Des parcs pour connecter les résidents à leur passé
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Mines et ressources naturelles
Les citoyens d’anciennes villes minières peuvent-ils se réapproprier les anciens sites ? C’est la question sous-jacente au projet d’étude de Heather Braiden, professeure adjointe à la Faculté de l’aménagement de l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage de l’Université de Montréal. Elle étudie l’état économique, social et écologique de trois sites, à Thetford Mines et à Val-des-Sources (anciennement Asbestos), au Québec, et à Sydney, en Nouvelle-Écosse.
« C’est un paysage qui n’est pas naturel, mais qui est renaturalisé et qui ne disparaîtra pas. Et il a une valeur patrimoniale, car il connecte les résidents à leur passé », explique la chercheuse qui travaille sur ce projet en collaboration avec sa collègue Shabnam Rahbar, de l’Université de Montréal, et le professeur Robert France, de l’Université Dalhousie, grâce à une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines.
Les chercheurs veulent développer un cadre d’analyse pour l’écoconception de la reconversion et du réaménagement de ces immenses sites postindustriels, dont la dimension se mesure souvent en kilomètres carrés.
Après une phase d’observation, le gros du travail de recherche consistera à interviewer les gestionnaires et les utilisateurs de trois lieux précis : le Centre historique de la mine King|KB3, à Thetford Mines, l’ancien site de la mine Jeffrey, à Val-des-Sources, et le parc Open Hearth, à Sydney, aménagé sur d’anciens étangs bitumineux, sous-produit de l’extraction du charbon. Ce dernier est considéré comme le site le plus toxique du Canada, mais les défis sont également nombreux sur les deux autres, hérités de l’exploitation de l’amiante.
« Nous souhaitons comprendre le processus décisionnel et les différents mécanismes qui ont guidé l’aménagement paysager pour la réhabilitation des sites, mais également les perceptions des utilisateurs du parc et leur satisfaction à son égard », indique Mme Braiden.
Effet sur la ville
La professeure adjointe envisage de prolonger son projet si elle peut obtenir une subvention additionnelle sur cinq ans, car Thetford Mines et Val-des-Sources en sont au tout début du processus.
À Thetford Mines, les deux plus gros immeubles, qui se font face, sont l’église Saint-Alphonse et la tour de la mine King|KB3, transformée en musée et en centre d’interprétation. Il y a une piste cyclable le long de l’ancienne voie ferrée qui traversait un parc de résidu et un centre de plongée réputé dans l’une des carrières.
À Val-des-Sources, où le trou de mine à ciel ouvert borde un quartier, la Ville a aménagé un parc en bordure. L’été, une dizaine de conteneurs servent de restaurant et de microbrasserie, et on peut s’asseoir pour contempler la vue. « Ils ont installé des sites de camping et il y a même un projet de tyrolienne. Ce travail de réappropriation a un effet direct sur la population. À Thetford, les gens ont repeint les maisons en même temps qu’ils ont commencé à créer le parc », observe Heather Braiden.
Mais, précise-t-elle, les réalisations actuelles ne sont encore qu’un prélude, notamment pour ce qui touche le paysage lunaire du parc de résidu dont le sol est stérile. « C’est épatant de constater un processus de revégétalisation naturelle à certains endroits, mais il reste beaucoup à faire », estime la professeure adjointe.
En fait, les études en ce sens ne sont pas encore terminées. « Pour les travailleurs, le danger n’est pas tant les fibres d’amiante, qui sont contrôlées, que le risque de glissement de terrain et d’éboulis, explique la chercheuse. Il s’est souvent formé une croûte en surface, qui se détache avec l’érosion et sous l’effet du ruissellement. » Cela complique les efforts de revégétalisation. « Les gestionnaires de projets de ces parcs étudient diverses méthodes, dont certaines sont très coûteuses », souligne-t-elle.
La piqûre postindustrielle
Native de Pickering, en Ontario, Heather Braiden est arrivée à l’Université de Montréal en 2021 après un doctorat à McGill et un premier poste à Dalhousie, où on lui a confié la tâche de monter un programme en architecture de paysage.
C’est dans le cadre d’un projet de recherche sur l’aménagement d’anciens sites miniers que la chercheuse a eu la piqûre pour la réhabilitation postindustrielle. Sa première visite du parc Open Hearth, à Sydney, l’a emballée, mais, raconte-t-elle, l’exercice de développer une typologie des sites a également été formatrice.
« J’ai examiné plus de 1300 photos aériennes de sites et de piles de résidus. Pour un oeil non averti, c’est du pareil au même, mais ils sont en réalité très différents, dit-elle. Leur forme est très liée à l’histoire industrielle et elle diffère selon qu’ils ont été empilés par convoyeur, par camion ou par wagon. Quand la mine était en exploitation, tout le monde savait ça. Mais une ou deux générations après la fermeture de la mine, c’est un savoir qui se perd. »
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