Un nouvel outil pour mieux maîtriser les inondations

Une vue aérienne de Terrebonne et de la rivière des Mille Îles, une zone à risque pour les inondations.
Photo: iStock Une vue aérienne de Terrebonne et de la rivière des Mille Îles, une zone à risque pour les inondations.

Depuis bientôt deux ans, un professeur de l’Université Concordia collabore avec la Ville de Terrebonne pour créer un logiciel de simulation d’inondations. Un outil qui permettra de se préparer sans risque aux débordements, et que les employés des services d’urgence ont « hâte de tester », selon le directeur des technologies de l’information de la Ville, Rémi Asselin.

« Au départ, le projet, c’était d’abord d’avoir des équipements qui nous permettraient de mesurer différents éléments sur la rivière : le niveau d’eau, le niveau de neige qui est tombée, ou la vitesse des courants, se souvient M. Asselin. Par la suite, le projet a évolué vers l’élaboration d’un modèle prédictif et de simulation des inondations. »

Prenant l’apparence d’un jeu vidéo, le programme permet de reproduire en 3D le territoire de la ville et de « changer les aspects du terrain », explique pour sa part Charalambos Poullis, professeur associé du Département de sciences informatiques et génie logiciel de l’Université Concordia. Les utilisateurs peuvent, par exemple, placer des sacs de sable autour des résidences proches de la rivière des Mille Îles, particulièrement à risque, et voir comment ces nouveaux éléments modifieraient l’écoulement de l’eau.

Grâce aux données historiques d’Environnement Canada, le logiciel peut simuler des événements passés, ou s’inspirer des statistiques pour prédire l’ampleur des inondations à venir. Tout ça « à coût nul », se réjouit le professeur Poullis. « Il n’y a pas de danger de casser quoi que ce soit, vous réinitialisez et vous recommencez ! C’est la beauté de la chose. »

Le projet, qui est encore au stade de développement, sera « surtout utile au printemps, quand la neige va commencer à fondre, puis que le niveau de la rivière va monter », indique M. Asselin. Cet outil à la fine pointe de la technologie aidera les employés des mesures d’urgence à être « plus réactifs », dit-il. « Actuellement, on se fie [à leurs] connaissances, qui sont bonnes, mais qui ne permettent pas de simuler dans le réel où va aller l’eau si jamais ça déborde. »

Une nouvelle approche

 

Ce projet de simulation en temps réel et à grande échelle est possible grâce aux données fournies par la Ville, qui permettent de reproduire avec précision les bâtiments et leur emplacement.

Mais le but du professeur Poullis et de son équipe est de pouvoir utiliser la simulation dans le plus de lieux possible, et surtout, à grande échelle, ce que ne permettent pas les méthodes traditionnelles de modélisation en trois dimensions.

« Depuis les années 1970, des personnes essayent de reconstruire des objets en 3D à partir d’images. Il existe des techniques très robustes », qui fonctionnent très bien à petite échelle, explique le chercheur, « mais dès que vous essayez de parler d’images de 200 mégapixels, ces techniques échouent lamentablement ».

Les techniques traditionnelles repè­rent des points clés dans des images et cherchent à les associer à d’autres points distincts. Mais lorsqu’il s’agit de reproduire une ville entière, « il n’y a pas autant de points distinctifs que de zones à reconstituer », et trop d’éléments peuvent se ressembler, ce qui brouille les reconstitutions.

Les techniques plus modernes d’apprentissage profond ne sont pas non plus adaptées. Elles fonctionnent, elles aussi, « très bien pour les petites images », mais « le plus gros inconvénient est que vous devez entraîner votre modèle ». Alors, dès qu’il est appliqué à une zone où « l’architecture est différente, il faut [tout] recommencer ».

Afin de créer des « jumeaux numériques » à grande échelle, M. Poullis et son équipe ont ainsi développé une nouvelle technique de modélisation, nommée HybridFlow. En plus de s’appuyer sur des points distinctifs entre les images, comme le font les méthodes traditionnelles, HybridFlow repère des zones regroupant plusieurs pixels, qui coïncident sur les différents clichés.

Cette technique a notamment permis de modéliser la ville de Montréal, grâce à des images prises par un avion volant à plus de 9 000 mètres d’altitude.

Photo: HybridFlow

De multiples perspectives

 

La simulation de catastrophes naturelles est l’usage le plus intéressant de cette technologie, estime M. Poullis. Mais elle peut se concrétiser en de nombreuses autres applications.

« Les utilisations vont de l’archéologie sous-marine en réalité virtuelle, au [développement de simulations pour] améliorer les compétences sociales des personnes autistes », se réjouit le directeur du laboratoire des technologies immersives et créatives de l’Université Concordia.

Il a en effet été possible de reproduire virtuellement un passage piéton particulièrement dangereux, pour « aider les enfants autistes à apprendre à traverser la rue. Évidemment, essayer de faire ça dans une [vraie] rue est très dangereux. Et nous avons vu une amélioration significative de leurs performances », indique le professeur.

Ce contenu est réalisé en collaboration avec l’Université Concordia.

À voir en vidéo