Un projet sur l’exploitation sexuelle des jeunes fait par et pour les adolescents

Selon les adolescents consultés, il faut davantage axer le message sur la condamnation des actes commis, comme la sextorsion et la diffusion de photos intimes.
Getty Images / iStockphoto Selon les adolescents consultés, il faut davantage axer le message sur la condamnation des actes commis, comme la sextorsion et la diffusion de photos intimes.

Comme des adolescents grandissent le cellulaire à la main, les parents s’inquiètent qu’ils soient victimes d’exploitation sexuelle, surtout en ligne. Comment la prévenir ? À cela, le Bureau international des droits des enfants répond : pourquoi ne pas le leur demander ? Le projet Parole aux jeunes a fait exactement cela, et les jeunes ont formulé une série de recommandations destinées à s’attaquer à ce fléau.

Arrêtez de nous infantiliser avec des campagnes de sensibilisation qui utilisent du langage qui se veut « cool », disent-ils, laissant entendre qu’il ne l’est certainement pas. Ne visez pas non plus seulement les victimes : il faut davantage axer le message sur la condamnation des actes commis, comme la sextorsion et la diffusion de photos intimes, nous disent ces adolescents, qui comprennent que tout le monde a un rôle à jouer pour que les inconduites cessent.

Ce projet de plus de deux ans va bien sûr aider ce que les campagnes de prévention de l’exploitation sexuelle soient mieux ciblées, mais il y a quelque chose d’autre d’extrêmement important : « on n’écoute pas les jeunes quand ça les concerne », soutient Geneviève Trépanier, chargée du projet Parole aux jeunes au Bureau international des droits des enfants.

C’est vraiment un enjeu de société, souligne-t-elle. Il faut écouter ces « experts de l’adolescence » et de ses « codes culturels ».

Pendant un an, cinq groupes de jeunes d’écoles secondaires et de groupes communautaires ont échangé sur la violence et l’exploitation sexuelles. Ils ont aussi reçu de la formation sur des notions telles que l’âge du consentement pour alimenter leurs discussions lors d’ateliers. Puis, ces quelque 70 adolescents de 14 à 17 ans ont élaboré des projets qui font état de leurs constats et des moyens de mieux prévenir l’exploitation qu’ils recommandent afin d’influencer les stratégies de prévention, projets qui ont pris la forme de capsules vidéo, de balados ou encore de tableaux mosaïques, a détaillé Julie Dénommée, directrice des programmes et de l’apprentissage au sein du Bureau, une organisation non gouvernementale internationale canadienne.

Par exemple, un groupe a créé une vidéo sur la diffusion de photos montrant une personne nue ou des parties intimes, et un autre a réalisé un balado sous forme de questions-réponses qui se penche sur diverses formes d’exploitation sexuelle.

L’idée n’était pas de recueillir des témoignages de victimes d’exploitation : les adolescents qui ont participé au projet y ont été invités parce qu’ils sont « partie prenante de cet enjeu contemporain ». Ils ont ainsi exprimé le désir de voir « plus de représentation » dans la prévention, c’est-à-dire qu’ils souhaitent de la diversité culturelle et sexuelle.

Des experts à part entière

Les jeunes ont aussi parlé d’aborder les « signaux d’alarme » de l’exploitation sexuelle, comme la manipulation, l’abus de confiance et de pouvoir. Experts des réseaux sociaux, ils ont expliqué la nécessité d’utiliser différentes cibles et différents médiums : Instagram pour les jeunes, Facebook pour les parents. Ils souhaitent voir un langage simple, plus proche de la réalité. Les campagnes de prévention qui montrent des « cas extrêmes » d’abus manquent la cible, disent-ils, car la réalité est plus subtile. Et la prévention va fonctionner si les jeunes se reconnaissent, soulignent-ils.

« On préfère les campagnes qui offrent des ressources et des outils. Valoriser le fait d’en parler et de s’appuyer sur les autres. Les témoignages nous font sentir compris. Il faut que toutes les campagnes aient cet effet. Il faut que le message soit rassurant pour les victimes, qu’elles ne se sentent pas stupides », rappelle le groupe de l’école secondaire des Patriotes, à Saint-Eustache.

Quant à la nécessité de cibler aussi les agresseurs — ceux qui font de la sextorsion, par exemple —, il est ressorti des échanges qu’eux aussi doivent être éduqués, a rapporté Mme Trépanier : « Il y avait quelque chose de très beau là-dedans. Il y a de l’espoir. »

L’événement de clôture de ce projet a eu lieu jeudi soir à Montréal. Les décideurs seront présents — comme des responsables au sein des ministères de l’Éducation et de la Sécurité publique —, histoire de les convaincre d’écouter ce que les jeunes ont à dire sur le sujet. Et pour qu’à l’avenir, ils soient davantage impliqués.

« Ils veulent être proactifs et participer », a souligné Mme Dénommée. Quand on les implique, ils embarquent : ils veulent l’espace, participer, construire, et cela va au-delà du sujet de l’exploitation sexuelle. Certains ont créé des projets dans leur école par la suite, et ont même organisé des conférences. Pour elle, il est d’ailleurs surprenant que les jeunes n’aient pas été impliqués lors de la confection du récent projet de loi visant à mieux encadrer le travail des enfants.

« C’est incontournable de les consulter », promet-elle de continuer à répéter.

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