Pourquoi Charles a choisi une quiche aux épinards et autres symboles verts

Par les symboles qu’il met de l’avant, Charles III semble vouloir établir sa marque de commerce comme un roi qui se préoccupe de l’environnement et de l’écologie.
Photo: Henry Nicholls Associated Press Par les symboles qu’il met de l’avant, Charles III semble vouloir établir sa marque de commerce comme un roi qui se préoccupe de l’environnement et de l’écologie.

Une banale quiche aux épinards comme mets signature d’un couronnement royal ? Des invitations sur carton recyclé aux allures d’ode à la flore et à l’environnement ? Une huile d’onction « sans cruauté animale » ? Les symboles sont depuis toujours utilisés pour consolider et porter le pouvoir royal, et sont manifestement encore au premier plan d’un couronnement version 2023, avec un monarque qui semble vouloir éviter la controverse, et surtout, d’apparaître déconnecté de son peuple.

Charles III revêt ses habits de roi à une époque où l’indignation est servie au quotidien et où un scandale n’attend pas l’autre sur les réseaux sociaux.

Pour redorer l’image d’une monarchie écorchée dont l’utilité a été remise en question bien avant son accession au trône, Charles III donne l’impression d’avoir pensé chaque fragment d’un couronnement sans trop de faste, où le recyclage et l’environnement sont à l’honneur.

Il y a une grande attention au détail, une recherche de « l’équilibre entre des traditions vieilles de plusieurs siècles, mais avec une touche moderne », a résumé l’historienne spécialiste de la royauté Carolyn Harris.

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Il y aura beaucoup moins d’invités que lors du couronnement de sa mère, la reine Élisabeth II — il en comptait 8000, alors que le roi n’a invité que 2200 personnes —, une procession moins longue, moins d’aristocrates dans ses rangs et plus de diversité, note-t-elle. En 1953, c’était « une célébration de l’élite britannique ».

Mais le 6 mai prochain, la cérémonie se voudra « une célébration pour le peuple ».

Il y a aussi cet effort d’éviter le faste pour ne pas paraître déconnecté du peuple, note l’historienne et autrice, qui enseigne également à l’Université de Toronto et à l’Université Queen’s.

Si la tradition pour la reine est de commander une nouvelle couronne aux orfèvres, la reine consort Camilla a choisi d’en « réutiliser une » qui a appartenu à la reine Mary. Cette décision lui permet aussi d’éviter la couronne dite « de la reine mère », sertie du gigantesque mais controversé diamant Koh-i-Noor, maintes fois réclamé par l’Inde.

Le mets du couronnement, une modeste quiche aux épinards et aux fèves, est un repas peu dispendieux, que pourront se permettre les citoyens qui peinent à se nourrir avec l’inflation rampante. La reine Élisabeth II avait mis à la mode le coronation chicken, devenu depuis un incontournable de la cuisine britannique.
 


« Il y a eu des critiques des monarques dans le passé qui ont été jugés trop extravagants », explique Mme Harris. Le roi George IV a porté un somptueux manteau de couronnement semblable à celui de l’empereur Napoléon et a organisé un banquet extravagant qui a coûté l’équivalent d’un million de livres d’aujourd’hui. Mais son successeur, William IV, a renversé la tendance avec des célébrations modestes — ce qui lui a valu le surnom de « roi à moitié couronné », dit-elle.

« Il s’agit vraiment de trouver un équilibre. »

Mais pour Brian Cowan, professeur d’histoire à l’Université McGill, même si le monarque veut donner l’impression d’être frugal, c’est peine perdue.

« Cela ne va pas fonctionner, s’est-il exclamé en entrevue. Les cérémonies royales sont par nature magnifiques et font l’étalage de splendeur. Elles sont censées être comme cela. »

Et puis, avance-t-il, cette frugalité affichée « sert probablement à faire dévier les questions sur l’accumulation de richesse par la famille royale » et les exemptions fiscales dont elle bénéficie.

Un roi écolo

 

Par les symboles qu’il met en avant, Charles III semble vouloir établir sa marque de commerce en se positionnant comme un roi qui se préoccupe de l’environnement et de l’écologie. Cela ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui : en 1970, il y a plus de 50 ans, il a livré un message dans lequel il s’inquiétait de la quantité de déchets polluant l’environnement et dénonçait l’usage du plastique.

Sur le carton d’invitation au couronnement, il a laissé tomber les symboles monarchiques usuels — le sceptre et l’orbe, utilisés notamment par sa mère —, perçus par plusieurs comme un rappel du joug de l’autorité et de l’asservissement. Il a plutôt opté pour un élégant déploiement floral ayant pour figure centrale « l’homme vert », un ancien personnage folklorique qui personnifie la nature et le renouveau du printemps, a signalé le palais de Buckingham. Les invitations ont aussi été imprimées sur du carton recyclé.
 


De plus, « dans l’intérêt du développement durable », Leurs Majestés ont choisi de réutiliser des chaises cérémoniales ayant servi dans des couronnements précédents, écrit le palais, en montrant la photo d’un artisan occupé à les restaurer. Idem pour les manteaux cérémonials du roi, qui ont déjà été portés : un respect de la tradition, sans gaspillage.
 


« Tout cela a pour objet de projeter l’image d’une monarchie soucieuse de l’environnement », note le professeur Cowan. « Les monarques sont bien au fait de leur rôle de relations publiques. C’est leur travail, en fait », a-t-il ajouté.

La protection des animaux a aussi été source de préoccupations : la quiche a été choisie notamment parce qu’il s’agit d’un mets pouvant être légèrement modifié pour être végétarien ou même végétalien.

Et pour la première fois de l’histoire, l’huile bénite servant à l’onction sera « sans produit animal ». Habituellement, on y trouvait de l’ambre gris issu d’intestins de baleine ou encore de glandes de civette. Il reste à voir si les manteaux de couronnement arboreront ou pas l’habituelle cape d’hermine, puisque la fourrure est aussi la cible de groupes de défense des droits des animaux.

Pour le roi Charles III, « il y a ce désir d’éviter la controverse, mais aussi de refléter ses valeurs, comme la protection de l’environnement et de la biodiversité », explique Mme Harris.

« Les membres de la royauté vont demeurer pertinents en étant engagés sur des sujets qui transcendent le cycle politique », les monarques restant habituellement en poste bien plus longtemps que les premiers ministres. « Et ils pensent en fonction des générations à venir. 



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