Hydro-Québec renvoyée à la table à dessin à Saint-Zénon

L’électrification est une condition aux opérations de la mine Nouveau Monde Graphite.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir L’électrification est une condition aux opérations de la mine Nouveau Monde Graphite.

Le tracé de la ligne de transport que projette Hydro-Québec pour alimenter la première mine à ciel ouvert électrique au monde, celle de Nouveau Monde graphite (NMG), traverse un territoire agricole « unique et fragile », selon la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), qui refuse donner le feu vert nécessaire au commencement des travaux.

La CPTAQ, gardienne des terres cultivables, estime que le territoire concerné à Saint-Zénon — où la ligne doit passer — « est unique et fragile de par sa localisation au milieu d’un océan de territoire non agricole ».

Par une ligne de transport à 120 kilovolts, Hydro-Québec compte relier son réseau à la mine de graphite que NMG projette à Saint-Michel-des-Saints, dans Lanaudière.

Le tracé de 13,8 kilomètres proposé — dont 1,8 kilomètre en zone agricole — « empiète sur des pâturages et des champs de foin, tant en territoire agricole qu’en territoire non agricole », écrit la CPTAQ dans une récente décision. Elle renvoie Hydro-Québec à sa table à dessin, convaincue que le distributeur peut contourner ces terres si elle en a la « réelle volonté ».

Cette décision rejoint une orientation préliminaire rendue par la Commission en novembre 2021, dans laquelle elle soutenait que la société d’État n’avait pas déployé tous les efforts « pour atténuer les impacts négatifs » sur les activités agricoles.

Pour sa part, Hydro-Québec compte demander une révision de cette décision. « Selon nos analyses, il s’agit du tracé de moindre impact. […] Un nouveau tracé qui éviterait complètement le territoire agricole protégé aurait des impacts additionnels sur les milieux humides, sur la longueur de la future ligne et sur le déboisement qu’elle requerrait », a expliqué dans un courriel la société d’État au Devoir.

Un autre tracé évoqué dans le dossier de la CPTAQ traverserait pour sa part un grand milieu humide, un cours d’eau et une plaine inondable. Il nécessiterait également le déplacement de la ligne plus haut en montagne et, du coup, modifierait davantage le paysage, selon Hydro-Québec. « Il y a des villégiateurs et, donc, on a préféré s’éloigner le plus possible des secteurs de villégiature », lit-on dans la décision de la Commission.

Hydro-Québec a par ailleurs repoussé l’échéancier prévu initialement. Le déboisement devait commencer dès l’automne 2023. « Nous prévoyons maintenant entamer les travaux en 2024 », indique Hydro-Québec.

L’électrification de la mine est une condition aux activités de NMG, selon les autorisations obtenues du gouvernement du Québec. L’entreprise évoque sur son site qu’elle pourrait devenir « la première mine à ciel ouvert entièrement électrique au monde ».

Un nouveau tracé qui éviterait complètement le territoire agricole proétégé aurait des impacts additionnels sur les milieux humides, sur la longueur de la future ligne et sur le déboisement qu'elle requerrait

 

Vice-présidente aux communications chez NMG, Julie Paquet assure que le refus de la CPTAQ « n’a pas d’impact à ce stade-ci sur l’échéancier ». Actuellement, l’entreprise se concentre sur le financement des deux projets interreliés que mène de front NMG, soit la mise en exploitation de la mine de graphite ainsi que la future usine de production de matériaux de batteries à Bécancour, que la production de la mine doit alimenter.

« On s’en va en financement pour ces deux projets conjointement », dit-elle, précisant que des investissements initiaux de 480 millions de dollars sont nécessaires au développement de la mine et de 920 millions pour l’usine de Bécancour. Le financement pourrait être fixé dès l’automne. « Dès lors, on prévoit un échéancier de construction qui devrait durer 28 mois », dit Mme Paquet.

Le projet minier Matawinie est présenté comme un « gisement de calibre mondial » qui, une fois exploité, pourrait devenir « le plus grand projet minier de graphite » en Amérique du Nord. NMG prévoit extraire annuellement 100 000 tonnes de concentré de graphite de haute pureté.

Le projet de NMG rejoint la volonté de Québec de développer la filière batteries. En février, le gouvernement a d’ailleurs annoncé un investissement de 3 millions de dollars — versé par l’intermédiaire du programme Technoclimat — pour l’implantation d’une usine de démonstration d’un procédé d’enrobage du graphite dans les installations de l’entreprise. Une somme de 600 000 dollars est également avancée par Québec pour tester un prototype de véhicule minier entièrement électrique.

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