Racisme systémique à la Ville de Montréal: une enquête en mode «accéléré»

À la suite de l’enquête du Devoir sur le racisme vécu par une trentaine d’employés de la Ville de Montréal, Valérie Plante a écarté la requête de l’opposition de mener une enquête indépendante. Le Devoir a appris que, le jour même, la Direction générale de la Ville avait donné 24 heures à l’ensemble de ses services et de ses arrondissements pour recenser les dossiers de racisme et de discriminations qui ont eu lieu en 2022.

« L’heure n’est plus à la documentation, mais à l’action », a déclaré publiquement Valérie Plante le 20 mars dernier aux médias, alors qu’elle rejetait la motion d’urgence déposée par l’opposition officielle afin de tenir une enquête indépendante sur le racisme et la discrimination à la Ville de Montréal.

Cette motion faisait écho à l’enquête du Devoir, dans le cadre de laquelle une trentaine d’employés de la Ville, issus de neuf arrondissements de la métropole, ont affirmé avoir subi du racisme et de la discrimination. Des employés ont porté plainte auprès de leur employeur sans avoir obtenu justice.

Le Devoir a mis la main sur un courriel interne envoyé le jour même à l’ensemble des départements des ressources humaines et des chefs de division de la Ville de Montréal et de ses arrondissements intitulé : « Discrimination-Racisme|Demande urgente, échéance 21 mars à midi ».

Le Service des ressources humaines de la Ville y précise que « suivant les allégations de racisme parues dans Le Devoir », la Direction générale leur demande de recenser les dossiers qui ont eu lieu au cours de l’année 2022 dans les services et les arrondissements « concernant les plaintes (informelles ou formelles), les dénonciations, les griefs portant sur la discrimination (y compris le racisme), de l’incivilité ou du harcèlement psychologique ou sexuel ».

Ce n’est pas en faisant une enquête en cachette, avec des données colligées en moins de 24 heures sur un coin de table, qu’on va remédier au racisme et aux discriminations à la Ville de Montréal.

 

Le courriel indique qu’il est nécessaire de remplir un formulaire détaillé pour chaque événement qui a eu lieu et de préciser si le dossier implique une personne racisée, et de retourner le tout avant midi le jour suivant.

« Ces façons de faire complètement aberrantes et exercées dans l’urgence démontrent à quel point cet enjeu important n’est pas pris au sérieux. Ce n’est pas en faisant une enquête en cachette, avec des données colligées en moins de 24 heures sur un coin de table, qu’on va remédier au racisme et aux discriminations à la Ville de Montréal », a déclaré au Devoir Aref Salem, chef de l’opposition officielle.

M. Salem estime qu’il est nécessaire d’effectuer « une véritable enquête indépendante rigoureuse menée en collaboration avec les unités syndicales », sans quoi « la Ville va continuer à enquêter sur la Ville. Les ressources humaines vont continuer à enquêter sur les ressources humaines ».

Un portrait récent

Interrogé au sujet de sa démarche à l’interne, le service des relations médias de la Ville de Montréal a fait savoir par écrit au Devoir que ce courriel s’inscrivait dans le cadre de la révision de la Politique du respect de la personne et de l’amélioration du processus de gestion des plaintes et des signalements entamée l’an dernier.

« Le Service des ressources humaines souhaitait avoir un portrait récent, pour l’année 2022, des événements répertoriés dans les unités de la Ville, ainsi que les actions prises dans ces dossiers », indique Gonzalo Nunez tout en précisant que « la demande faite aux arrondissements a été accélérée à la suite de la parution des articles dans Le Devoir ».

« La compilation des informations obtenues pour 2022 a permis de constater que des interventions ont été faites et que des actions ont été prises (mesures disciplinaires et administratives) », ajoute-t-il.

Le Service des ressources humaines fait d’ailleurs « périodiquement des exercices de reddition de comptes, de compilation centralisée des données et des états de situation sur différents sujets et grands dossiers liés au service ».

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