Un changement d’heure aux répercussions multiples

La perte d’une heure de sommeil dans la nuit du samedi au dimanche, comme c’est le cas chaque printemps au Québec, peut paraître anodine. De nombreuses études universitaires font toutefois état d’une hausse des hospitalisations reliées à des problèmes cardiaques dans les jours suivant ce changement d’heure, qui entraînerait aussi une augmentation temporaire des accidents de la route et des erreurs médicales.

À 2 h, dimanche matin, il sera en fait 3 h pour les Québécois et les résidents de la plupart des provinces canadiennes. Les bars perdront ainsi soixante minutes d’exploitation cette fin de semaine, tandis que des millions de personnes au pays perdront une heure de sommeil. Elles gagneront cependant une heure de clarté jusqu’à l’automne prochain, puisque le soleil se couchera plus tard en fin de journée, soit autour de 19 h à Montréal et dans les régions voisines dimanche.

Le changement d’heure, qui est en vigueur dans quelque 70 pays et qui tient ses origines de la Première Guerre mondiale, est toutefois de plus en plus contesté. Le Yukon et certaines régions de la Colombie-Britannique ont ainsi décidé dans les dernières années de conserver la même heure toute l’année, tandis que la Saskatchewan n’a jamais adhéré au principe du changement d’heure, qui visait à l’origine à accroître la production en période de guerre.

Le Québec, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario ont aussi fait part dans les dernières années de leur intérêt à mettre fin à cette tradition, ce qu’ils n’ont toutefois pas encore fait. De nombreux pays n’ont d’ailleurs pas adopté le changement d’heure. C’est le cas, entre autres, de la Chine, de l’Inde, du Pakistan et de la Russie.

Des répercussions documentées

De nombreuses études universitaires sont d’ailleurs venues nourrir dans les dernières années l’opposition grandissante d’experts, de gouvernements et d’organismes du milieu de la santé au changement d’heure, qui a lieu deux fois par année au Québec, au printemps et à l’automne.

Une étude citée en 2018 par l’American Heart Association fait notamment état d’une augmentation de 22 % des admissions à l’hôpital aux États-Unis pour cause de fibrillation auriculaire — une irrégularité du rythme cardiaque — entre la période du lundi au jeudi qui suit le changement d’heure du printemps et ces mêmes journées de la semaine pendant le reste de l’année. Une situation qui pourrait être reliée à la perte d’une heure de sommeil, puisqu’aucune hausse notable des hospitalisations n’a été relevée en marge du changement d’heure automnal, lors duquel les Américains gagnent 60 minutes de sommeil.

« Maintenir l’heure normale permanente toute l’année est la meilleure option pour notre santé et notre bien-être », concluait ainsi dans une déclaration publiée le 28 février dernier la psychologue et présidente de l’American Academy of Sleep Medicine, Jennifer Martin.

Le changement d’heure contribuerait aussi aux erreurs médicales dans les hôpitaux des États-Unis, selon une étude publiée en 2020 dans le Journal of General Internal Medicine. En analysant des données compilées sur une période de huit ans, les quatre auteurs ont constaté que les erreurs médicales augmentaient en moyenne de 18,7 % dans les sept jours suivant le changement d’heure du printemps et de 4,9 % à l’automne, quand on recule d’une heure nos montres et nos horloges.

« Les décideurs politiques et les organisations de soins de santé devraient envisager le début différé des quarts de travail ou d’autres mesures d’urgence » pour limiter le risque que des erreurs médicales soient commises pendant « la transition vers l’heure d’été, au printemps », proposent ainsi les auteurs de l’étude.

Plus d’accidents de la route

Une autre étude, menée par quatre chercheurs universitaires américains et publiée en 2020 dans la revue scientifique Current Biology, montre que les accidents de la route mortels augmentent de 6 % aux États-Unis dans la semaine suivant le passage à l’heure avancée, communément appelée « l’heure d’été ». Les auteurs de l’étude ont notamment relevé que la visibilité réduite en matinée, après ce changement d’heure, de même que le manque de sommeil engendré par cette transition, augmentait le risque d’accident de la route.

Les chercheurs concluaient ainsi que 28 accidents mortels pourraient être évités chaque année si on abolissait la tradition du changement d’heure aux États-Unis. « Nos résultats soutiennent la théorie selon laquelle l’abolition complète des changements d’heure améliorerait la santé publique et réduirait les disparités géographiques en matière de santé. »

Le prochain changement d’heure — à reculons, cette fois — aura lieu au Québec dans la nuit du 4 au 5 novembre.

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