Y a-t-il un trésor caché à Montréal?

Des amateurs d’énigmes cherchent inlassablement un trésor que l’éditeur américain Byron Preiss aurait possiblement caché à Montréal en 1981. À ce jour, le mystère vieux de plus de 40 ans n’a pas été élucidé et les chasseurs de trésor tentent toujours, à Montréal, de décrypter les indices cachés dans les poèmes et les images du livre The Secret, que Preiss a publié en 1982.

Luc Brunelle est convaincu que l’un des coffres de Preiss se trouve sur l’île Notre-Dame, dans le parc Jean-Drapeau, à Montréal. Ce Lavallois a commencé à s’intéresser à ce mystère pendant la pandémie, à la suite d’émissions présentées par Discovery Channel et portant sur la chasse au trésor lancée par Byron Preiss.

En 1982, Byron Preiss a publié un livre, The Secret, comportant 12 images et de 12 poèmes qui fournissent aux amateurs d’énigmes les indices nécessaires pour trouver les 12 boîtes qu’il a enterrées dans 12 villes nord-américaines. Ces coffres de plexiglas contiennent une clé en céramique qui peut être échangée auprès de la maison d’édition contre une pierre précieuse.

Sauf que les énigmes sont difficiles et jusqu’à maintenant, seules trois boîtes ont été découvertes. La première a été déterrée dans un parc de Chicago en 1983, la deuxième dans un jardin public de Cleveland en 2004 et la troisième sur un terrain de baseball de Boston en 2019.

Byron Preiss est mort dans un accident de voiture en 2005, emportant avec lui le secret des emplacements des trésors.

Un trésor à Montréal ?

De nombreux chercheurs de trésor croient que Montréal fait partie de la liste des villes choisies par Preiss. Luc Brunelle est du nombre. Il en a pour preuve le tableau 9 du livre The Secret, qui montre un personnage énigmatique portant un bonnet et une tunique sombre. Sur sa robe, on distingue l’image d’un animal en train de gober une patte, qui n’est pas sans rappeler la sculpture apparaissant à la base d’un lampadaire du Mount Stephen Club, rue Drummond, au centre-ville de Montréal. « On s’entend que c’est Montréal parce qu’il n’y a aucune ville en Amérique du Nord où on a trouvé cette image. Et c’est en plein cœur de Montréal », soutient M. Brunelle.

Cela ne signifie pas que le trésor est caché à cet endroit, car Byron Preiss n’aurait pas enterré ses coffres sur des propriétés privées, mais plutôt dans des endroits publics, comme des parcs, souligne M. Brunelle.

Les chasseurs de trésors doivent plutôt prendre en considération l’ensemble des indices présents sur le tableau, regarder l’œuvre selon tous les angles, car certains éléments n’apparaissent qu’en tournant l’image ou en l’agrandissant. Et ils doivent aussi combiner leurs observations avec le poème correspondant. La quête se complique davantage, car si Luc Brunelle croit que le cinquième poème du livre fait référence à Montréal, d’autres considèrent que le huitième poème ou le dixième sont plus appropriés.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Luc Brunelle est convaincu que l’un des coffres de Preiss se trouve sur l’île Notre-Dame, dans le parc Jean-Drapeau, à Montréal. 

Ce sont notamment les motifs de damier apparaissant sur les vêtements que porte le personnage du tableau 9 qui font croire à Luc Brunelle que le trésor serait enterré au parc Jean-Drapeau. « Les carreaux ressemblent à des drapeaux de Formule 1 pour la course automobile », dit-il. « Et si on regarde le bonnet du personnage et qu’on tourne l’image à l’envers, ça rappelle le tracé du circuit Gilles-Villeneuve. » Le joyau qui orne ce bonnet pourrait être l’endroit précis où est enterré le trésor, près d’une des courbes du circuit, avance-t-il.

Il en est arrivé à cette conclusion en décortiquant aussi le cinquième poème. Celui-ci évoque entre autres un arc de lumière, des murs de granit, une citadelle dans la nuit, un oiseau sans ailes et une roche blanche. Autant d’indices auxquels il a tenté de trouver un sens pour identifier sur le site les éléments correspondants.

« J’ai été captivé par cette chasse au trésor. Je vois ça comme un défi mental. Est-ce ce que je vais être la quatrième personne à trouver un coffre ? » se demande-t-il. « Mon emplacement n’est peut-être pas le bon, mais je suis convaincu que la boîte se trouve sur le site du parc Jean-Drapeau. »

Rébecca Verdon, elle, penche plutôt pour le parc du Mont-Royal, même si elle croit plausible que le parc Jean-Drapeau soit le site choisi par Preiss. « En 40 ans, la ville a beaucoup changé. […] C’est sûr que quand on regarde le tableau, il y a des éléments qui tendent à porter notre attention sur l’Expo 67, que ce soit les drapeaux à damier, le 67 qui est apparent dans la fleur [de l’habit du personnage] et qui pourrait faire référence aux Floralies. »

Le bonnet du personnage peut rappeler le circuit Gilles-Villeneuve, mais aussi le mont Royal avec ses trois monts, explique-t-elle. Mais contrairement à Luc Brunelle, Rébecca Verdon est plutôt d’avis que la clé de l’énigme se trouve dans le huitième poème et non dans le cinquième.

Mais la liste des lieux possibles ne s’arrête pas là. D’autres chasseurs de trésor suggèrent l’oratoire Saint-Joseph ou même un site près du château Frontenac, à Québec.

Redécouvrir la ville

Au-delà de la quête du trésor, cette énigme permet de voir la ville autrement, estime Mme Verdon. « C’est une belle opportunité d’emmener les enfants à travers la ville, de leur apprendre un peu l’histoire de Montréal », explique-t-elle. « Qu’on trouve le trésor ou qu’on ne le trouve pas, après 40 ans, ce n’est pas grave. C’est vraiment l’expérience avec la famille qui compte. »

Luc Brunelle aussi voit dans cette chasse au trésor une façon de redécouvrir Montréal. « J’ai fait des recherches aux Archives nationales. Ça m’a permis d’en apprendre beaucoup sur l’Expo 67. Je suis né en 1975 et j’étais assez ignorant de ce qui s’est passé à Expo 67. »

Sauf qu’ayant déterminé ce qu’il croit être l’emplacement du trésor, il se bute à un obstacle majeur : à Montréal, il est interdit de faire des excavations dans un parc. C’est pourquoi, mardi dernier, M. Brunelle s’est adressé au conseil municipal pour demander à la Ville de délivrer des permis pour que les citoyens puissent creuser le sol sous la supervision d’employés municipaux. « J’aurais même payé ses heures », dit Luc Brunelle. La Ville de San Francisco accorde d’ailleurs ce type de permis pour les recherches liées au trésor de Byron Preiss.

La responsable de la culture au comité exécutif de l’administration Plante, Ericka Alneus, lui a cependant répondu que selon les informations qu’elle a recueillies, le trésor se trouverait plutôt à Côte-Saint-Luc, et non à Montréal. Ce lieu a été évoqué par certains amateurs d’énigmes en raison de similitudes entre le tableau 9 et un autoportrait du peintre Rembrandt. Or, un parc de Côte-Saint-Luc porte le nom du célèbre peintre.

Cette hypothèse ne convainc pas Darryl Levine, directeur des communications à la Ville de Côte-Saint-Luc, qui n’avait jamais entendu parler de cette chasse au trésor nord-américaine. « Cela me semble être un indice trop évident qui justifie que l’on n’en tienne pas compte », soutient le fonctionnaire au sujet du parc Rembrandt. Visiblement, il n’a pu s’empêcher de se prêter au jeu. « Tout le monde aime une bonne chasse au trésor », avoue-t-il.

Selon lui la « citadelle dans la nuit » qu’évoque le cinquième poème pourrait faire référence au chalet du mont Royal. « Il s’agit d’un endroit bien connu avec des vues sur la ville et des murs en granit », suggère-t-il.

Le mystère demeure donc entier. « Ce que je redoute le plus, c’est qu’on ne trouve jamais le coffre », dit Luc Brunelle qui ne perd pas espoir de pouvoir, un jour, vérifier son hypothèse sur le terrain.

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