Les jeunes Canadiens seraient plus écoanxieux que jamais

Des membres du groupe Global Youth Biodiversity Network ont manifesté à l’occasion de la COP15, qui s’est déroulée à Montréal en décembre 2022.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne Des membres du groupe Global Youth Biodiversity Network ont manifesté à l’occasion de la COP15, qui s’est déroulée à Montréal en décembre 2022.

Les jeunes Canadiens semblent plus anxieux que jamais face à l’avenir de la planète, au point que plus du tiers d’entre eux hésitent maintenant à avoir des enfants, révèle une nouvelle étude.

Un peu moins de la moitié du millier de jeunes Canadiens âgés de 16 à 25 ans interrogés par des chercheurs de l’université ontarienne Lakehead considèrent qu’il n’y a plus d’espoir pour l’humanité. Les trois quarts d’entre eux jugent que l’avenir est épeurant et estiment que leurs aînés n’ont pas suffisamment pris soin de la planète.

Interrogés quant à la réponse du gouvernement canadien face à la crise climatique, environ 70 % des jeunes ont indiqué être « en colère » ou se sentir « abandonnés ». Huit jeunes sur dix ont confié que les changements climatiques ont un impact sur leur santé mentale.

« Il est essentiel d’admettre que les jeunes Canadiens ressentent de la détresse et des conséquences sur leur santé mentale parce que les adultes, les décideurs et les gouvernements ne se sont pas attaqués adéquatement à la crise climatique », écrivent les auteurs de l’étude.

Les données montrent aussi que « les jeunes se sentent impuissants et trahis et qu’ils ne se sentent pas pris en charge, valorisés ou protégés lorsqu’il s’agit du changement climatique et de la réponse du Canada », ajoutent-ils.

Ainsi, les deux tiers des jeunes Canadiens ont indiqué ne pas discuter de la crise climatique avec leur entourage, ou avoir l’impression qu’ils ne sont pas pris au sérieux quand ils le font.

« C’est très inquiétant, a dit l’une des autrices de la recherche, Lindsay Galway, professeure au Département des sciences de la santé de Lakehead. Dans notre étude, nous faisons valoir que [ces sentiments] découlent de la crise climatique elle-même, mais aussi de l’absence d’interventions, transformatives et urgentes, surtout de la part du gouvernement. »

Les jeunes, ajoute-t-elle, ont l’impression que le gouvernement n’est pas à leur écoute, et les mécanismes qui leur permettraient d’influer sur leur avenir (comme le droit de vote, dans certains cas) échappent à leur contrôle.

Les jeunes d’aujourd’hui sont beaucoup plus visibles qu’ils ne l’étaient par le passé, principalement parce qu’ils sont beaucoup mieux informés, a rappelé Jalila Jbilou, professeure agrégée à l’École de psychologie de l’Université de Moncton.

« La reconnaissance de leur droit de parole est beaucoup plus importante qu’avant », a-t-elle dit.

Aussi du positif

Mais les nouvelles ne sont pas seulement mauvaises : la moitié des jeunes Canadiens considèrent qu’ils peuvent faire partie de la solution sur un plan individuel, et 71 % d’entre eux jugent qu’il est possible d’agir en unissant nos forces.

Participer à une action climatique, et particulièrement à une action collective, « peut aider les gens à affronter des émotions difficiles et leur anxiété climatique », rappellent les chercheurs.

Il importe toutefois de nuancer les résultats de cette enquête, croit Mme Jbilou, puisque certaines questions n’offraient comme choix de réponse que « oui », « non » ou « je ne veux pas répondre ». Un jeune ne pouvait donc que se dire inquiet, ou pas, de son avenir, sans préciser.

Cela étant dit, poursuit-elle en citant en exemple la jeune militante environnementale Greta Thunberg, les jeunes peuvent aussi être des vecteurs de changement.

« C’est grâce à ces jeunes que les choses sont en train de changer et qu’on voit une prise de conscience par rapport à l’environnement, a-t-elle dit. C’est merveilleux de voir les jeunes, même s’ils sont anxieux, se préoccuper de leur avenir. »

Le fait qu’un jeune sur deux soit conscient qu’il peut avoir un impact au niveau individuel est « fondamental », croit-elle, « parce que ça nous enseigne qu’on peut avoir un effet à notre niveau ».

Mme Jbilou souligne par ailleurs que l’anxiété des jeunes face aux changements climatiques n’est qu’un des stress présents dans leur vie.

« Actuellement, on observe une certaine anxiété générale, qu’elle soit associée aux conditions climatiques ou aux conditions de vie, à l’espoir professionnel, a-t-elle dit. Il y a un désengagement social aussi, et même personnel par rapport à la vie de couple. Les couples sont beaucoup moins stables, et beaucoup de jeunes vivent seuls. Donc il y a une certaine direction qui n’est pas favorable et qui probablement est exacerbée par tout ce qu’on entend sur les changements climatiques. »

Face aux données de la nouvelle étude, il est essentiel de permettre aux jeunes d’exprimer librement et sans jugement ce qu’ils ressentent, croit Lindsay Galway.

« Plusieurs jeunes ne réalisent pas à quel point c’est courant. Plusieurs souffrent en silence avec ces émotions puissantes. Ils n’ont personne à qui en parler, et c’est un problème », a-t-elle dit.

Les conclusions de cette enquête ont été publiées par le Journal of Climate Change and Health.

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