« Bore-out »: quand l'ennui au travail mine la santé mentale
Collaboration spéciale

Au lieu d’être causé par une surcharge de travail, le bore-out est causé par l’ennui au travail, explique Annie Boilard, à la tête du Réseau d'Annie RH.
Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme
Tout le monde peut s’ennuyer à l’occasion, au travail, et c’est normal. Mais certains s’ennuient ferme. Rester dans un emploi qui ne nous stimule pas peut même mener au bore-out. On en discute avec Annie Boilard, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA), spécialiste du leadership et du monde du travail à la tête du Réseau d'Annie RH.
D’abord, qu’est-ce que le bore-out ?
C’est un trouble psychologique qui peut être lié à la dépression, explique Annie Boilard. Le bore-out est dans la même famille que le burn-out, mais au lieu d’être causé par une surcharge de travail, il est causé par l’ennui au travail.
Est-ce fréquent ?
Un récent sondage de QAPA d’Adecco dit que 76 % des Français s’ennuient au travail. Ce sondage a fait beaucoup parler et il a été repris notamment par Le Figaro. Au Québec, j’ai déjà vu des chiffres semblables. Mais cela ne signifie pas que tous ces gens sont en bore-out, mais on parle quand même de beaucoup de personnes qui s’ennuient au travail, alors cela mérite qu’on s’y attarde.
Quels sont les éléments qui risquent de causer de l’ennui au travail ?
Généralement, l’ennui au travail commence par des tâches routinières et répétitives. Aussi, le fait de ne pas avoir de mission définie ni d’objectifs clairs n’aide pas. Par exemple, quelqu’un qui remplit des formulaires, mais qui ne sait pas trop à quoi cela sert au bout du compte peut se demander si son travail est important pour quelqu’un. Les employés peuvent aussi tomber dans l’ennui lorsqu’ils ont le sentiment de ne rien apprendre dans leur travail, ou d’être surqualifiés.
Le premier symptôme qui apparaît souvent est un ralentissement du rythme de travail. C’est comme si l’ennui vient saboter son efficacité. Toute la journée, on n’a pas envie de réaliser ses tâches. Puis, le soir, on est fatigué. Fatigué de ne rien faire. Bien sûr, pour s’inquiéter, il faut que les symptômes se maintiennent dans le temps. On a tous des parties dans notre travail qu’on aime moins, ou des périodes plus difficiles, et c’est normal.
Qu’arrive-t-il si on laisse les choses dégénérer ?
On se retrouve avec des troubles de sommeil, de même qu’avec une perte ou un gain d’appétit. Il y a de l’angoisse qui s’installe. Puis, on peut se rendre à l’épuisement professionnel. Plusieurs personnes vont se sentir coupables, parce qu’elles vont se dire par exemple qu’elles voulaient ce travail, qu’elles sont bien payées, mais qu’elles ne sont pas satisfaites. Cela crée encore plus de démotivation, voire de la dévalorisation.
D’abord, il faut se demander si c’est le bon travail pour soi. Si on est une personne très créative et qu’on a un travail très routinier, c’est certain qu’on s’ennuiera. Si c’est le cas, on a avantage à envisager de changer d’emploi. Mais, si on travaille dans l’organisation depuis 20 ans avec de bonnes conditions de travail, probablement qu’on voudra rester en poste. À ce moment-là, il est intéressant de revenir à la source. Pourquoi a-t-on choisi ce boulot ? Peut-être que c’est parce que plusieurs de ses amis travaillent dans l’organisation, qu’on fait du covoiturage et qu’on dîne ensemble chaque jour. Il se peut que le sens de son travail ne se trouve pas dans les tâches, mais dans les relations avec les collègues. Il est bon, aussi, de prendre le temps de reconnaître et de nommer ce qui va bien. Puis, on peut en parler avec son patron. Parfois, il pourra modifier sa tâche, par exemple pour y ajouter plus de défis. Mettre en place un processus de rétroaction continu peut aussi aider.
C’est certain qu’il doit faire attention dès le recrutement pour éviter les mauvais matchs. Il peut aussi penser à automatiser certaines tâches. Offrir de la formation peut également être motivant, de même que permettre à ses employés expérimentés de former des nouveaux. Une autre piste de solution : le gestionnaire peut tenter de faire rayonner davantage ses employés. Si on reprend l’exemple du formulaire, il finit forcément par servir à quelque chose au bout du compte. Parfois, l’équipe à côté sable le champagne après avoir décroché un contrat important, mais la personne qui a rempli le formulaire au départ n’est pas au courant que tout a commencé par son travail bien effectué. Il faut ramener l’information au début de la chaîne, pour que tout le monde puisse se sentir fier de ce qu’il a accompli.
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