Faut-il retirer TikTok de nos cellulaires?
Au-delà des innombrables heures qu’ils y engouffrent, TikTok est-il dangereux pour les enfants ? Dans le renseignement militaire, la réponse à cette question est simple : oui.
Il y a évidemment l’importante collecte des données personnelles. On craint aussi l’effet que pourrait avoir TikTok sur la santé mentale des plus jeunes internautes. Certains pensent même que c’est calculé par Pékin.
La preuve la plus éloquente de cette tactique, selon les experts, se trouve dans la dualité qui existe entre TikTok et Douyin, les deux réseaux sociaux siamois propriété de la même entreprise chinoise, ByteDance. Le premier est accessible partout dans le monde, à l’exception de la Chine. Le second n’est offert nulle part ailleurs qu’en Chine.
Des études parues depuis plus d’un an tendent à démontrer que la façon dont TikTok fonctionne affecte négativement la capacité de concentration de ses jeunes utilisateurs. L’effet sur le cerveau du buffet à volonté de vidéos très courtes qu’on fait défiler d’un glissement de doigt à l’écran produit un comportement équivalent au proverbial chien qui aperçoit tout à coup un écureuil : l’utilisateur devient très facilement distrait. Chez les jeunes, cela pourrait affecter durablement leur capacité d’apprentissage.
À l’inverse, Douyin fait davantage la promotion de contenus encourageant une meilleure culture générale et une amélioration des connaissances. En entrevue avec des médias américains, l’ex-directeur de la division informatique de l’armée américaine Nicolas Chaillan résume la chose simplement : Douyin enseigne, TikTok abrutit.
« Leur algorithme est complètement différent. En Chine, il fait la promotion de contenus scientifiques, historiques et éducatifs, tandis qu’il présente des vidéos stupides de danse qui rendent nos propres citoyens plus stupides », a déclaré l’ex-militaire américain la semaine dernière au New York Post.
« Fabriqué en Chine 2025 »
À micros fermés, des experts de la sécurité nationale canadienne n’écartent pas cette idée qui circule aux États-Unis et qui ressemble plus qu’autre chose à une théorie du complot. La Chine, dit-on, aurait inclus dans son plan « Fabriqué en Chine 2025 » cette tactique qui consiste à miner à la base le système d’éducation occidental en affaiblissant ses élèves actuels et à venir.
Le plan « Fabriqué en Chine 2025 » s’apparente officiellement à la stratégie de développement économique à long terme de n’importe quel autre pays. Il comprend une foule de mesures mises en place depuis 2015 par Pékin pour faire de la Chine la principale puissance économique et politique mondiale à partir de 2025. On y trouve des initiatives concrètes, comme un investissement plus massif en recherche-développement scientifique et technique faite en Chine et un renforcement des compétences liées aux sciences et aux mathématiques.
En contrepartie de ce renforcement des compétences chinoises, ses principaux détracteurs pensent que ce plan comprendrait aussi des mesures attaquant le développement des compétences dans les pays rivaux. TikTok ferait partie de ces mesures.
Logiciel espion ?
Naturellement, les porte-parole de TikTok nient en bloc. Leur réseau social a été conçu uniquement comme une application ludique axée sur le divertissement, rappellent-ils.
Le réseau n’est pourtant pas blanc comme neige.
ByteDance, l’entreprise dont les activités sont principalement concentrées à Pékin et qui est propriétaire de TikTok, a admis en décembre dernier avoir espionné au moins trois journalistes du média américain Forbes à partir de l’adresse Internet de leur mobile. Ses employés chinois auraient aussi un accès peu encadré à des renseignements personnels sur les utilisateurs du réseau social.
À Washington, à Bruxelles et à Ottawa, on juge excessive la collecte de données faite par l’application TikTok. Même si l’application n’est pas active, elle collecte des données sur la localisation et sur les activités en ligne de ses utilisateurs.
Une fois installée sur un sans-fil, l’application demandera d’accéder à son carnet d’adresses. Elle récupère à l’occasion le contenu du presse-papiers et peut dresser une liste des autres applications présentes sur l’appareil. Elle peut aussi pister le propriétaire du téléphone sur le Web pour découvrir quels sites il visite régulièrement.
Cela dit, TikTok ne fait pas différemment de Facebook et Instagram. Sauf que l’inquiétude est ailleurs : TikTok appartient à une société basée en Chine, où le gouvernement se donne le droit de récolter sans préavis toute l’information sur ses utilisateurs récoltée par l’application.
Annoncée lundi à Ottawa puis quelques heures plus tard à Québec, l’interdiction pour les fonctionnaires fédéraux et provinciaux d’installer TikTok sur le sans-fil qu’ils utilisent pour le travail a d’ailleurs été présentée comme une mesure préventive. On redoute surtout que ces données finissent par tomber dans les mains du gouvernement chinois.
À nouveau, les porte-parole de TikTok se font rassurants. Ils assurent qu’aucune information provenant de son utilisation en Amérique du Nord n’a été partagée et ne sera partagée avec le gouvernement chinois, peu importe les conditions.
Mais les données personnelles que collecte le réseau sont nombreuses. Et le moyen le plus efficace de ne pas être victime d’une éventuelle fuite de ces données est le même que celui suggéré pour éviter les effets néfastes de TikTok sur la santé mentale des plus jeunes internautes : désinstaller l’application.