Des milliers de manifestants pour le climat à travers le Québec

Des milliers de personnes ont marché samedi pour le climat, à travers le Québec. Une coalition de 170 organisations, à l’origine des événements, réclame une « sortie des énergies fossiles » et un « réinvestissement massif dans le filet social ».
Quelque 7000 personnes étaient présentes à Montréal, selon les organisateurs. « Et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime contre l’humanité », « le gaz, le pétrole, on en a ras le bol », ou encore « rasons le capital, pas la forêt boréale » ont notamment scandé les manifestants.
Les membres de la Coalition anticapitaliste et écologiste, qui a organisé les multiples manifestations contre la COP 15 en décembre dernier, criaient aussi des slogans anti-police. La Coalition a également lancé un « appel à la perturbation et à l’action autonome » pour que la journée « soit marquée de [leur] rage collective ».
Le cortège a défilé pendant près de trois heures, de façon « assez pacifique », a indiqué la porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Jeanne Drouin. Deux personnes ont toutefois été arrêtées. L’une pour « voie de fait envers des policiers », et l’autre pour avoir déclenché un incendie, depuis maîtrisé par les pompiers, selon le SPVM.
« Pour notre avenir »
Éloi Lebeuf, 11 ans, a dit être venu manifester « pour notre avenir ». Le jeune garçon, qui n’en est pas à sa première marche, réclame que le gouvernement trouve des solutions « concrètes » aux problèmes de pollution. « Si on continue de même, ça ne va pas être le fun plus tard. »
Le cortège est parti vers 13 h 45 du monument à sir George-Étienne Cartier, au pied du mont Royal. Il a ensuite défilé au rythme d’une fanfare sur l’avenue du Parc, avant de tourner sur l’avenue Laurier puis sur le boulevard Saint-Laurent.
Parmi la foule, Jeanne Doyon, âgée de 6 ans, portait à son cou le dessin d’un ours polaire qui pleure, « parce que sa banquise, elle va fondre », a expliqué l’artiste en herbe.

À ses côtés, son père, Gaël Doyon, dit s’être débarrassé, avec sa compagne, de la voiture familiale. « C’était trop difficile de vivre avec une voiture, parce que c’était beaucoup trop de coûts, puis la transition énergétique doit absolument se faire rapidement », a-t-il dit, en expliquant avoir été motivé par un souci de responsabilité. Le couple se déplace depuis à vélo ou en transport en commun.
Bronwen Low, qui observait la marche depuis le trottoir, était « contente qu’il y ait beaucoup de monde, particulièrement de voir les jeunes, parce que c’est le futur, mais aussi les aînés » se mêler à la marche.
« Ce sont surtout des jeunes, et ça, ça me fait très chaud au coeur, a dit Micheline Bail, rencontrée quelques mètres plus loin. Ça veut dire que ces jeunes-là vont prendre la suite des choses. […] Autrement, on est cuits. »
À ses côtés, Marc Argo, un « vieux militant de la cause », se dit « épuisé » et « découragé ». « Ça fait 50 ans que, pour moi, les choses étaient claires. Et puis ça fait 50 ans que j’essaie de comprendre comment ça se fait qu’on fait l’exact contraire de ce qu’on devait faire. »
La manifestation à Québec a également rassemblé 7000 personnes, selon les organisateurs. Des événements similaires ont été organisés à Joliette, Trois-Rivières, Sherbrooke, Chicoutimi, Rouyn-Noranda, Rimouski et Baie-Comeau.
« Repartir la machine »
Les milliers de manifestants qui ont défilé dans les rues de Montréal ont afflué seulement quelques minutes avant le départ du cortège. Si bien que certaines personnes arrivées en avance étaient déçues face à la sobriété apparente du mouvement.
En 2019, Montréal avait vu déferler dans ses rues près d’un demi-million de personnes lors d’une manifestation pour le climat qualifiée d’historique.
Karine Laroche, du collectif La planète s’invite au parlement, trouve que la mobilisation est plus « difficile » qu’en 2019. « Il y avait un momentum » que la pandémie a cassé. Mais Mme Laroche a bon espoir que cet élan de mobilisation reprendra, « parce que ça devient urgent ».
« Je suis extrêmement déçue, a dit Armande Duval, venue de l’Outaouais pour participer à la marche. Ça n’a pas de bon sens que les gens ne soient pas plus en colère que ça. » Elle aura finalement été rejointe par plusieurs milliers de personnes.

Pour la co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Manon Massé, la marche de 2019 était « un moment privilégié, parce qu’il y avait Greta [Thunberg] avec nous, parce que, mondialement, il y avait une poussée importante. Mais la vague s’est brisée avec la pandémie. » Dans tous les cas, « ce n’est pas le monde qui compte », a dit Mme Massé. Ce qui compte, c’est que « les gouvernements prennent leur responsabilité tant en prévention qu’en adaptation, parce que le dérèglement climatique, il est présent », a-t-elle déclaré.
De son côté, la co-coordonnatrice du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec, Valérie Lépine, estime qu’il faut « cesser de comparer 2019 avec les autres manifestations ». Elle pense même que le « mouvement est plus fort » qu’il l’était il y a cinq ans.
La manifestation de 2019 était « l’aboutissement d’un long mouvement de grève, dont les premiers balbutiements ont commencé en septembre 2018 par des manifestations où on était moins nombreux qu’aujourd’hui, a rappelé François Geoffroy, porte-parole des Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique. Alors, on est en train de repartir la machine, et on est là pour rester ».
Une « belle semaine pour l’environnement »
« On manifeste aujourd’hui le sourire aux lèvres », a déclaré le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois. « Ça a été une belle semaine pour l’environnement au Québec », a-t-il ajouté, en faisant référence à l’abandon d’un troisième lien autoroutier par le gouvernement caquiste, et la promesse du premier ministre de débloquer des fonds supplémentaires d’adaptation aux changements climatiques.
« On a besoin de construire un Québec plus résilient », a dit M. Nadeau-Dubois. Selon QS, il faudrait financer davantage le transport en commun et interdire la vente de véhicules à essence en 2030.

Il faut « réinvestir massivement dans les services publics et les programmes sociaux en taxant la richesse, a dit Valérie Lépine, co-coordonnatrice du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec. Avec un filet social fort, on peut être beaucoup plus résilients face aux crises. »
Les manifestants ont salué l’annonce de François Legault sur le fonds d’adaptation, mais ils estiment qu’elle ne suffira pas. « Malheureusement, on a tellement tardé qu’on va se la prendre en pleine gueule, la crise climatique, qu’on le veuille ou non, a lancé M. Geoffroy. Alors oui, ça prend des fonds pour l’adaptation, mais si le fédéral continue à subventionner les pétrolières et à donner son accord à des nouveaux projets, on met de l’huile sur le feu qu’on essaie d’éteindre. »
Âgé de 14 ans, Yohan Lemay estime quant à lui que le Québec « ne fait pas partie des pires » gouvernements en matière d’environnement, mais estime qu’il y a quand même des choses à améliorer.
Le chanteur Émile Bilodeau, soutien de la première heure de QS, s’est joint à la marche aux côtés des députés du parti. Des représentants du Parti québécois (PQ), du Nouveau Parti démocratique (NPD), ainsi que de Projet Montréal, étaient également présents. Aucun représentant de la CAQ, qui avait été huée en septembre 2022 à son arrivée à une manifestation pour le climat, n’a cependant été aperçu par Le Devoir.