultat de 10 projets menés par autant d’équipes formées à différents endroits au pays qui ont chacune proposé une solution à la crise du logement. Parmi celles-ci, on compte l’idée de demander aux villes d’aménager des logements sociaux dans leurs bâtiments excédentaires, ou encore celle de prioriser l’aménagement de logements communautaires dans les secteurs centraux et denses, plutôt qu’en périphérie comme c’est souvent le cas.

C’est vraiment toute cette idée que le pavillon va être un lieu d’exposition, mais aussi un laboratoire d’idées

 

Ces équipes sont composées non seulement d’architectes, mais aussi de militants et de représentants de groupes communautaires, dont certains sont basés à Montréal. « On voulait que les architectes trouvent un moyen de travailler avec les activistes, les gens qui sont vraiment sur le terrain pour aider les gens qui sont touchés par le manque de logements ou de logements sociaux », explique Sara Stevens.

Les visiteurs peuvent ainsi déambuler dans le pavillon et en apprendre davantage sur les différentes solutions à la crise du logement proposées par ces groupes, tandis que des films bien documentés portant sur ce thème seront présentés sur le site. Des manifestes seront aussi distribués aux passants qui viendront visiter le pavillon, dans un effort de sensibilisation à la réalité du marché immobilier au Canada. « On veut vraiment que cette campagne devienne un mouvement », lance Mme Stevens, qui espère qu’au terme de cette exposition, le collectif ainsi créé contribuera à ce que des projets de logements destinés aux moins nantis « sortent de terre ». « On veut du changement politique, que ce soit mobilisateur », poursuit-elle.

Des étudiants mobilisés

Une quinzaine d’étudiants de l’Université de la Colombie-Britannique seront d’ailleurs présents dans ce pavillon pendant les trois premiers mois de l’exposition afin d’accompagner certains membres du comité organisateur de ce projet. Des étudiants de l’Université de Waterloo prendront ensuite le relais jusqu’à la fin de cette exposition d’une durée de six mois. Les membres du collectif ont d’ailleurs aménagé « de toutes pièces » une mezzanine en bois où des tables de travail et des ordinateurs ont été installés pour que les étudiants puissent « y travailler et réfléchir pendant l’été », indique Simon Brault.

« Donc c’est vraiment toute cette idée que le pavillon va être un lieu d’exposition, mais aussi un laboratoire d’idées », qui a séduit le Conseil des arts du Canada, relève son directeur général sortant. L’exposition internationale d’architecture se veut cette année, par le thème choisi par les organisateurs, un « laboratoire du futur » incitant à des projets qui sortent du cadre habituel de l’événement.

« On est beaucoup plus dans une biennale qui discute d’enjeux sociaux et politiques » par rapport aux années précédentes, constate M. Brault. Ainsi, la crise climatique, le développement durable et la guerre en Ukraine sont certains thèmes qui seront abordés par divers participants pendant cette biennale plus engagée que jamais.

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