Des saisons de patin plus courtes et plus tardives à Montréal

La patinoire aménagée sur le bassin du parc La Fontaine avait accueilli en 2002 ses premiers amateurs au début du mois de décembre et la saison avait pris fin un peu avant la mi-mars.
Photo: Julien Cadena Le Devoir La patinoire aménagée sur le bassin du parc La Fontaine avait accueilli en 2002 ses premiers amateurs au début du mois de décembre et la saison avait pris fin un peu avant la mi-mars.

À l’approche du printemps, la saison de patin tire à sa fin à Montréal, du moins celle des patinoires extérieures non réfrigérées, qui ont souffert d’un hiver en dents de scie. En raison des redoux exceptionnels en janvier, les amateurs de la métropole ont dû faire preuve de patience : l’hiver qui s’achève a vu le début de saison de patinage le plus tardif des vingt dernières années. Le réchauffement climatique aura-t-il bientôt raison des patinoires extérieures ?

La Ville de Montréal compile depuis 2002 des données sur l’état de ses quelque 250 patinoires extérieures. Or, d’année en année, la saison de patinage s’atrophie.

Dans les observations météo, on voit déjà qu’il y a de plus en plus souvent des périodes au-dessus de zéro et de pluie.

 

À titre d’exemple, la patinoire aménagée sur le bassin du parc La Fontaine avait accueilli en 2002 ses premiers amateurs au début du mois de décembre et la saison avait pris fin un peu avant la mi-mars. Mais au fil des ans, la saison de patinage s’est écourtée. Cet hiver, la patinoire du même parc La Fontaine a été ouverte le 1er février et elle est actuellement fermée. Depuis le 1er décembre, cette patinoire n’aura été ouverte que 15 jours.


 

Le cas de la patinoire du parc La Fontaine est particulier puisque la surface de la glace est formée par le gel de l’eau. C’est donc dame Nature qui a le dernier mot pour lancer la saison, souligne Geneviève Allard, chargée de communication à l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. « Nous devons respecter la capacité portante de la glace pour supporter le poids de nos différents équipements et du personnel affecté à l’entretien, comme le déneigement et l’arrosage », explique-t-elle.

Geneviève Allard affirme que la courte saison n’est pas attribuable à une question d’effectifs ou de réduction des opérations, mais bien à une question de sécurité.

Sauf que, selon un habitué des lieux, l’état de la glace du parc La Fontaine a été exécrable cet hiver. « Les conditions météo cette année ont sans doute été particulièrement difficiles, mais ce n’est pas ça, le problème », estime Normand Corbeil, qui montre du doigt le manque de volonté de l’arrondissement d’entretenir la glace. « Il y avait plus de fissures sur la patinoire que de monde qui patinait », dit-il. « C’est une négligence qui s’accentue chaque année parce qu’on baisse les bras. On se dit que la météo est plus difficile qu’avant. Pourtant, c’est un site extraordinaire. »

Trois semaines pour patiner en 2023

 

Vendredi, seulement 37 patinoires non réfrigérées sur les 249 existantes (15 %) étaient toujours ouvertes et en « bonne » ou « excellente » condition, selon les données diffusées par la Ville de Montréal. À la Ville, on reconnaît que les récentes conditions météorologiques n’ont pas été favorables. Habituellement, les opérateurs tentent de maintenir ouvertes les patinoires naturelles à partir du congé des Fêtes jusqu’à la semaine de relâche, pour une période de dix semaines. Celles qui sont réfrigérées peuvent être ouvertes de quatre à six semaines supplémentaires.


 

Or, les données colligées cet hiver montrent que les patinoires naturelles ont été ouvertes en moyenne 21 jours depuis le 1er décembre. Certains arrondissements, comme L’Île-Bizard, avec une moyenne de cinq jours d’ouverture, et Saint-Léonard, à huit jours, affichent un maigre bilan, mais dans les deux cas, nous indique-t-on, les données ne sont pas à jour [c’est pourquoi Le Devoir les a retirées de son tableau]. « Les patinoires ont été ouvertes pendant une vingtaine de jours selon nos contremaîtres », précise par courriel Catherine Piazzon, chargée de communications à l’arrondissement de Saint-Léonard.

Les caprices de l’hiver ont aussi réduit les activités de patinage ailleurs au pays. À Ottawa, pour la première en plus de 50 ans, la patinoire du canal Rideau est demeurée fermée cette année.

Plus de pluie en hiver

 

Une étude dévoilée en 2020 par des géographes de l’Université Wilfrid-Laurier, en Ontario, a révélé que le nombre de journées où il est possible de patiner en plein air a diminué dans les six métropoles nord-américaines depuis 1940. À Montréal, le temps de glace est passé de 65 jours à 57 en six décennies. À Toronto, la chute a été encore plus abrupte, passant de 45 à 28 jours.

« Ça devient de plus en plus difficile », admet Christopher McCray, climatologue chez Ouranos. « Dans les observations météo, on voit déjà qu’il y a de plus en plus souvent des périodes au-dessus de zéro et de pluie. Même dans les scénarios les plus optimistes où on arriverait à réduire considérablement les émissions, on ne va pas ravoir les hivers d’il y a 50 ans. »

57

C’est le nombre de jours de temps de glace actuellement alors qu’on en comptait 65 il y a six décennies.

Montréal compte huit patinoires réfrigérées sur son territoire, et en augmenter le nombre pourrait être la solution pour allonger les saisons de patinage. Selon M. McCray, il faut toutefois tenir compte des effets potentiels des patinoires sur le climat. « Ça requiert de l’énergie et des ressources. C’est un peu comme les climatiseurs. Ç’a en prend pour faire face aux vagues de chaleur, et c’est une question de santé publique, mais si on émet plus de GES pour les utiliser, ça peut avoir des effets négatifs. »

Maire de Verdun pendant huit ans, de 2013 à 2021, Jean-François Parenteau estime qu’entretenir les patinoires en vaut la chandelle malgré les difficultés. « Il n’y a pas une tonne d’activités que les gens peuvent faire l’hiver. Le patinage est celle qui est la plus populaire et la plus simple pour les familles. Mais ça provoque beaucoup de réactions quand les patinoires ne sont pas à la hauteur », dit-il.

« Le nez collé » sur la météo

L’entretien des patinoires souffre parfois des opérations de déneigement des rues et des trottoirs, qui sont priorisés après des bordées, admet l’ancien élu. « Je disais souvent aux cols bleus de laisser des pelles traîner à côté des patinoires. » Les patineurs motivés pouvaient au moins déblayer la glace en attendant que la Ville puisse le faire, indique-t-il.

Selon lui, il faudrait doter tous les arrondissements d’au moins une patinoire réfrigérée, même si ces infrastructures sont coûteuses.

L’arrondissement du Sud-Ouest, qui affiche un des meilleurs bilans en matière de jours de patinage, applique depuis trois ans une nouvelle méthode pour aménager ses patinoires naturelles. L’idée consiste à saturer le sol d’eau et à répéter l’arrosage jusqu’à obtenir une bonne assise pour ensuite n’avoir qu’à entretenir la surface, explique son maire, Benoit Dorais. « On se rend compte que, malgré les aléas de température, on réussit à “ramener” la patinoire, dit-il. Mais pour faire ça, il faut garder le nez collé sur la météo. »

En 2018, l’administration de Valérie Plante avait annoncé son intention de construire une nouvelle patinoire réfrigérée chaque année à Montréal. Mais depuis, seule la patinoire réfrigérée de l’esplanade Tranquille s’est concrétisée, et la Ville n’envisage pas d’en construire d’autres à court terme. Au cabinet de la mairesse, on indique que la Ville a dû entreprendre la rénovation de ses arénas pour les rendre écoénergétiques et se conformer aux exigences de Québec. « Ça repousse l’échéancier concernant de nouvelles patinoires réfrigérées », indique l’attachée de presse de la mairesse, Catherine Cadotte.

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