Les délais de raccordement à Hydro-Québec causent bien des maux de tête

Des résidents de plusieurs régions du Québec écopent de délais hors norme dans leur raccordement au réseau d’Hydro-Québec. Des retards qui ralentissent également la réalisation de certains projets immobiliers, au moment même où la province connaît une crise du logement. À la société d’État, on dit faire de son mieux pour répondre à une demande qui a grimpé de 50 % depuis le début de la pandémie.
« C’est vraiment un cauchemar », lance Véronique Boissonneault. Avec son conjoint, elle s’est fait bâtir une demeure vouée à devenir leur résidence principale à Saint-Sauveur, dans les Laurentides. Depuis mai 2022, le couple poursuit des démarches avec Hydro-Québec pour connecter cette nouvelle construction au réseau électrique. La société d’État lui a indiqué que le raccordement aurait lieu à la fin du mois de janvier 2023, affirme Mme Boissonneault. Or, à ce jour, le couple patiente encore dans une « location temporaire » en attendant d’obtenir un nouvel échéancier de la part d’Hydro-Québec.
« On ne sait pas ce qui va arriver », soupire celle qui souligne avoir dépensé d’importantes sommes pour assurer un chauffage minimal dans sa nouvelle résidence afin d’éviter que la tuyauterie soit abîmée par le froid. « Mais pour nous, ce n’est même plus une question d’argent, c’est une question de sécurité. On a besoin d’un endroit où vivre et on doit être branchés le plus vite possible. »
« On est à bout », confie-t-elle. Et elle n’est pas la seule.
Des résidents de plusieurs régions du Québec ont fait état au Devoir de longs délais de traitement de leur demande de raccordement au réseau d’Hydro-Québec, qui tarde d’ailleurs à les tenir au courant de l’évolution de leur dossier, critiquent-ils.
« En pleine crise du logement, il y a des maisons qui sont prêtes à être livrées, mais qui ne sont pas habitables parce qu’il y a des délais d’Hydro-Québec pour les brancher au réseau », indique l’électricien Guillaume Gauthier. Ce dernier s’occupe de rendre des maisons nouvellement construites prêtes à être branchées au réseau électrique. « Mais après ça, ça bloque à Hydro », soupire-t-il.
L’électricien donne en exemple le cas d’un de ses clients, qui s’est récemment fait construire une demeure à L’Île-Bizard–Sainte-Geneviève. Il espérait emménager dans sa maison le 1er avril, « mais Hydro-Québec lui a dit qu’elle sera branchée le 29 juin », dit M. Gauthier, qui s’explique mal qu’un raccordement aussi simple prenne autant de temps. « Je pourrais monter avec des pinces et le faire en une heure », lâche-t-il.
Dans le contexte de la pénurie de logements, il ne faudrait pas arriver à mettre des familles à la rue parce qu'un branchement n'a pas été réalisé
À Montréal, Gilles Veillette a pour sa part décidé l’an dernier de cesser d’avoir recours à un système de chauffage au mazout dans son logement situé au rez-de-chaussée d’un triplex du quartier Mercier-Est. Il a toutefois dû patienter trois mois et demi, du 18 septembre au 10 janvier, avant d’obtenir un raccordement au réseau d’Hydro-Québec. « Pendant ce temps-là, je n’avais pas de chauffage. On avait du mal à tenir ça à 12 degrés avec de petites chaufferettes électriques », raconte l’homme de 69 ans.
À Saint-Côme, dans Lanaudière, la société immobilière Groupe Sierra a lancé l’an dernier le projet du Domaine des Hauts Sommets, qui prévoit la construction de 200 luxueux chalets. Une demande a alors été effectuée pour un raccordement au réseau d’Hydro-Québec. Depuis, 25 lots ont été vendus, mais la construction des chalets a été mise sur pause en raison des retards que rencontre la société d’État dans la réponse à cette demande.
« Ça va affecter notre réputation »
« Les gens sont propriétaires, mais on ne sait pas quand Hydro va amener l’électricité. Ils disent qu’ils vont essayer de faire des miracles pour qu’on ait de l’électricité d’ici la fin de l’année », lance, sceptique, le cofondateur du Groupe Sierra Gabriel Dupuis. Ce dernier indique avoir tenté d’obtenir une autorisation pour réaliser un « branchement temporaire », à ses frais, afin d’accélérer la construction des chalets, mais la demande aurait été refusée par Hydro-Québec.
« La situation un peu litigieuse qu’on vit là, c’est que si rien ne se passe, des clients qui ont acheté à nous autres vont nous poursuivre, et nous, on va devoir poursuivre Hydro-Québec, relève M. Dupuis. Ça va affecter notre réputation. »
À l’Association de la construction du Québec (ACQ), le responsable des affaires publiques, Guillaume Houle, décrit l’effet boule de neige que peuvent avoir ces retards dans le contexte de la crise actuelle du logement.
En retardant le moment de la vente de propriétés et, par le fait même, le moment où des logements locatifs seront libérés par leurs occupants souhaitant devenir propriétaires, la situation « fait en sorte que toute la chaîne de vente de maisons et de récupération de loyers est embourbée », illustre M. Houle. « Dans le contexte de la pénurie de logements, il ne faudrait pas arriver à mettre des familles à la rue parce qu’un branchement n’a pas été réalisé », lance le porte-parole de l’ACQ, qui demande à Hydro-Québec de « prendre la situation au sérieux ».
Hydro dit faire de son mieux
En entrevue au Devoir jeudi, le porte-parole d’Hydro-Québec Cendrix Bouchard reconnaît que des retards dans les raccordements au réseau électrique sont notés « à la grandeur de la province », principalement en raison de la demande hors du commun à laquelle la société d’État a fait face dans les dernières années. « On a, depuis 2019, environ 50 % de demandes de travaux de tout type de plus qu’avant la pandémie », indique M. Bouchard.
Le ralentissement attendu dans les mises en chantier en 2023 n’a d’ailleurs pas encore réduit la demande relevée par Hydro-Québec pour des raccordements à son réseau, qui demeure élevée, ajoute le porte-parole. Ainsi, pour les raccordements jugés complexes — parce qu’ils nécessitent des travaux d’ingénierie, notamment —, un délai moyen de 12 à 18 mois est noté par Hydro-Québec. Or, 44 000 demandes de ce type ont été traitées par la société d’État l’an dernier.
Cendrix Bouchard ajoute que la société d’État est actuellement « à pleine capacité » en ce qui concerne ses employés affectés aux raccordements au réseau électrique, ce qui lui laisse peu de marge de manœuvre pour accélérer le traitement des demandes. « On a vraiment tout notre personnel à pied d’œuvre, on tente d’être le plus efficace possible », assure le porte-parole.