Le Musée de la civilisation dépoussière son exposition sur l’Histoire du Québec

Le temps des Québécois a fait son temps. L’exposition du Musée de la civilisation consacrée à l’histoire du Québec a plié bagage en janvier dernier après avoir été vue par des milliers de visiteurs sur près de deux décennies. Elle sera remplacée par une exposition occupant un espace trois fois plus vaste, dont l’ouverture est prévue en mai 2024.
« Après plus de 18 ans, il était normal de s’assurer que notre exposition est au goût du jour », explique le président-directeur général du Musée, Stéphan La Roche, dans un entretien accordé au Devoir. Les expositions « permanentes » ont une durée de vie limitée, rappelle l’avocat de formation. « À un moment donné, le matériel s’use, il finit par avoir une certaine obsolescence. »
La future expo, dont le nom reste à déterminer, sera déployée sur 1500 mètres carrés. « Ce sera la plus grande salle d’exposition que le Musée de la civilisation n’aura jamais eue, à ma connaissance », précise M. La Roche.
Cette superficie permettra d’intégrer une partie des 6000 objets et fragments mis au jour sur le site archéologique Cartier-Roberval, près de l’embouchure de la rivière du Cap Rouge. « Le début de la colonie va être richement abordé et illustré », poursuit-il en évoquant la première tentative de colonisation française du Canada en 1541-1543.
Rencontres
Les visiteurs de ce nouvel espace y verront des objets illustrant le thème de la « rencontre », celle avec les peuples autochtones, mais également avec les immigrants des dernières décennies. L’institution de la rue Dalhousie a d’ailleurs lancé un appel à tous en décembre pour recueillir des objets témoignant du premier contact de personnes immigrantes avec le Québec. Cet appel a été prolongé jusqu’au 26 mars.
La Conquête britannique de 1759 sera-t-elle considérée comme une forme de « rencontre » ? Oui, répond Stéphan La Roche : « Les rencontres ne sont pas toujours positives. Vous avez sûrement déjà vécu dans votre vie des rencontres qui ne sont pas agréables ! »
Les concepteurs de la nouvelle exposition devront trouver une place pour le « rempart palissadé » de Beaucours, dont la découverte dans le Vieux-Québec avait été annoncée par le premier ministre François Legault lui-même en novembre 2018. Une analyse subséquente avait toutefois révélé que les pièces de bois de cet artéfact supposément daté de 1693 avaient plutôt été coupées après 1750.
« Il occupera un espace à la fin de l’exposition pour faire ressortir la démarche scientifique qui anime les archéologues et les restaurateurs, explique la relationniste de presse Agnès Dufour en évoquant la structure mystérieuse. C’est une occasion de tisser des liens entre différents énoncés que cette découverte soulève. »
Refonte tranquille
Le Musée de la civilisation a mis en place des comités formés de jeunes, d’Autochtones et de membres de la diversité culturelle pour valider et scénariser la trame narrative de la future exposition. Ce panel d’experts comprend notamment les historiens Jean-Philippe Warren et Denyse Baillargeon, la poète innue Marie-Andrée Gill et l’écrivain Jean Désy.
« Ce n’est pas la révolution, insiste Stéphan La Roche. On va traiter des grands thèmes québécois qui étaient déjà là. Cela étant dit, il y aura une lecture probablement plus fine, plus à jour sur les notions d’inclusion et de décolonisation. »
L’esclavage pratiqué dans la vallée du Saint-Laurent jusqu’au début du XIXe siècle sera également évoqué dans les vitrines. « Ce ne sera pas un thème en tant que tel, mais c’est sûr que la question va être abordée, ça, je peux vous l’assurer, parce qu’il y a eu des épisodes au Québec comme partout en Amérique. »
Dès sa première mouture, en 2004, Le temps des Québécois misait sur le thème de la diversité. « Je suis d’ici et je suis d’ailleurs », lançait un citoyen anonyme tournant sur lui-même dans le court métrage qui accompagnait l’exposition. « Je ne veux pas… m’isoler », précisait un autre sur un air de guimbarde. La vidéo produite par l’Office national du film du Canada ménageait la chèvre et le chou en affirmant que la Conquête de 1759 n’était « ni providentielle ni catastrophique », à la suite d’un exposé historiographique plutôt pointu de Jacques Lacoursière, vu la clientèle visée par l’exposition.
L’expo de 2004 avait fait l’objet d’une refonte majeure en 2017. Le premier fleurdelisé hissé sur l’hôtel du Parlement québécois en 1948 y côtoyait la Fender Telecaster de Dédé Fortin et la robe de scène de la Poune. Ces objets iconiques seront-ils de retour entre les murs du Musée au printemps 2024 ? « On n’est pas rendus à cette étape-là, répond Stéphan La Roche. Certains objets vont revenir, mais je ne pourrais pas vous dire lesquels. Si on renouvelle, ce n’est pas pour montrer les mêmes choses. »
Celui qui a assisté à l’ouverture de son Musée en 1988 à titre de guide-animateur en profite pour rappeler l’importance de ne pas surexposer certains artéfacts. « Il y a des objets qui sont plus fragiles, et au bout d’un certain temps, ils doivent aller se “reposer” dans nos réserves. »
La nouvelle exposition ne risque-t-elle pas d’entrer en concurrence avec l’Espace bleu prévu au sommet de la falaise surplombant le Musée de la civilisation ? « L’Espace bleu de Québec va traiter plus spécifiquement de l’histoire du territoire de la région de la capitale nationale », fait-il valoir.