De jeunes avocats s’engagent à moins voyager en avion

Par conviction climatique, de jeunes avocats veulent mettre fin aux incessants voyages en avion qui rythment les relations entre leurs ordres professionnels. À l’initiative du Jeune Barreau de Québec, huit organismes juridiques « juniors » de la Francophonie s’engagent à moins se déplacer par la voie des airs. Ils espèrent convaincre l’ensemble de la profession de faire de même.
Les « rentrées judiciaires » sont la principale cible dans le viseur des jeunes avocats. Lors de ces réunions annuelles, les membres de chaque barreau se réunissent afin d’assister à des allocutions, à des cérémonies et à des formations. La tradition veut que les organisateurs invitent les représentants d’autres barreaux de la planète francophone. Réciproquement, des avocats québécois vont participer aux rentrées judiciaires à l’étranger.
« Quand c’est la rentrée à Paris, les conseils d’administration de tous les barreaux sont invités à s’y rendre. Trois semaines après, c’est à Versailles : tout le monde se déplace une nouvelle fois de l’autre côté de l’océan. Puis après trois semaines, c’est Bruxelles : tout le monde se déplace à nouveau pour rencontrer essentiellement les mêmes gens et revivre le même schéma d’activités », explique Chloé Fauchon, la présidente du Jeune Barreau de Québec.
Cette valse transatlantique — à laquelle participent autant les barreaux « séniors » que les jeunes barreaux réunissant les avocats ayant moins de dix ans d’expérience — sert à tisser des relations internationales entre les communautés judiciaires et à l’échange de bonnes pratiques. Toutefois, une nouvelle génération d’avocats y voit une habitude intenable sur le plan des émissions de gaz à effet de serre.
« Ce modèle nous est apparu désuet », rapporte Me Fauchon, qui a examiné la question avec le conseil d’administration de son organisation. Selon elle, les retombées de ces réunions internationales tenues à répétition ne sont pas toujours très tangibles. Et surtout, elle déplore le coût environnemental « déraisonnable » de tels voyages en avion. Rappelons qu’un aller-retour entre le Québec et l’Europe représente environ 1,5 tonne de CO2 par passager.
D’Haïti au Luxembourg
Momentanément, la pandémie a donné un coup de frein à l’envoi de délégations aux rentrées judiciaires à l’étranger. Le printemps dernier, toutefois, Me Fauchon s’est étonnée de voir la tradition redémarrer « sans que personne ne la remette en question ». En parallèle, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat tirait à nouveau la sonnette d’alarme. « Je suis incapable de faire comme si ça n’existait pas », raconte-t-elle.
La présidente a donc fait du dossier son cheval de bataille. Avec l’aide de ses pairs du Jeune Barreau de Québec, elle organisa, en septembre dernier, une discussion avec des homologues d’autres jeunes barreaux du monde judiciaire francophone. « Sur le principe, tout le monde était d’accord », dit-elle. En janvier, de premiers groupes ont apposé leur signature sur le projet de déclaration en gestation.
Mercredi, huit jeunes barreaux ont annoncé avoir pris l’engagement de réduire leurs déplacements en avion : ce sont les organisations du Luxembourg, de Bruxelles, des Coteaux (Haïti), de Marseille, d’Aix-en-Provence, de Genève et de Québec, ainsi que l’Association des jeunes barreaux de région du Québec.
Les signataires tenteront de faire en sorte qu’une seule rentrée judiciaire impliquant des déplacements transatlantiques soit tenue par année. Celle-ci serait organisée en alternance entre l’Amérique et l’Europe. Chaque signataire aura aussi le mandat d’exercer de la pression sur son barreau « sénior » pour que celui-ci adopte la même pratique écoresponsable.
« On a tous un rôle à jouer, soutient Me Fauchon. Avec les informations dont on dispose maintenant, qui font les manchettes tous les jours, on ne peut pas rester les bras croisés et remettre la responsabilité uniquement sur les gouvernements. Ce schéma de pensée fait perdurer l’immobilisme. Notre souhait, c’est de casser ce modèle afin que la communauté juridique, et les gens d’affaires en général, remette en question ses manières de faire. »