Le 9ᵉ étage du Centre Eaton rouvrira ses portes

Fermé depuis près de 25 ans, l’emblématique restaurant du 9e étage du Centre Eaton de la rue Sainte-Catherine rouvrira ses portes d’ici la fin de 2023, a fait savoir le propriétaire du bâtiment, Ivanhoé Cambridge. La salle à manger de style art déco, inspirée de celle du paquebot Île-de-France, sera restaurée minutieusement afin de préserver le caractère patrimonial des lieux.
S’il a fallu attendre si longtemps avant de faire revivre le 9e étage du Centre Eaton, c’est qu’Ivanhoé Cambridge, qui a acquis l’immeuble en 2000, voulait s’assurer de la pérennité du projet à réaliser et trouver un partenaire solide. « Il fallait qu’on trouve la bonne formule pour que ça fonctionne. On a pris notre temps. C’est un projet d’envergure et il faut que le partenaire accepte de respecter le patrimoine, même dans ses opérations. Ce n’est pas un projet qui est simple », explique Annik Desmarteau, vice-présidente chez Ivanhoé Cambridge.
Celle-ci a cependant refusé de dévoiler l’ampleur des investissements qui seront requis ni l’identité du partenaire en question. « On peut dire que c’est un entrepreneur très respecté de Montréal », a-t-elle toutefois mentionné.
Outre un restaurant, les nouveaux aménagements prévoient un espace pour une programmation événementielle afin de permettre la tenue de spectacles, d’expositions et d’événements privés.
Travaux de mise aux normes
Les travaux ont déjà commencé par l’approbation du ministère de la Culture et des Communications, qui avait classé le 9e étage du magasin Eaton en 2000 en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel. « Après 20 ans, il y a eu le dommage du temps, mais il faut aussi penser que les normes ont changé depuis ces années. Donc, il y a beaucoup de mises aux normes à faire, comme les mesures d’urgence d’incendie et la gestion de l’amiante », souligne Mme Desmarteau.
Le restaurant L’Île-de-France, conçu par l’architecte français Jacques Carlu, avait ouvert ses portes en 1931 et pouvait accueillir 500 personnes. Cette capacité sera maintenue, indique en entrevue l’architecte responsable du projet, Georges Drolet, directeur associé principal à la firme EVOQ Architecture. « Évacuer 500 personnes d’un 9e étage, avec des codes qui sont beaucoup plus exigeants qu’ils l’étaient en 1930. On a même un travail à faire presque sur chacun des étages. »
Le classement décrété en 2000 couvrait à la partie sud du 9e étage ainsi que tous les éléments qui se trouvaient dans ce périmètre, dont le mobilier, la vaisselle et l’argenterie. Selon M. Drolet, des discussions sont en cours avec le partenaire afin de déterminer si certains éléments pourraient être intégrés dans ses opérations. Les grandes vitrines situées à l’entrée du restaurant qui permettaient à Eaton d’exposer ses produits pourraient être utilisées pour présenter l’histoire des lieux, précise-t-il.
Quant au restaurant, Mme Desmarteau souligne que la formule reste encore à définir, mais elle dit s’attendre à ce que de la restauration « moyenne-haut de gamme » y soit proposée. Ce que souhaite Ivanhoé Cambridge, insiste-t-elle, c’est que les lieux soient accessibles au grand public. « On veut que tout le monde puisse voir l’espace et peut-être se rappeler de bons souvenirs ou découvrir l’espace pour ceux qui ne l’ont pas connu. »
Tradition et modernité
Bien que la salle à manger du 9e présente des similitudes avec celle du paquebot Île-de-France, M. Drolet estime qu’elle est plus élégante. « Ce qui est unique dans cet intérieur art déco, c’est l’alliage entre la tradition et la modernité. Jacques Carlu avait les pieds dans les deux : il était diplômé de l’École des beaux-arts, une école très académique, mais il avait ses droits dans des milieux plus avant-gardistes, explique l’architecte. Ce mariage était impossible à l’époque en France, car il y avait une guerre entre les avant-gardistes et les traditionalistes. Il n’y avait qu’à l’extérieur de la France que Carlu pouvait faire quelque chose comme ça. »
La réouverture du 9e étage est une bonne nouvelle, estime Dinu Bumbaru, directeur des politiques chez Héritage Montréal, qui participe à des discussions avec Ivanhoé Cambridge afin de s’assurer de l’accès public des lieux. « Le 9e est un exemple exceptionnel. C’est du même niveau qu’Habitat 67, même si l’architecture est différente. »
Il rappelle aussi que le classement décrété en 2000 par l’ancienne ministre de la Culture Agnès Maltais avait un caractère exceptionnel, car il comprenait non seulement le 9e étage, mais également son mobilier et les accessoires.
La dernière visite de M. Bumbaru au 9e étage du Centre Eaton remonte à 2001, mais il dit ne jamais avoir eu d’inquiétudes concernant la sauvegarde des lieux, compte tenu de l’identité des propriétaires. « Ivanhoé Cambridge n’avait peut-être pas le dossier du 9e étage en haut de la pile parce qu’ils brassent beaucoup d’affaires, mais ils ont toujours été conscients qu’ils avaient un élément sur lequel il fallait faire quelque chose. »
Dinu Bumbaru souligne d’ailleurs que la firme EVOQ a une vaste expérience en matière de restauration patrimoniale, ayant notamment travaillé à la rénovation de l’édifice de l’ouest de la colline du Parlement, à Ottawa, et à celle de la gare Union, à Toronto.