Allers-retours inattendus entre les CHSLD et les maisons des aînés

Lancées en 2018 par le gouvernement de la Coalition avenir Québec, les maisons des aînés ont comme but d’offrir un modèle d’hébergement plus humain aux aînés, alors que les CHSLD se rapprochent du modèle des hôpitaux.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Lancées en 2018 par le gouvernement de la Coalition avenir Québec, les maisons des aînés ont comme but d’offrir un modèle d’hébergement plus humain aux aînés, alors que les CHSLD se rapprochent du modèle des hôpitaux.

Faute de pouvoir installer de nouveaux pensionnaires dans les maisons des aînés, plusieurs régions s’en servent pour héberger des résidents de CHSLD en cours de rénovation.

La maison des aînés de Saint-Étienne-de-Lauzon, à Lévis, a été inaugurée en février, mais en raison de la pénurie de main-d’oeuvre, la majorité de ses jolies chambres aux grandes fenêtres sont toujours vides ; seulement 24 de ses 120 places sont occupées. Les autorités locales de la santé lui ont dès lors trouvé une étonnante vocation.

À la fin mai, 48 pensionnaires du CHSLD de Sainte-Hénédine viendront s’y installer pendant que des travaux seront réalisés dans leur résidence ; il est prévu que leur séjour durera de 12 à 18 mois. À l’automne, ce sera au tour de 33 résidents du CHSLD de Saint-Isidore d’y séjourner lors de rénovations. Et puisque le personnel suit les pensionnaires, cela pallie temporairement le manque de main-d’oeuvre à la maison des aînés.

Pendant ce temps-là, une autre maison des aînés de Chaudière-Appalaches — celle de Black Lake — accueillera trois vagues de résidents du CHSLD Denis-Marcotte pour une durée de neuf mois chacune.

« L’objectif, c’est de créer de nouvelles places, mais nos maisons [des aînés] sont prêtes et on n’a pas le personnel pour combler toutes les places. Alors, pourquoi pas ? » résume Chantal Caron, directrice de l’hébergement au CISSS régional.

Auparavant, les travaux dans les CHSLD se faisaient par phases. Les résidents restaient alors sur place pendant le chantier ou, dans certains cas, on les transférait dans d’autres résidences. Or, la conjoncture permet au CISSS de Chaudière-Appalaches de procéder autrement. « On fait les travaux, ça dure moins longtemps, nos résidents sont moins dérangés et, ensuite, on les ramène. »

Elle s’attend d’ailleurs à ce que les travaux au CHSLD de Sainte-Hénédine durent deux fois moins longtemps qu’à l’habitude grâce à cette mesure.

Même chose ailleurs au Québec

 

Le Devoir a découvert que cette pratique était très répandue. Les autorités de santé de la Capitale-Nationale, des Laurentides, de Lanaudière, de l’Outaouais et de l’Estrie ont toutes fait la même chose ou s’y préparent.

S’agirait-il d’une directive du ministère de la Santé ? Mme Caron affirme que non et qu’elle n’était pas au courant que d’autres régions faisaient la même chose lors de son entrevue avec Le Devoir la semaine dernière. Elle assure aussi que les travaux dans les CHSLD étaient « déjà prévus » et qu’ils n’ont pas été devancés.

De l’autre côté du fleuve, à Québec et non loin de Portneuf, trois nouvelles maisons des aînés accueilleront 156 personnes de cette façon au cours des prochains mois.

En Estrie, le CISSS local a confirmé que c’était « une stratégie prévue pour certaines maisons des aînés et alternatives », mais qu’on ne savait pas quand elle serait déployée. En Outaouais, 44 des 144 places créées en maisons des aînés et alternatives seront occupées par des patients relogés afin de permettre la rénovation d’un CHSLD existant, explique le CISSS.

Dans Lanaudière, les nouvelles maisons des aînés de Mascouche, de Repentigny et de l'Assomption doivent servir de point de chute aux résidents du CHSLD Alphonse-Rondeau et du Centre multiservice Claude-David, qui seront tous deux en chantier cet automne. 

Enfin, dans les Laurentides, la maison des aînés de Sainte-Agathe-des-Monts accueillera les résidents du CHSLD de Mont-Tremblant pendant que des travaux y seront effectués.

Rester ou déménager encore ?

 

Lorsque le chantier prendra fin, les résidents du CHSLD de Mont-Tremblant « auront la possibilité » de demeurer dans la maison des aînés de Sainte-Agathe-des-Monts si « tel est leur souhait », a précisé la porte-parole, Mélanie Laroche.

À Lévis, c’est moins clair. Ce sera possible « à la limite », a signalé la directrice de l’hébergement, Chantal Caron. « Notre objectif, c’est de retourner les gens dans leur centre d’hébergement après, dit-elle, mais ils vont avoir le loisir de rester s’ils le souhaitent ».

Tout laisse cependant croire que certains aînés voudront retourner dans leur CHSLD d’origine, souvent situé plus près des membres de leur famille. Radio-Canada rapportait la semaine dernière que l’annonce du déplacement prochain des pensionnaires de Saint-Isidore mettait en colère certains de leurs proches — une trentaine de kilomètres séparent les deux établissements.

Lancées en 2018 par le gouvernement de la Coalition avenir Québec, les maisons des aînés ont comme but d’offrir un modèle d’hébergement plus humain aux aînés, alors que les CHSLD se rapprochent du modèle des hôpitaux.

Les maisons des aînés consistent en des unités de 12 personnes, et qui sont similaires à des maisons avec des chambres individuelles et de vastes espaces communs bien éclairés. La ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, a déjà exprimé son souhait de convertir tous les CHSLD en maisons des aînés.

Dans ce contexte, les transferts de patients et d’équipes d’un lieu à l’autre permettent, en quelque sorte, d’« implanter » la culture des maisons des aînés dans les CHSLD, souligne Mme Caron.

La course au personnel se poursuit

 

Chose certaine, cette période transitoire donne un peu plus de temps aux gestionnaires à la recherche de personnel pour les maisons des aînés. Un défi titanesque puisqu’elles ont besoin davantage d’employés que les CHSLD.

« Ça fait plus de monde à aller chercher, mais pour nos résidents, c’est tellement un “plus” », souligne Mme Caron. Lorsqu’elle sera au maximum de sa capacité, la maison des aînés de Saint-Étienne aura besoin de 280 employés pour s’occuper de ses 120 résidents ; pour l’heure, il lui en manque 205.

La directrice des soins espère les trouver « d’ici la fin de l’année ». Le CISSS de Chaudière-Appalaches tient des journées portes ouvertes et intègre dans ses équipes d’aspirants préposés pendant leurs études pour y parvenir. Des préposés aux bénéficiaires ont déjà été recrutés en Tunisie, et des missions à l’étranger sont en cours afin de trouver des infirmières.

Quelque 496 personnes sont sur la liste d’attente pour une place en CHSLD dans la région. À l’échelle du Québec, on en recense 4168.
 


Correction: Une version antérieure de cet article avançait à tort que cette façon de faire serait implantée aussi à Laval, ce qui portait à confusion. Dans cette région, puisque les travaux en CHSLD sont encore réalisés par phases, les résidents ont toujours la possibilité de rester dans leur installation, mais on leur offre désormais l’option déménager dans la nouvelle Maison des Aînés durant les travaux et d’y demeurer par la suite. Par ailleurs, dans le cas de Lanaudière, les résidents ne seront pas transférés à la maison des aînés Saint-Charles-Borromée, mais dans les MDA de Mascouche, de Repentigny et de L'Assomption.

 

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